L'épreuve de Dominique de Villepin

Publié le par Adriana EVANGELIZT

L'épreuve

par Catherine Pégard

Le CPE devait être l'arme fatale du Premier ministre pour faire baisser le chômage et l'ériger en présidentiable. Mais l'effet boomerang n'a pas tardé : les étudiants s'opposent, la majorité se divise, les pires scénarios s'écrivent...

Ce samedi 11 mars, Jean-François Copé est à Hongkong en voyage officiel. Le ministre du Budget déjeune avec le Chinois le plus riche du monde, Li Ka-shing, qui a racheté en 2005 le groupe de parfumerie Marionnaud. A sa stupéfaction, le milliardaire hongkongais, qui voudrait s'implanter davantage en France, pour lui « une terre de mission », lui parle très longuement du CPE. Il explique que cette réforme va dans le bon sens, qu'il attend que la France casse ses rigidités pour être plus attractive. Sur la messagerie du téléphone portable de Jean-François Copé, qui est aussi le porte-parole du gouvernement, les appels s'amoncellent. Les radios matinales - il est sept heures plus tôt à Paris - cherchent à obtenir sa réaction à l'occupation de la Sorbonne par les étudiants. A l'autre bout du monde, le ministre a un peu le tournis. Il vit en condensé le paradoxe que Dominique de Villepin ne cesse de dénoncer : le Premier ministre est convaincu qu'il se heurte à une société bloquée qui n'a plus du tout les moyens de l'être.

Mais Dominique de Villepin, ces jours-ci, n'est pas entendu. Pour la première fois depuis sa nomination à Matignon, le jugement des Français sur son action est majoritairement négatif, selon le baromètre mensuel Ipsos pour Le Point, réalisé avant son intervention, dimanche, au journal de TF1. Mais, si 11,5 millions de Français l'ont écouté réaffirmer que « le CPE serait appliqué », il reste au coeur d'un cyclone dont certains n'excluent pas qu'il pourrait l'emporter. Déjà, dans les allées du pouvoir, alors que les mouvements sporadiques se multiplient et que les manifestations s'organisent - « les jeunes, c'est comme le dentifrice, il est plus facile de les faire sortir que rentrer », constate, faussement enjoué, un ministre -, on entend murmurer : « S'il en était au même point après le week-end prochain... ». Après la manifestation des syndicats de salariés le 18 mars. « Villepin s'est affiché comme le ministre de l'emploi. Il est dans un moment déterminant pour structurer son rapport avec les Français », reconnaît un de ses proches.

Le CPE, aujourd'hui, cristallise les mécontentements. Et l'on se prend à évoquer cet hiver 1996 où Alain Juppé, dans la tourmente, confessait, désabusé, qu'il fallait bien quelqu'un pour faire la sale besogne, surtout quand on la sait indispensable. Alain Juppé, qui avait demandé lui aussi à être jugé sur la baisse du chômage et qui confiait : « Et pourtant le chômage augmente. Notamment celui des jeunes, c'est ma croix. J'attends chaque statistique nouvelle dans l'angoisse » (« Entre nous », édité chez NiL). C'était il y a dix ans...

« Incorrigibles ! » Un ministre résume le sentiment général : « Le vent a tourné autour du 20 février. Et le climat ressemble à celui de 1996. On nous dit : "Vous êtes incorrigibles", et puis ça finit par "Foutez le camp !" ». Le CPE, qui devait, pour Matignon, élargir l'accès à l'emploi pour les jeunes sans qualification qui mettent, selon les statistiques, huit à onze ans pour entrer sur le marché du travail, est devenu le symbole de la précarité. L'idée distillée - selon les collaborateurs du Premier ministre - par quelques commandos d'extrême gauche dans les facultés et par les socialistes sur les bancs de l'Assemblée que le CPE c'était « le droit de virer et non celui d'insérer » s'est imposée. Ils le reconnaissent. Et la pédagogie de Dominique de Villepin apparaît comme bien tardive. Le Premier ministre avoue qu'en faisant le choix de ne pas se contenter de « gérer le pécule » de popularité qu'il avait acquis à la fin de l'année il allait au devant de la difficulté : « Rien ne me surprend, clame-t-il. C'était écrit. » Mais alors pourquoi avoir eu l'air si serein en janvier ? Péché d'orgueil.

