CPE : Premier combat pour DDV
Dominique de Villepin s'est donc inspiré des idées de Sarkozy mais ce dernier avec ses acolytes ne se gênent pas pour le critiquer allant jusqu'à dire qu'il emploie des méthodes "à la hussarde" et lui reprochant d'avoir "fragilisé une bonne idée"... L'idée est bonne parce qu'elle vient d'eux mais l'application est mauvaise si l'on a bien compris. Ils auraient sans doute fait mieux et les méthodes de Sarko ne sont pas elles à la hussarde ! Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd...
CPE : Premier combat présidentiel pour M. de Villepin
par Patrick Roger
Veillée d'armes à l'Assemblée nationale alors que s'ouvre, mardi 31 janvier, le débat sur le projet de loi pour l'égalité des chances dans lequel est créé le contrat première embauche (CPE). Avant la mobilisation contre le CPE programmée le 7 février. Le test est guetté avec attention, même si, du côté du gouvernement et de la majorité, on affirme ne pas le redouter : "Il faut arrêter de prendre les jeunes pour des bûches", estimait lors d'un entretien télévisé le ministre de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, pour conjurer l'idée d'une forte opposition dans la rue.
Il n'empêche qu'à l'orée du débat parlementaire, prévu pour durer jusqu'au 9 février, l'UMP est appelée à serrer les rangs. "Pas question de laisser s'ouvrir des brèches dont profiterait la gauche. On a vu ce qu'il nous en a coûté en 1994 avec le CIP", a prévenu en substance Nicolas Sarkozy devant le bureau du groupe UMP, la semaine précédente. Pourtant, en sous-main, les proches du ministre de l'intérieur ne se privent pas de critiquer la méthode "à la hussarde" de Dominique de Villepin, lui reprochant d'avoir pris le risque de "fragiliser une bonne idée".
Une idée dont le président de l'UMP revendique la paternité, accusant implicitement le premier ministre de s'être empressé de la "récupérer, sans attendre que le sujet soit mûr". "Au lieu de laisser Borloo défricher le terrain, il a voulu se réserver l'effet d'annonce, ce qui fait qu'on est sur la défensive alors qu'on devrait être à l'offensive, regrette un proche conseiller de M. Sarkozy. Mais ce n'est pas parce que ça a été mal engagé par Villepin qu'on va se désolidariser."
A droite comme à gauche, on mesure l'enjeu de ce texte de loi. L'instauration du CPE — un contrat à durée indéterminée assorti d'une période de "consolidation" de deux ans pendant laquelle il peut être rompu à tout moment — annonce un changement en profondeur du "modèle social français". Le rapporteur du texte, Laurent Hénart, député (UMP) de Meurthe-et-Moselle, pointe "les limites du système français, qui protège ceux qui ont le plus et exclut ceux qui n'ont pas". "On a développé des sécurités collectives qui laissent les gens individuellement démunis, déplore M. Hénart. Il faut inverser la tendance : plus de libertés collectives, plus de sécurités individuelles. L'emploi passe par des formules plus souples." Pour l'ancien secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, "l'évolution du contrat de travail, si elle n'existe pas dans la loi, existe déjà dans les faits". M. Hénart rappelle qu'à peine 20 % des jeunes actifs de moins de 25 ans sont en contrat à durée indéterminée et que la durée moyenne d'un contrat à durée déterminée est de deux mois.
En forçant la cadence dans la mise en oeuvre de dispositifs qui constituent une amorce de "rupture" avec le code du travail en vigueur, M. de Villepin infléchit également le positionnement politique qu'il avait adopté depuis sa nomination à Matignon, en juin 2005. Il prend ainsi un risque délibéré, destiné à marquer des points, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2007, auprès du noyau dur de l'électorat de droite, dont il n'entend pas laisser le monopole à son ministre de l'intérieur. Encore cela suppose-t-il que le front syndical reconstitué à cette occasion, auquel se sont jointes des organisations lycéennes et étudiantes, ne vienne pas bousculer cet ordonnancement. "Le problème avec les mouvements sociaux, c'est qu'on sait quand ça commence mais on ne sait pas où ça finit", note Stéphane Rozès, directeur de l'institut CSA-Opinions.
François Hollande se dit lui-même convaincu que "Villepin engage là sa première bataille d'opinion et parlementaire". Il rappelle que le premier ministre avait fait le choix, pour ses premières mesures en faveur de l'emploi, d'en passer par la voie des ordonnances. Mais le premier secrétaire du PS y voit aussi l'occasion de mener "une bataille de pédagogie politique". "Villepin ne tenait pas jusqu'à présent le discours d'un libéral forcené, constate le député de la Corrèze. Il va devoir lever les ambiguïtés. Nous voulons montrer clairement qu'il y a deux logiques à l'oeuvre : celle de la précarisation et celle de la sécurisation. Aujourd'hui, l'opinion est dans la confusion. On lui dit : "Vous n'avez rien à perdre puisque vous n'avez déjà rien." Mais c'est un marché de dupes. On précarise les plus insérés sans améliorer pour autant le marché du travail. Le débat d'aujourd'hui préfigure celui de 2007."
Pour autant, M. Hollande ne semble guère se faire d'illusions sur les capacités de l'opposition parlementaire, ni sur celles du mouvement social, à empêcher la mise en oeuvre de ce dispositif. "Soyons réalistes, le texte va passer, consent-il. Le travail d'explication que nous engageons trouvera son dénouement non dans la rue mais dans les urnes, en 2007."
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt