Quand la cohabitation en prison tourne à la condamnation à mort

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Mais où va-t-on là ? On ne comprend pas très bien pourquoi on met des gens non dangereux avec des détenus sadiques et détraqués, pour qu'ils les surveillent de surcroît ! Incroyable. On devrait faire faire un "stage cellulaire" à Dati pour qu'elle comprenne...



Quand la cohabitation en prison tourne à la condamnation à mort


par ONDINE MILLOT

Marc (1) avait 26 ans, il était en prison pour conduite en état d’ivresse. Considéré comme une personne calme, on lui avait demandé de surveiller un autre détenu, Julien, incarcéré pour meurtre, aux tendances suicidaires - un procédé couramment utilisé par l’administration pénitentiaire. On les avait donc placés dans la même cellule. Marc est mort à Rouen, la semaine dernière, sous les coups de Julien.

Hier, la ministre de la Justice Rachida Dati s’est rendue à la prison de Rouen pour présenter des consignes «concernant l’affectation et la surveillance des détenus à risques» (lire ci-contre). A aucun moment, pourtant, dans ses recommandations, elle n’a annoncé la fin de cette pratique de la surveillance d’un détenu par un autre. «Seule la cellule individuelle est à même de garantir l’intégrité des détenus», rappelle Hugues de Suremain de l’Observatoire international des prisons (OIP). Avec 63 783 détenus pour 50 835 places, on en est loin. Et Rachida Dati, avant l’été, a fini par déclarer l’abandon de ce principe «un détenu par cellule» - qui fait pourtant partie des règles pénitentiaires européennes que la France est censée respecter.

Risque-t-on sa vie en prison ? Une recherche effectuée par l’OIP (2) sur les cinq dernières années fait froid dans le dos : dix-huit cas de meurtres par un codétenu sont recensés.

Johnny avait lui aussi 26 ans. Placé en détention provisoire à Nancy, il est mort en août 2004, après avoir été torturé pendant des heures par un de ses codétenus. Son meurtrier était en attente d’un procès pour «actes de torture et de barbarie» commis, déjà, en prison. Il était soupçonné de s’être acharné pendant plusieurs semaines sur un codétenu. Il l’aurait ébouillanté, forcé à boire son urine et battu. On l’avait pourtant à nouveau placé en cellule collective, avec Johnny.

Jérémy avait 19 ans. Retrouvé inanimé dans sa cellule de la maison d’arrêt de Valence, il est mort des suites des blessures infligées par son codétenu le 4 mars dernier. «On l’a laissé avec son bourreau», martèle depuis sa famille. L’après-midi précédent sa mort, Jérémy était sorti dans la coursive avec toutes ses affaires, réclamant avec insistance un changement de cellule. Sa famille assure qu’il s’était déjà plaint à plusieurs reprises des violences subies. Le parquet de Valence a saisi le juge chargé de l’instruction sur le meurtre de Jérémy d’un réquisitoire supplétif pour «non-assistance à personne en danger».

Maladie mentale. Affaire plus ancienne. Michel passait sa dernière nuit en prison. Il s’était présenté libre, pour purger un reliquat de peine de deux jours. L’administration l’a placé en cellule avec Guislain. Atteint d’une maladie mentale et jugé «particulièrement dangereux» par les psychiatres, ce dernier venait juste de sortir du quartier disciplinaire, où il avait été placé pour avoir sauvagement agressé son précédent codétenu. Michel a été retrouvé mort le lendemain matin, 16 mars 2001, tué par Guislain.

«Peur des représailles». D’autres l’ont échappé belle, comme François, détenu à Saintes au printemps 2005. Tabassé par ses codétenus, il remue ciel et terre et finit par faire intervenir son avocate pour changer de cellule. Mais à peine a-t-il obtenu gain de cause qu’un autre, Stéphane, prend sa place… et se fait à son tour torturer. Stéphane subit coups, brûlures et violences sexuelles. Au bout de deux jours, il dénonce ses tortionnaires aux surveillants. Et explique qu’il n’a pas osé se plaindre tout de suite «par peur des représailles». «Il est malheureusement fréquent que les détenus victimes n’osent pas dénoncer leurs agresseurs, dit l’OIP. Voilà pourquoi il ne suffit pas d’attendre, comme dit la ministre, qu’ils "expriment le souhait de changer de cellule".» L’association proteste également contre la «responsabilité» que l’on fait peser sur ces prisonniers à qui l’on demande de surveiller un codétenu suicidaire. Le 9 août, un jeune homme de 21 ans s’est tué à Fleury-Mérogis (Essonne). Il a profité d’une absence de son compagnon de cellule, parti en promenade. Ce dernier l’a retrouvé pendu à son retour.

(1) Certains prénoms ont été modifiés. (2) D’autres «cas» étant susceptibles de ne pas être connus de l’OIP.

Sources Libération
http://www.liberation.fr/actualite/societe/352899.FR.php

Posté par Adriana Evangelizt




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