Les alertes. Il faut revenir un peu en arrière, mais c'est déjà si loin ! A Noël, tout semble en effet sourire au Premier ministre. Arrivé à Matignon avec un faible capital de popularité et dans le scepticisme général de ses ministres et même du président, qui doute toujours de sa solidité politique, il séduit les Français. On oublie les voitures qui continuent de flamber chaque week-end, la « crise des banlieues » a été gérée. Les députés regardent d'un autre oeil Dominique de Villepin, qui, finalement, disent-ils, sait serrer les mains. Certains ministres, comme Philippe Douste-Blazy, le pressent de s'organiser discrètement pour la présidentielle. Il s'impose comme une alternative à Nicolas Sarkozy, mission élyséenne par excellence. A Matignon, on annonce « le moment Villepin ». Devant ses interlocuteurs, le Premier ministre répète que « les Français veulent qu'il se passe quelque chose et qu'il est là pour cela ». « Comment dire qu'on ne pourra faire les réformes qu'en 2007 ? » s'étonne-t-il. Allusion à Nicolas Sarkozy, auquel il a entrepris de dérober le mouvement et l'action. On vous parle du bonheur qu'il a à gouverner, de la tendresse qu'il faudrait mettre dans la politique, de l'empathie qu'il a su créer avec la société française. La gauche est absente. A l'Elysée, on s'émerveille même qu'il veuille toujours « charger la barque ». On ne retient pas les alertes, ce déjeuner, par exemple, expédié avec ses ministres, juste avant Noël, dont Jean-Louis Borloo est reparti furieux de n'avoir pas été écouté ; ces ministres qui se plaignent d'être dépossédés de leurs projets : « On n'échappe pas à son étant », gronde l'un d'eux, citant Heidegger. Villepin avance. « Brumaire ne lui fait pas peur », souffle un fidèle, admiratif. Comme le contrat nouvelle embauche (CNE) a été accepté plus facilement qu'il ne le pensait, il veut aller plus loin. Plus vite. Et seul. Les Français lui sauront gré de « ne pas surfer sur la vague ». Il s'attaque donc au chômage des jeunes. « On avait besoin de quelque chose de plus. Les chiffres de janvier l'ont prouvé », se justifie-t-on à Matignon. Nicolas Sarkozy plaide pour le contrat unique. D'autres demandent une extension du CNE et le mettent en garde, comme la présidente du Medef, Laurence Parisot, contre un contrat spécifique pour les jeunes. Ce sera pourtant le CPE. Jacques Chirac donne son accord, en connaissance de cause. « Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus », martèle-t-on à l'Elysée. D'ailleurs, le secrétaire général de l'Elysée en personne, Frédéric Salat-Baroux, assiste à la réunion où se prend cette décision, à Matignon, le dimanche 15 janvier. Le chef de l'Etat, dit-on dans son entourage, n'a plus l'obsession des manifestations qui dégénéraient, qu'on évoquait depuis la mort de Malik Oussekine à la dislocation d'un défilé contre la loi Devaquet sur l'université, en décembre 1986. Aujourd'hui, Chirac a l'obsession de mettre en perspective son action présidentielle et de démontrer que ses gouvernements n'auront pas été inertes.

Le temps presse. Ce qu'il faut battre en brèche, c'est l'idée que Jacques Chirac quittera l'Elysée sans avoir adapté la France à l'évolution du monde. Le temps presse. Dominique de Villepin le tympanise avec cela depuis des années : « Ou on réagit en accélérant, ou on s'immobilise devant le choc », assurait-il au moment du référendum sur la Constitution européenne. « Il est rare de naître de l'affaiblissement du jeu politique. Les grands hommes naissent dans la vitalité », confiait-il encore avec l'exaltation qui ne le quitte jamais, même lorsqu'il la dissimule. Villepin a choisi depuis longtemps sa posture. Eh bien, qu'il s'y colle ! pourrait dire Chirac, qui a toujours pris un malin plaisir à tester la force de ceux qu'il mettait en piste.

Le 16 janvier, Dominique de Villepin annonce donc la création d'un contrat de travail pour les jeunes de moins de 26 ans sans que les ministres des secteurs social et éducatif soient particulièrement associés à la nouvelle. Les syndicats s'étranglent, mais au début, comme le notent benoîtement les collaborateurs du Premier ministre, « les choses semblent se passer plus facilement que prévu ». La première manifestation, le 7 février, n'est pas un succès. Villepin en conclut que les jeunes comprennent sa démarche. Le socialiste Julien Dray, qui sait ce qu'est une organisation étudiante, trouve que le mouvement n'embraye pas. A Matignon, l'annonce du plan EVA, dévoilé par Martine Aubry comme une alternative au CPE, suscite encore l'ironie : une recette du passé, d'un coût phénoménal pour l'Etat, dont l'appellation, qui reprend fièrement le prénom de la fille de Lionel Jospin, suffit à dire l'obscurantisme !

