Jacques Chirac arbitre entre Villepin et Sarkozy
Monsieur Chirac, arbitre de la crise politique sur le CPE
D'un côté, son premier ministre, qui est déterminé à ne rien céder sur le CPE tel qu'il est défini par la loi, lui demande une promulgation immédiate de ce texte. Si possible, au lendemain même de la décision du Conseil constitutionnel, attendue pour jeudi 30 mars, voire mercredi.
De l'autre, sa majorité lui demande d'utiliser la totalité du délai constitutionnel qui lui est imparti pour rouvrir le dialogue avec les syndicats : soit neuf jours, les quinze jours prévus par la Constitution ayant été réduits des six jours qu'ont mis les députés socialistes pour saisir le Conseil constitutionnel.
Bref, Jacques Chirac doit arbitrer, sur ce dossier, entre les stratégies de MM. Villepin et Sarkozy. De quoi annoncer l'annulation du déplacement au Havre, prévu jeudi, pour ne pas "s'éloigner de l'Elysée" cette semaine. Selon son entourage, le président ne s'exprimera pas tant que le Conseil constitutionnel n'aura pas rendu sa décision sur la loi pour l'égalité des chances. Car l'Elysée espère toujours que cette décision, même si elle n'invalide pas la loi, introduise suffisamment de réserves pour permettre de rouvrir le dialogue avec les partenaires sociaux.
Mais, en attendant, la digue majoritaire s'est fissurée. Au moment où des centaines de milliers de manifestants défilaient dans toute la France, mardi 28 mars, la bataille entre villepinistes et sarkozystes est montée d'un cran. En se posant aux yeux des députés du groupe comme celui qui présente un scénario de sortie de crise, le numéro deux du gouvernement, Nicolas Sarkozy, a ouvertement mis en doute la capacité de son numéro un, Dominique de Villepin, à en offrir une. Ce faisant, il a, semble-t-il, accru son ascendant sur les parlementaires, pour qui la situation devient intenable et qui se prennent désormais à redouter des séquelles durables au plan électoral.
Devant les cadres de l'UMP, M. Sarkozy a estimé, mardi soir, que "le gouvernement était obligé de négocier" dès lors "que les syndicats avait réussi leur démonstration de force". "La balle est désormais dans le camp de Villepin, à lui de jouer", a-t-il estimé. Il ne s'est pas privé de faire connaître avant même sa parution le 1er avril, le sondage TNS Sofres que publiera le Figaro-Magazine : le premier ministre dont la cote s'établi à 29%, perd 7 points, alors que M. Sarkozy, à 48%, en gagne 4.
Le matin, devant les députés, le ministre de l'intérieur avait précisé la méthode qu'il préconise pour reprendre le dialogue avec les organisations syndicales. Il l'a fait, dans un premier temps, au petit déjeuner hebdomadaire réunissant les principaux responsables de la majorité, à Matignon, estimant que, "si des initiatives ne sont pas prises, nous allons droit dans le mur". A cette mise en cause implicite, le premier ministre a rappelé les offres de dialogue qu'il avait adressées aux syndicats et aux organisations de jeunesse, leur rejetant la responsabilité du blocage.
Cette première passe d'armes a suffi à convaincre la plupart des participants, notamment les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et les présidents des deux groupes parlementaires, qu'il fallait rapidement trouver une issue sous peine de voir la majorité se déchirer.
Aussi, à midi, quand le groupe UMP se réunit salle Colbert, les députés attendent-ils une annonce forte de la part du premier ministre. Or ce dernier répète, comme il l'avait déjà exprimé une semaine plus tôt, que "notre électorat ne comprendrait pas que nous lâchions". M. de Villepin quitte alors la réunion pour aller accueillir le roi d'Espagne Juan Carlos.
C'est alors qu'intervient M. Sarkozy. Se gardant bien d'utiliser le terme de "suspension", demandée un peu plus tôt au bureau du groupe par l'ancien premier ministre Edouard Balladur, il estime qu'"on ne peut engager des négociations sur le CPE qu'à partir du moment où il ne s'applique pas", ce qui suppose qu'elle ne soit pas immédiatement promulguée après qu'aura été connue la décision du Conseil constitutionnel. "Je préconise que l'initiative vienne de l'exécutif", ajoute le président de l'UMP, qui précise que "le but n'est pas d'affaiblir le premier ministre mais de sortir de la crise".
Le ministre des relations avec le Parlement, Henri Cuq, s'emporte, estimant que "ce n'est pas républicain qu'un ministre reprenne la parole alors que le premier ministre s'est absenté". Mais l'intervention du ministre de l'intérieur est saluée par les députés UMP. Pour les partisans du premier ministre, l'étau se referme. Jean-Louis Debré est convaincu qu'"il faut aller vite". "Plus on perd de temps, plus ce sera difficile", estime le président de l'Assemblée nationale, qui presse Jacques Chirac de promulguer la loi.
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt