Julien Dray - Le militant bling-bling

Publié le par Adriana EVANGELIZT




Julien Dray - Le militant bling-bling




par Michel Revol

 




A-t-il péché parce qu'il aime trop le luxe ? Le cas Dray embarrasse le Parti socialiste.

Il l'avait dit à ses amis, à quelques députés et même à Karl Zéro sur le plateau de BFM TV le 17 décembre : « Je ne rends pas les armes [...] Le Juju bon garçon [...], c'est fini. » Le regard était oblique et noir. Julien Dray repartait à l'assaut contre la nouvelle direction du PS, dont il est exclu. C'en était fini de sa bouderie, entamée un peu avant le congrès de Reims parce qu'il se sentait insuffisamment considéré par sa chef de file, Ségolène Royal. Désormais, Juju allait revenir sur le devant de la scène. Il l'a fait, mais pas comme il l'entendait : le 19 décembre, Le Monde révélait l'enquête préliminaire sur des mouvements bancaires litigieux dont il serait le bénéficiaire.


Au PS, on n'a guère été étonné. L'amour du député de l'Essonne pour les stylos plume et les montres de luxe-il arbore souvent une Patek Philippe au poignet-, son goût pour le poker et son penchant pour les coups tordus en font un personnage un peu à part dans le casting de la Rue de Solferino. Julien Dray le sait bien. Il n'ignorait pas que son principal handicap pour devenir premier secrétaire (Dray a brigué le poste en 2008), c'était son odeur de soufre. En 1999, déjà, l'acheteur « compulsif » de montres à complications avait senti le vent du boulet : Julien Dray avait dû ferrailler pour justifier l'achat d'une montre de 250 000 francs financée en partie en liquide.


Mais le fils d'instit', né à Oran en 1955, en impose aussi par son entregent. Les ramifications de la PME Dray s'étendent un peu partout. Repéré par Mitterrand à l'aube des années 80, Julien Dray est un thermomètre hors pair de la société. « Quand Julien est devant un mur, il détecte tout de suite la faille », dit de lui le sénateur Jean-Luc Mélenchon, issu comme Dray de la mouvance trotskiste. Il est à l'origine de la plupart des organisations militantes de gauche : l'Unef-ID, SOS Racisme, qu'il fonde avec Harlem Désir en 1984, la FIDL (syndicat lycéen), Ni putes ni soumises... Chaque fois, Dray repère et place ses hommes et ses femmes : à SOS Racisme, Malek Boutih ; à la FIDL, Delphine Batho (actuelle députée royaliste des Deux-Sèvres) ; à Ni putes ni soumises, son amie Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville... En une vingtaine d'années, sa bande a prospéré. « J'ai formé les deux tiers du bureau national », se flattait-il en parlant de l'instance politique qui entourait, jusqu'en novembre, François Hollande. L'évaluation est exagérée. Pourtant, grâce à ses relais (nombreux aussi dans la presse et le monde artistique), Julien Dray se targue aujourd'hui encore de stimuler une fronde estudiantine. D'ailleurs, dès la publication par Le Monde de « l'affaire Dray », plusieurs ténors du PS y ont vu la main de Sarkozy, décidé à étouffer dans l'oeuf le début de révolte lycéenne. Le président de la République apprécie pourtant le député de l'Essonne, auquel il a proposé par deux fois d'entrer au gouvernement en 2007. De plus, assure un secrétaire national du Parti socialiste, l'emprise de Dray sur les troupes étudiantes n'est plus ce qu'elle était. « Depuis la fin des années 90, Julien n'a aucun lien avec l'Unef, qui est le vrai moteur de l'action étudiante. Il reste influent auprès de la FIDL et de SOS Racisme, mais il n'a pas le pouvoir de faire taire le mouvement lycéen, qui est encore très autonome. »



Disgrâce

C'est pourquoi, Rue de Solferino, on s'interroge. Personne ne sait si le coup est téléguidé ni, le cas échéant, quel est son objectif. Dans l'entourage de Martine Aubry, on assure le service minimal de soutien. « Depuis plusieurs années, les premiers secrétaires ne s'expriment pas sur les affaires en cours », argumente Christophe Borgel, l'un de ses proches. D'autres ont une explication différente. « Les réactions du PS sont mesurées parce qu'on veut mettre de la distance avec Julien au moment où le Parti socialiste se reconstruit », explique ainsi un membre de la direction du PS. Dray, c'est sûr, doit fulminer, qui claironnait sur le plateau de BFM ce 17 décembre : « Une partie du parti est venue à la politique grâce à mon action. Je l'ai rattrapée par la peau des fesses alors qu'elle voulait [le] quitter. » Aujourd'hui, rares sont ceux qui se précipitent pour lui rendre la pareille.

Sources
Le Point

Posté par Adriana Evangelizt



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