Personne ne s'est rendu compte que l'atmosphère avait changé lorsque le Premier ministre a décidé de faire adopter son texte sur l'égalité des chances sans vote par la procédure de l'article 49.3. Dominique de Villepin pourra toujours répéter que le CPE a été voté par l'Assemblée après 117 suspensions de séance et avant qu'il n'engage sa responsabilité sur l'ensemble de son projet, rien n'y fera plus. « Ce jour-là, il a perdu les élus », commente un ancien ministre. « On sait bien que les lycéens, une fois qu'ils sont dans la rue, ce n'est pas le 49.3 qui va y changer grand-chose », assure de son côté le président de l'UNL (Union nationale des lycéens), Karl Stoeckel. L'ironie de l'histoire veut qu'il ait été aussi victime de députés de l'UMP qui, en cette fin de législature, ont décidé de n'en faire qu'à leur tête, avec pour principal objectif de sauver leur peau lors des prochaines élections. Manque de chance : tandis que le PS s'est lancé dans une bataille d'obstruction, les vacances parlementaires, qui commencent le 10 février, occupent les esprits. Le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, a fait savoir qu'il n'y aura personne le week-end en séance et conseille d'en finir. Jean-Louis Debré est d'un avis contraire. Il pense qu'un passage en force nuira au Premier ministre. Après le vote du CPE à 2 h 30 du matin, le 9 février, les socialistes, qui ont compris les divisions de l'UMP, en rajoutent dans le harcèlement jusqu'à ce que Villepin utilise le 49.3 le jeudi après-midi. Ce qu'on ne dit pas, c'est que les relations de Bernard Accoyer avec le Premier ministre sont froides, réduites au minimum avec le ministre des Relations avec le Parlement, Henri Cuq, et inexistantes avec le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Ambiance ! Bernard Accoyer, fidèle chiraquien, n'a pas admis de ne pas devenir ministre lors du dernier remaniement, et encore moins d'être suspecté d'avoir rallié Nicolas Sarkozy avec armes et bagages, par dépit. En tout cas, la coordination de la majorité est hasardeuse. Dominique de Villepin, qui n'a jamais eu une grande passion pour les parlementaires, le découvre à ses dépens. « La vérité, assure un de ses fidèles, ulcéré par les réserves d'un ancien ministre comme Hervé de Charette et, pis, par celles d'Edouard Balladur - auquel naguère les chiraquiens n'avaient pas ménagé leurs critiques sur le CIP - la vérité, c'est que l'UMP ne soutient pas le gouvernement. » Une indignation qui fera sourire Nicolas Sarkozy. Le président de l'UMP a toujours dénié en effet à Dominique de Villepin de se présenter comme le chef de la majorité, « lui qui est nommé et non élu ».

Les ministres ne se hâtent guère plus à monter au front du CPE. Dominique de Villepin a tellement voulu assumer la responsabilité de ce qui se passe, bon ou mauvais - « Je ne pratique pas l'art de la défausse » - qu'ils sont tentés de le prendre au pied de la lettre. Jean-Louis Borloo, qui, depuis 2002, incarnait le discours social de Jacques Chirac, en a eu gros sur le coeur de jouer les utilités. Thierry Breton a souvent pensé que ses talents étaient mis sous le boisseau. Michèle Alliot-Marie n'a guère apprécié d'avoir à assumer seule l'épopée ridicule du « Clemenceau ». Il a donc fallu attendre vendredi dernier pour que s'organisent les soutiens au Premier ministre, tandis qu'il décidait lui-même de défendre son plan, dimanche soir sur TF1. Et encore ! Beaucoup refusent clairement de « se mouiller. »

Il a fallu en fait cette épreuve pour que reviennent aussitôt les critiques sur cet homme qui, justement, voulait réussir en étant différent des autres. Comme ils sont goguenards aujourd'hui ! Surtout les « anciens » qui en ont vu d'autres : tel rappelle que « Raffarin, lui au moins, avait les réactions normales d'un homme politique normal ». Tel autre signale que Villepin a commis la faute grave de ne pas avoir le minimum d'appui syndical : « Se couper de Chérèque, il faut le faire ! » Un proche du président reprend le jugement de Jacques Chirac lorsqu'il hésitait encore à le nommer à Matignon : « Il n'a pas les racines assez profondément ancrées dans le sol », s'inquiétait le chef de l'Etat. Et son ami d'ajouter : « C'est un superbe pin parasol dont les racines s'arrêtent très vite sur le roc. » Son émotion publique, irrépressible, alors qu'il assistait au retour en France de la dépouille de Michel Seurat, prouverait que, atteint par le virus de l'impuissance qui touche tous les Premiers ministres, il n'avait pas le cuir si épais. « Il faut être capable de prendre des coups et de ne pas réagir quand ça fait mal », assène Sarkozy. Le président, aujourd'hui, le soutient et a donné pour consigne d'« aider le Premier ministre ».

