Lever le soupçon
Lever le soupçon
Même si l'affaire Clearstream n'a pas encore livré tous ses secrets, le constat ne fait désormais plus de doute : il s'agit d'un scandale d'Etat. Autrement dit, selon la définition du Petit Robert, "d'une grave affaire qui émeut l'opinion publique à la fois par son caractère immoral et par la personnalité des gens qui y sont compromis". Ce scandale exige de Dominique de Villepin qu'il aille jusqu'au bout de son souhait affiché que "toute la lumière soit faite".
Certes, le premier ministre n'est pas le seul responsable, au sommet de l'Etat, mis en cause par le général Philippe Rondot, lors de sa déposition, le 28 mars, devant les juges d'instruction chargés de l'affaire. Selon l'ancien conseiller du ministre de la défense pour les questions de renseignement, c'est en effet en invoquant des "instructions" du chef de l'Etat que M. de Villepin lui aurait commandé, en janvier 2004, une enquête confidentielle sur des soupçons de corruption, visant notamment Nicolas Sarkozy.
Malgré les dénégations de l'Elysée, cette confession recueillie par les magistrats vient donc renforcer le sentiment de discrédit et d'impuissance qui marque les derniers mois du deuxième mandat Chirac. Qui ne comprend le danger que représentent pour la démocratie des soupçons aussi graves, de nature à jeter le doute sur l'action publique et l'opprobre sur ses principaux responsables ? A ne pas les lever rapidement et clairement, le premier ministre et le président de la République prendraient le risque d'alimenter un climat politique délétère, propice à tous les populismes ou extrémismes.
Mais, pour l'heure, c'est sur Dominique de Villepin que pèsent les présomptions les plus nombreuses d'une possible utilisation de l'un des services de l'Etat en vue d'une manipulation, voire d'un règlement de comptes politique. Ses déclarations successives, embarrassées, souvent approximatives, parfois même contraires à certains faits établis, n'ont rien fait pour dissiper cette impression. S'il veut prétendre continuer à diriger le gouvernement et à gérer les affaires de la France, s'il souhaite que la dignité de sa charge ne soit pas entachée, Dominique de Villepin doit se laver au plus vite des soupçons lourds qui pèsent sur lui.
Pour y parvenir, il n'y a guère qu'un seul moyen : manifester par un geste spectaculaire qu'il ne cherche pas à esquiver la justice ou à y faire entrave, mais qu'il souhaite, au contraire, que celle-ci établisse sa bonne foi. En clair, qu'il demande aux juges d'instruction de l'entendre, avant même que ceux-ci n'en manifestent l'intention. Compte tenu de la gravité des faits, c'est le choix inévitable auquel est confronté Dominique de Villepin : s'expliquer au plus vite devant les juges qui cherchent à établir la vérité, ou alors se démettre.
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt