«On remet en cause la solidarité avec les malades les plus atteints»
«On remet en cause la solidarité avec les malades les plus atteints»
Recueilli par FRANÇOIS WENZ-DUMAS
Sécu. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, dénonce les déremboursements :
La Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), qui regroupe la quasi-totalité des mutuelles de santé (18 millions d’adhérents), appelle l’ensemble des partenaires sociaux à s’opposer aux mesures de déremboursement que le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, doit soumettre aujourd’hui à son conseil d’administration. Le président de la FNMF, Jean-Pierre Davant, explique à Libération pourquoi ces mesures lui semblent particulièrement injustifiables.
Le directeur de l’Assurance-maladie propose de ne plus rembourser qu’à 35 % certains médicaments qui l’étaient jusqu’ici à 100 % lorsqu’ils étaient prescrits dans le cadre d’affections de longue durée (ALD). En quoi cela vous paraît-il choquant ?
C’est choquant déjà sur la forme. Il n’y a eu aucune consultation des différents acteurs de la politique de santé. Annoncer que pour les patients, cela ne changerait rien parce que les mutuelles allaient rembourser la différence… La moindre des choses aurait été de nous en parler. Mais le plus choquant dans l’annonce de cette mesure est qu’elle inquiète des personnes confrontées à des pathologies lourdes. Tout cela d’ailleurs pour une économie que le directeur de l’assurance-maladie estime à 250 millions d’euros, alors que le déficit de l’assurance-maladie pour 2009 sera de l’ordre de 7 milliards. On remet en cause un des principes essentiels de l’assurance-maladie, la solidarité avec ceux qui sont atteints d’affections les plus graves, pour une mesure qui, vu l’ampleur des déficits, apparaît comme un rapiéçage. S’il faut réguler les dépenses, ce qui paraît effectivement indispensable, mettons-nous autour d’une table au lieu de lancer ce genre de propositions.
La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, assure que les complémentaires peuvent prendre le relais, et que si le prix des médicaments baisse, cela ne leur coûtera rien.
S’il suffisait que les caisses d’assurance-maladie remboursent moins pour que le prix des médicaments baisse, cela se saurait ! On peut se renvoyer la balle entre la Sécurité sociale, les mutuelles et les patients : à l’arrivée, ce sont toujours les Français qui paient. Ce que nous voudrions mettre sur la table des négociations, ce sont les moyens de réguler intelligemment une croissance des dépenses de santé, par ailleurs inéluctable.
La proposition de Frédéric van Roekeghem sur les ALD n’est-elle pas un ballon d’essai préparant d’autres mesures plus drastiques ?
Si c’est un ballon d’essai, le gouvernement à la réponse : cela ne passe pas. Le conseil d’administration de la Caisse d’assurance-maladie devrait le confirmer ce jeudi. La sagesse voudrait que l’on prenne le temps de discuter avec les partenaires sociaux et tous les acteurs des politiques de santé. Nous y sommes prêts.
Le gouvernement peut-il passer outre un vote négatif du conseil d’administration de la Caisse d’assurance-maladie, où siègent syndicats, patronat et mutualité ?
En dernier ressort, c’est le gouvernement qui décide. Mais je lui conseillerai de ne pas passer en force. Ce n’est pas comme cela que l’on pourra réguler les dépenses et améliorer le dispositif de santé.
Faut-il lancer une nouvelle réforme de l’assurance-maladie, après celle de 2004 dont on constate qu’elle n’a pas tenu ses objectifs ?
Franchement, je ne crois pas à une réforme qui serait le grand soir de l’Assurance-maladie. A quoi cela sert-il de faire voter par le Parlement une grande réforme qui ensuite n’est pas appliquée ? Rappelez-vous tout ce qui a été dit sur le dossier médical partagé il y a quatre ans. Pour arriver à quoi ? A ce qu’en 2008 on considère que ce dossier n’existera que pour ceux qui le veulent bien. Autre exemple : en 1996, on misait sur la formation médicale continue pour responsabiliser les médecins. Douze ans plus tard, on en est au même point. Il faut admettre qu’il est naturel que les dépenses de santé augmentent, en raison de la démographie et des progrès de la recherche médicale. Donnons-nous les moyens de gérer sérieusement le dispositif de santé, pour le moderniser, pour qu’il ne perde pas en qualité, et pour ne pas faire porter la dette sur les générations futures. Le traitement des pathologies lourdes - les affections de longue durée - a changé. Réfléchissons à adapter la prise en charge de ces pathologies au lieu de proposer des déremboursements.
Sources Libération
Posté par Adriana Evangelizt