Urgence. Ses amis plaident que l'adversité lui procure en tout cas une certaine jubilation et ne l'imaginent pas capituler. Lorsqu'on objecte qu'à plusieurs reprises, et notamment lors du débat sur l'école défendu par François Fillon, il avait préconisé de renoncer à la réforme plutôt que de se heurter à la rue, ils rappellent qu'il considérait alors que sa mission était de protéger le président. Aujourd'hui, sa mission est d'agir. Dans l'urgence. Il en est convaincu. « C'est la stratégie voulue par Jacques Chirac », précise encore un de ses proches. Tous le sentent capable de démissionner si sa loi n'était pas appliquée. C'est ainsi qu'il préserverait le lien original qu'il croit tisser avec les Français. Pour l'avenir... Puisque personne, dans la majorité, n'ose plus ces temps-ci imaginer qu'il pourrait être candidat à l'élection présidentielle. L'accord tacite entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin n'a pas varié depuis qu'ils ont accepté de gouverner ensemble. Ils ont toujours dit l'un et l'autre qu'ils ne pourraient être candidats tous les deux en 2007. Chacun allait regarder l'autre tomber ! Nicolas Sarkozy, qui, un temps, a craint de voir Dominique de Villepin s'incruster dans le paysage présidentiel, pense qu'il a acquis une si grande avance qu'il ne pourra plus être rattrapé. « Les élus voient que le gouvernement se casse la gueule et ils se mettent à l'abri derrière lui », assurent ses amis. Le président de l'UMP ne sous-estime pas pour autant la partie : pousser Villepin à la capitulation pourrait lui coûter cher dans son électorat, qui ne veut surtout pas qu'on cède aux « trotskistes ». Mais il ne s'agit pas non plus de s'effondrer avec lui. Voilà pourquoi il invente un concept original : « Il faut être ferme sans excès de rigidité. » Cette décision de non-agression, en dépit des petites phrases et des arrière-pensées, est prise depuis janvier. « Ils sont décontenancés par ma force. Je devais être enfoncé. J'ai eu mes épreuves. Je suis là », affirmait-il déjà avant que le dossier du CPE ne se radicalise. Il pensait que la « chute » du Premier ministre prendrait plus de temps. Elle l'inquiète, car il doit rester le dernier à survivre à Jacques Chirac... Mais pas maintenant.

Déjà, dans l'emballement irrationnel des jours, les scénarios qui signent la fin de Villepin agitent les antichambres. Toujours le même remake ! Et si le président décidait de remanier le gouvernement ? Alors, Nicolas Sarkozy aurait un formidable prétexte pour ne pas en être. Et la fin du règne s'accélérerait dans une campagne présidentielle prématurément engagée. Mais si Villepin quittait Matignon, comment Jacques Chirac pourrait-il alors une dernière fois éviter d'y nommer Nicolas Sarkozy, son obsession principale depuis 2002 ? Nicolas Sarkozy jure qu'il refuserait ce trophée empoisonné. Un de ses proches, sans le croire, l'a entendu murmurer : « J'irai à la télévision et je dirai la vérité aux Français : que je ne peux être le Premier ministre d'un président dont je ne partage aucune des opinions. » Tout ça pour ça ? Chirac soutient « pleinement et totalement » Dominique de Villepin...

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Le CPE  c'est quoi ?

par Domitille Arrivet

Prévu pour une durée maximale de deux ans, le contrat première embauche (CPE) ne concerne que les emplois du secteur privé. Il est réservé aux moins de 26 ans, dans les entreprises de plus de 20 salariés. Pour ces deux années seront comptabilisés les éventuels stages, contrats d'alternance ou CDD effectués dans cette même entreprise. A l'échéance, le CPE devient un contrat de droit commun : un CDI. Point d'achoppement : pendant la durée du CPE, l'employeur a le droit de licencier sa recrue sans justification. Il ne sera tenu de verser qu'une indemnité de rupture de 8 % du salaire.

En échange, la loi prévoit un droit à la formation ouvert dès le premier mois (au lieu d'un an pour les CDI), un accès au crédit et au logement (aux mêmes conditions que pour un CDI) et à l'allocation chômage à partir de quatre mois effectués (une prime de 460 euros sera versée par l'Etat les 5e et 6e mois, avant de rejoindre le régime général de l'Assedic prévu à partir de six mois).

