Zizanie autour de Sarkozy
Les amis de la première heure du patron de l'UMP prennent ombrage des tardifs ralliements d'ennemis d'hier, tels Perben, Douste-Blazy ou Copé
Du rififi chez les sarkozystes. Bouderies, susceptibilités et nervosité : des tiraillements se font sentir dans l'entourage du probable candidat de l'UMP à la présidentielle. Principale raison de la grogne : les nouveaux ralliés, ministres ou députés, qui rejoignent le ministre de l'Intérieur et qui font de l'ombre aux amis de la première heure. Les vieux grognards, comme le ministre délégué Christian Estrosi, le député Patrick Devedjian ou le sénateur Roger Karoutchi, doivent désormais partager la table et l'oreille du patron avec les ennemis d'hier, les Dominique Perben, Philippe Douste-Blazy ou Jean-François Copé. Et cela ne leur fait pas plaisir, même s'ils n'osent pas s'en plaindre trop ouvertement.
«Ces arrivées sont inévitables et c'est bon signe, constate, philosophe, la députée UMP de Meurthe-et-Moselle Nadine Morano. Cela veut dire qu'il est reconnu comme le meilleur des candidats et surtout le seul. Ceux qui font partie du premier cercle doivent les accueillir avec sympathie, mais il ne faut pas oublier les historiques.»
«Des saloperies». Ce qu'aurait tendance à faire Nicolas Sarkozy, à en croire certains. Même Edouard Balladur a noté que «Nicolas appelle quand ça va mal, mais peu quand ça va bien». «C'est vrai qu'il a moins de marques d'attention et d'intérêt qu'avant», ajoute un compagnon de longue date. «Nicolas a toujours adoré accueillir ses anciens ennemis, ça lui renvoie une bonne image de lui-même», décrypte un autre.
Déjà, la nomination de François Fillon au poste clé de conseiller politique avait été peu appréciée dans les rangs des sarkozystes pur jus : «Il ne faut pas oublier tout ce qu'il a dit et fait contre Nicolas par le passé», rappelle un proche. Depuis quelques mois, avec la déferlante des nouveaux, l'irritation s'est accrue. «En août, nous nous sommes retrouvés pour parler du programme avec plein de ministres chiraquiens comme François Baroin ou Jean-François Lamour ; ça en a énervé certains, ajoute le même. Avant, on était à Beauvau comme chez nous. Maintenant, l'atmosphère a changé, les ministres ramènent leur science. On ne se sent plus en confiance car on a peur que des choses sortent à l'extérieur.» «C'est comme en amour, constate un ami de Nicolas Sarkozy, il y a le coeur et il y a la raison. Quand on voit des cons qui ont dit des saloperies sur lui être accueillis à Beauvau avec le sourire par Nicolas, c'est dur. En même temps, on sait qu'il a raison, il doit rassembler.»
«On est là pour gagner. En politique, il ne faut pas avoir d'états d'âme. On ne va pas faire des crises de nerfs parce qu'il ne nous regarde plus, c'est ridicule», renchérit Nadine Morano. Patrick Devedjian, député UMP des Hauts-de-Seine et conseiller politique du futur candidat, qui se retrouve un peu noyé dans la masse, joue également au bon élève : «C'est la rançon du succès ! S'il ne s'entourait que de ses vieux amis, il n'aurait aucune chance de gagner.»
«Faire le tri». A cette arrivée de récents convertis s'est ajouté le retour de Cécilia Sarkozy auprès de son mari. Fini désormais les discussions jusqu'à pas d'heure, quand le clan des fidèles refaisait le monde et pouvait joindre leur chef à toute heure du jour ou de la nuit. «Nicolas se prépare à la campagne, il s'isole, certains ne le comprennent pas, mais c'est pourtant indispensable pour lui», explique un membre de son entourage. Car ce qui est en jeu n'est pas seulement de l'ordre de l'affectif. «Tout le monde veut être ministre, souligne Patrick Devedjian. Et plus on est nombreux, moins on a de chance de le devenir.» «Il saura faire le tri entre ses vrais et ses faux amis le moment venu», se rassure un autre fidèle. Les soutiens de toujours veulent croire en la règle élaborée un jour par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin : «Quand on se rallie, c'est dix ans ou un mois avant, pas entre les deux.» «Nicolas Sarkozy prendra les meilleurs, les plus dynamiques et les plus efficaces. Il est pour la méritocratie, estime quant à lui le ministre des PME, Renaud Dutreil, sarkozyste depuis peu. Il prendra aussi bien des ouvriers de la dernière heure que de la première. Rien n'est pire que ceux qui se sentent propriétaires d'un chef et qui l'isolent.»
«Le dos rond». Dans ce climat tendu, un homme tente de maintenir le lien entre les fidèles et le numéro 2 du gouvernement : son ministre délégué et bras droit, Brice Hortefeux. C'est lui qui sert de filtre entre ceux qui se sentent mal aimés et le ministre de l'Intérieur. Il reçoit les doléances des délaissés et calme les mécontents. «Faites le dos rond, continuez à travailler, Nicolas saura vous récompenser», leur dit-il. Pour le rassurer, Sarkozy a même directement juré à un Christian Estrosi inquiet qu'il sera à nouveau ministre en cas de victoire. Le risque, c'est qu'il ait fait ce genre de promesse à beaucoup d'autres.