LES CONTRADICTIONS DE L'ETAT PATRIOTE
Un article qui remet quelques pendules à l'heure... parler c'est bien beau. Mais tenir ? Ah là c'est une autre histoire...
Eramet : les contradictions de l'Etat patriote
par PATRICK LAMM
L'affaire du nickel calédonien, dans laquelle Eramet a été débouté hier en justice, est exemplaire des contradictions et des revirements de l'Etat, à la fois actionnaire de cette société et garant de la stabilité politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, lorsque ses objectifs politiques se télescopent avec ses intérêts économiques.
Qu'on demande à Eramet de se sacrifier sur l'autel de la paix avec les indépendantistes, il n'y a rien là que de très compréhensible. Le souvenir d'Ouvea, en 1986, reste dans toutes les mémoires et personne ne veut risquer de mettre à nouveau le feu aux poudres alors même que des promesses ont été faites aux Kanaks. Il s'agit là d'une décision politique qui incombe au gouvernement.
Mais fallait-il pour autant ne pas respecter les accords de Bercy de 1998, pourtant signés par l'Etat ? Ceux-ci prévoient expressément que le canadien Falconbridge s'engage de façon irrévocable à construire une usine de nickel dans le nord de l'île. Or, malgré plusieurs reports d'échéance, celle-ci n'a toujours pas vu le jour. Le conseil d'administration du groupe canadien n'a d'ailleurs jamais fait de communication sur le sujet à ses actionnaires. Si, demain, Falconbridge décide finalement de ne pas construire cette usine - cette probabilité n'est pas mince dans la mesure où, avec son nouveau partenaire Inco, il a trois autres projets en cours -, Eramet pourra-t-il faire respecter ses droits, compte tenu du contexte politique en Nouvelle-Calédonie ?
Fallait-il ensuite aller jusqu'à subventionner un concurrent direct du groupe français ? Il est prévu, en effet, que Falconbridge bénéficie de plusieurs centaines de millions de dollars de défiscalisation. Si l'on y ajoute la soulte de 150 millions d'euros reçue par Eramet en guise de dédommagement pour l'abandon de son riche gisement de Koniambo, on s'aperçoit que le contribuable français aura été fortement mis à contribution.
Le résultat, c'est qu'on affaiblit une belle entreprise française qui porte des intérêts stratégiques. Eramet est l'un des principaux producteurs mondiaux de nickel, leader même dans des alliages très utilisés dans l'aéronautique. C'est aussi le principal actionnaire de la Comilog, le deuxième producteur mondial de manganèse. C'est donc une entreprise tout à fait stratégique. Du reste, on avait entendu il y a quelques mois le ministre de l'Industrie, François Loos, clamer qu'Eramet était plus stratégique que Danone.
Alors, au moment où le gouvernement s'apprête à publier son « décret anti-OPA » soumettant à l'examen du ministère de l'Economie toute prise de participation étrangère dans des « secteurs sensibles », est-ce là la meilleure façon de pratiquer ce « patriotisme économique » dont se réclame Dominique de Villepin ?
Sources : LES ECHOS
Posté par Adriana Evangelizt