Obama, le pragmatique

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Sarkozy peut prendre de la graine...




Obama, le pragmatique


Par Dick Howard


Les suites du scrutin en Iran constituent-elles un revers pour la politique d'ouverture de Barack Obama ? Dit autrement : le pragmatisme du président américain peut-il marcher avec des dirigeants qui ne veulent pas s'y prêter ? Il est trop tôt pour répondre, mais on peut s'arrêter sur cet objectif d'Obama : apprendre aux Américains le pragmatisme, c'est-à-dire adapter l'action au réel, trouver des compromis qui permettent d'avancer.

Les présidents démocrates ont toujours cherché un slogan qui résume l'esprit de leur gouvernement et les buts qu'ils comptaient poursuivre. Le New Deal (nouvelle donne) de Franklin Roosevelt ; plus tard, John Kennedy faisait miroiter un New Frontier.

Côté républicain, on offre sa personne en gage d'un avenir radieux. On se souvient du sourire confiant de Ronald Reagan déclarant : « America is back » (l'Amérique est de retour). Ou bien de la simple affirmation des supporters d'Eisenhower : « I like Ike » (j'aime Ike). En revanche, il était plus difficile d'aimer Richard Nixon, tandis que l'image humble du candidat Bush cachait la personnalité d'un moraliste autiste.

Barack Obama, lui, est on ne peut plus populaire, voire charismatique. Son slogan, « Yes we can », ne dit pas grand chose de concret. Ainsi s'est-il mis récemment à parler d'une New Foundation (nouvelle fondation) de la république qui permettrait une réinvention de sa vie démocratique.

Comment va-t-il faire ?

Le pragmatisme consiste d'abord à se donner des buts dans lesquels les gens peuvent se reconnaître. Dans le cas d'Obama, ses discours et surtout sa personne incarnent ce que l'Amérique voudrait être : une démocratie post-raciale, capable d'aborder de front ses difficultés tout en reconnaissant la légitimité du point de vue de l'autre. C'est le premier pas de la New Foundation.

S'y ajoute l'exigence démocratique. Ici, on relève l'influence du grand pasteur protestant Reinhold Niebuhr (mort en 1971). À ses yeux, le fait que l'homme soit capable d'actions justes démontre que la démocratie est possible, tandis que sa nature « pécheresse et égoïste » l'incline vers l'injustice. Autrement dit, notre caractère faillible, notre humanité incitent à une politique pragmatique.

Une telle politique ne prend pas forme en rase campagne et elle ne prétend pas ignorer les écueils qui l'attendent. Elle n'est pas naïve.

L'affaire de Guantanamo l'illustre. Le Président a abordé le sujet de front, le 21 mai, distinguant cinq cas de figure, des plus évidents (victimes de fausses identifications) aux plus complexes (victimes de torture qui s'avouent prêts à recommencer leur jihad). Ces derniers, affirmait-il, devront rester en détention dite préventive.

Or, poursuivait Barack Obama, à la différence de l'administration Bush, ce ne sera pas au Président seul de décider une fois pour toutes de leur cas. Dans une démocratie, la séparation des pouvoirs est la règle ; c'est elle qui corrige les toujours possibles injustices et rend audible la voix du peuple. L'existence de ce bagne est une honte qui ne peut ni être expiée, ni effacée, ni ignorée.

Face à un problème qui n'a ni de bonne ni de simple solution, c'est à la démocratie et aux institutions républicaines que fait appel la New Foundation. Ceux qui disent qu'il faudrait aller plus loin, punir les tortionnaires et remonter jusqu'aux commanditaires ont peut-être raison. Mais il faudra passer par la voie démocratique pour en établir la légitimité. Ce qui n'est pas exclu : c'est du... pragmatisme.

(*) Professeur à Stony Brook University, New York, auteur d'Aux origines de la pensée politique américaine (Hachette).

Sources :
Blog de Jean Huchet - Ouest France

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