Une évaluation des effets du CPE est prévue avant fin 2008...

Dimanche 12 mars, sur TF1, après la manifestation du 7 qui avait rassemblé plus de 500 000 personnes, Dominique de Villepin a proposé de négocier trois aménagements avec les partenaires sociaux.

- Pendant les deux ans du CPE, le jeune pourrait être accompagné et conseillé par un « référent » au sein du Service public de l'emploi.

- Un complément de rémunération, assuré par l'Etat, s'ajouterait à l'allocation chômage en cas de rupture du CPE avant l'échéance. D'une durée de trois mois, il permettrait de financer une formation.

- Le CPE serait évalué tous les six mois par le Conseil d'orientation pour l'emploi

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"Un bon outil pour les patrons"

par Domitille Arrivet

Le Point : Que pensez-vous du CPE ?

Le Premier ministre fait un bon diagnostic sur les rigidités de la législation du travail en France. Le contrat nouvelle embauche [CNE, réservé aux petites entreprises] a permis de créer des emplois. Le CPE est un outil de plus pour les chefs d'entreprise. Même si nous avons émis des réserves sur cette approche spécifique envers les jeunes, il a quand même le mérite d'apporter de la souplesse aux entreprises qui travaillent en sous-effectifs, par peur d'embaucher. Nous espérons cependant qu'il ne se substituera pas aux autres formes de contrat.

Il faut aller plus loin ?

Le mouvement étudiant et le débat politique sont plutôt sains. On est en train de faire une révolution culturelle sur le marché du travail. Comme toutes les révolutions, elle peut être incomprise. Profitons des discussions pour simplifier et rendre plus efficace la législation du travail dans son ensemble. Certains paramètres valent la peine d'être discutés : quelle doit être la durée de la période d'essai ? Doit-on formuler expressément les motifs de licenciement ? L'avenir semble être aux contrats courts : il faut donc réfléchir à ce qui se passe pour un salarié entre deux contrats de travail.

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"Nous refusons le principe du licenciement sans motif"

par Domitille Arrivet

Le Point : Quelle est la position de la CFDT à propos du CPE ?

François Chérèque : Il y a deux raisons à notre opposition à ce contrat première embauche. Avec la volonté de répondre aux besoins des plus exclus de l'emploi, le Premier ministre a créé un contrat précaire qui s'applique à tous et deviendra le mode d'embauche privilégié. Il va se substituer aux CDI et CDD. De plus, avec la possibilité de licencier sans justification, il remet en cause l'élément fondamental de la relation employeur-employé. Cela ne peut pas être accepté, quel que soit le type de contrat que l'on met en oeuvre.

Votre réaction aux aménagements que Dominique de Villepin propose ?

Ces propositions ne concernent pas le coeur de notre contestation. Nous refusons le principe du licenciement sans motif et de la période d'essai de deux ans. Tant qu'on ne sera pas revenu sur ces deux points, nous ne pourrons pas aborder la question de la précarité. De plus, l'idée d'un référent qui accompagne le jeune ou celle d'une allocation de formation en cas de rupture du contrat procèdent de la même erreur : le gouvernement veut globaliser les réponses, alors qu'il ne peut pas y avoir une solution unique pour tous. On met dans le même panier ceux qui sont qualifiés et ceux qui ne le sont pas. Ceux qui trouvent un travail facilement et ceux qui ne trouvent rien.

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Il y a un risque d'affrontement

Le Point : Certains présidents d'université [8 exactement, NDLR] ont été jusqu'à demander la suspension, voire le retrait du texte. Sont-ils allés trop loin ?

Yannick Vallée : Il est vrai que ces prises de position sont inhabituelles. Mais ils sont confrontés dans leurs universités à des mouvements très durs qui risquent à tout moment de dégénérer. Actuellement, j'ai l'impression que quelques centaines d'étudiants très déterminés bloquent les campus, ce qui ne signifie pas qu'ils ne représentent qu'eux-mêmes : je pense que sinon la majorité du moins un vaste groupe d'étudiants est anti-CPE. Mais en général ceux qui s'opposent au blocage restent chez eux. Là ce n'est pas le cas, d'où le risque d'affrontement. Cela dit, la position officielle de la CPU est que le dialogue doit reprendre. Un point c'est tout. Si la situation perdure, nous allons avoir un sérieux problème pour les examens. Chacun devra alors prendre ses responsabilités, nous, les étudiants comme le gouvernement.

Sources : LE POINT

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Le Ministre

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