Les keufs ne kiffent pas trop le duo Sarko-Doc Gyneco
Les keufs ne kiffent pas trop le duo Sarko-Doc Gyneco
Par Jacky DURAND
Les policiers et leurs syndicats ne sont pas dupes de l'alliance entre leur ministre et le rappeur, aux refrains peu amènes pour la profession.
Le duo Sarkozy-Doc Gyneco ne fait pas un tube dans les commissariats et les gendarmeries si l'on en juge les réactions recueillies, hier, auprès des policiers et de leurs syndicats. L'attelage du premier flic de France et du rappeur qui a tourné casquette suscite au mieux de l'indifférence. «Tout le monde s'en fout. Les collègues ont autre chose à faire que de voir Nicolas Sarkozy et Doc Gyneco ensemble. Ils sont davantage préoccupés par leurs conditions de vie», indique Frédéric Lagache, secrétaire nationale d'Alliance, le syndicat des gardiens de la paix le plus proche du ministre de l'Intérieur. Si Sarkozy est déjà en course pour la présidentielle, le patron d'Alliance donne le ton de sa campagne pour les élections professionnelles qui se dérouleront dans la police en novembre : «Nicolas Sarkozy peut bien s'afficher avec qui il veut du moment qu'il amène des conditions de vie acceptables», affirme encore Lagache.
«Opération de pub». Michel (1), policier de terrain, n'a pas été surpris quand il a vu son ministre tomber dans les bras du rappeur, samedi à Marseille à l'université d'été de l'UMP : «Ça ne m'étonne pas de lui. Si Sarkozy pouvait s'afficher avec Brigitte Lahaye, il le ferait. Il racole tout ce qu'il peut et il mise à fond sur les médias. La preuve : quand nous sommes arrivés à Cachan pour procéder aux expulsions, les médias étaient déjà là. Ça montre bien que c'était une opération de pub à quinze jours du congrès de l'UMP alors que la décision d'expulser les squatteurs remontait à trois ans.»
Les ministres de l'Intérieur passent, les policiers restent et ils sont «blasés» face aux préoccupations électorales de leurs patrons successifs. «On est dans la politique politicienne, dans la communication. On ne veut pas entrer là-dedans», estime Frédéric Lagache. En matière de communication, Sarkozy est cependant d'un éclectisme qui désarçonne certains policiers quand leur ministre passe sans encombre de la publicité pour le flash-ball ou le pistolet à décharge électrique à la fréquentation d'un rappeur qui déclamait dans l'un de ces textes : «J'kiffe quand les keufs cannent», comme l'écrivait hier le Canard en reproduisant les refrains de Doc Gyneco peu amènes pour la maison poulaga. «Doc Gyneco a peut-être changé en buvant les paroles de Sarkozy, ironise Jean-René Docco, secrétaire national du Syndicat national des officiers de police (Snop). Il n'a jamais été ma tasse de thé. Ce n'est pas un méchant mais ce n'est pas un prix Nobel non plus. Ce n'est pas l'archétype du leader charismatique.» Pierre, brigadier, se demande ce «que l'on a pu promettre à Doc Gyneco pour qu'il soutienne Sarko». «Ce n'est pas tant les propos tenus par Doc Gyneco sur notre dos qui me choquent, explique Bruno, officier de gendarmerie, mais le fait que la politique soit désormais très proche du spectacle. Pourtant ce sont deux mondes qui ne devraient rien à voir à faire ensemble. On devrait se faire élire sur des idées, des programmes, des valeurs, pas sur le copinage dans le show-biz, la capacité à faire parler de soi.»
«Il ratisse large». Officier dans un commissariat de banlieue, Fabrice a été «outré» de voir Sarkozy avec Doc Gyneco comme il l'avait été quand le ministre s'était affiché avec Tom Cruise, star et figure emblématique de la Scientologie. «Il ferait n'importe quoi pour être élu. Il ratisse large à n'importe quel prix. Il ne peut pas nous tenir un discours répressif sur le cannabis et s'afficher en même temps avec l'autre qui fume. Ça me déçoit qu'il en soit rendu là pour se faire élire.» Pierre s'interroge : «Sarkozy est en train de perdre dans le domaine de l'immigration. Il veut appliquer une politique dont il n'a pas les moyens. Il a peut-être besoin d'un Black pour s'afficher sur ce terrain où il est en faiblesse.»
(1) Les prénoms ont été changés.
Sources : Le Nouvel Observateur
Posté par Adriana Evangelizt