LES ERREURS DE SARKO
Dernier article donc sur Sarkosy pour nous éclairer sur quelques points obscurs que l'on n'a pas trop l'habitude de lire...
INSECURITE : L'EFFICACITE TRES RELATIVE DE SARKO 1
par Olivier TOSCER
Premier flic de France pendant vingt-deux mois entre mai 2002 et mars 2004, Nicolas Sarkozy peut s’enorgueillir d’avoir bouté le sentiment d’insécurité hors de la première place des préoccupations des Français. Mais la réalité statistique montre que le combat Sarko contre les voyous ne s’est pas soldé par une victoire aussi triomphale que cela pour le ministre. Entre 2002 et 2003, les chiffres de la délinquance ont certes baissé de 3,4%. Mais l’essentiel de ce bon résultat a été obtenu par la diminution des atteintes aux biens (– 5,8%) et notamment aux vols de voiture. Par contre, les violences aux personnes ont continué à augmenter de 2,1% lors du premier séjour de Sarkozy Place-Beauvau. Selon l’Observatoire national de la Délinquance (OND), les aggressions gratuites (non crapuleuses) et les menaces ont même bondi de 7% et de 8% à cette époque.
Sources :NOUVEL OBSERVATEUR
LA FAUTE DU MINISTRE D'ETAT
par Robert BADINTER
On ne peut qu’être révolté par le meurtre d’une jeune femme commis par un criminel déjà condamné à perpétuité. Mais ce drame n’autorisait pas le ministre de l’Intérieur à dénoncer, devant l’opinion publique, le magistrat qui aurait mis ce «monstre» (sic) en liberté conditionnelle et qui devrait «payer pour sa faute». Car la réalité est différente de cette rhétorique vengeresse. La décision avait été prise par une instance collégiale de trois magistrats, après un débat contradictoire au cours duquel avaient été entendus le ministère public et le représentant de l’administration pénitentiaire. Les expertises nécessaires, notamment psychiatriques, avaient été conduites comme il convenait. Toutes les exigences de la procédure avaient été respectées. La «faute» personnelle du magistrat que dénonçait le ministre d’Etat n’existait pas.
Le ministre de l’Intérieur ne pouvait pas plus ignorer que, s’agissant d’une décision de justice conforme à la loi, elle ne saurait engager la responsabilité de ceux qui, en conscience, l’ont rendue. Il ne s’agit pas d’un privilège corporatif ou d’une immunité particulière que, pour leur commodité, les magistrats auraient obtenue. Cette sauvegarde est indispensable au fonctionnement d’une justice démocratique. Sa raison d’être est simple: la liberté de décision du juge, dans les limites fixées par la loi, est une exigence essentielle de la justice. Car, si le juge était menacé de poursuites pour une décision prise en conscience et respectueuse de la loi, il ne disposerait plus de la liberté d’esprit nécessaire à l’acte de juger. Sans doute, le jugement peut-il être attaqué par la voie du recours devant les juridictions d’appel ou de cassation. Mais c’est le jugement qui est alors censuré, et non le juge. Celui-ci ne doit être poursuivi que s’il commet une faute personnelle: corruption, déni de justice ou violation caractérisée de ses devoirs. A l’Etat incombe la répartition des dommages causés par le fonctionnement du service public de la justice.
Ces données-là, M. Sarkozy, en sa double qualité d’avocat et de ministre de l’Intérieur, ne pouvait les méconnaître. On comprend que les associations professionnelles de magistrats se soient indignées devant l’agression verbale d’un juge par un ministre d’Etat qui occupe la deuxième place du gouvernement. Le Conseil supérieur de la Magistrature a saisi le président de la République de ces propos «qui, par leur excès, sont de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice». Le CSM a rappelé que le principe de la séparation des pouvoirs «doit conduire les membres de l’exécutif à observer une particulière réserve lorsqu’ils commentent une décision de justice». Ce rappel était nécessaire, et le propos modéré dans la forme. Le garde des Sceaux a déclaré, dans un communiqué, que la décision de libération conditionnelle avait été rendue en parfaite conformité avec la loi. Ce qui, en filigrane, signifie qu’aucune poursuite disciplinaire ne saurait être engagée contre ses auteurs. On attendait donc que le président de la République, garant constitutionnel de l’indépendance de la justice, désavoue les propos du ministre de l’Intérieur. Le président s’est borné à rappeler l’importance du principe de séparation des pouvoirs que le ministre venait de méconnaître, et à annoncer qu’il demanderait qu’une loi modifie le régime de la liberté conditionnelle, question grave mais distincte. Le Premier ministre s’est fait l’écho de ce propos. Ainsi, l’attaque, violente et erronée, de monsieur Sarkozy contre un magistrat auquel rien ne devait être reproché n’a fait l’objet d’aucune critique ni désaveu des plus hautes instances de l’Etat.
La dénonciation du laxisme des juges fait partie de l’arsenal du populisme judiciaire. On pouvait espérer que le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, ne franchirait pas la ligne qui sépare la critique du jugement de l’attaque personnelle et injustifiée. Mais cette agressivité permet au ministre de l’Intérieur de renforcer l’image qu’il entend se donner: celle du chevalier blanc des victimes, par lui proclamées mal aimées de la justice française. Pour quiconque connaît la réalité judiciaire et le droit français des victimes, aux progrès duquel j’ai, en mon temps, contribué, pareille assertion est inexacte et injuste pour l’autorité judiciaire. Mais elle est toujours politiquement payante. Alors, pourquoi s’en priver ?
Sources : NOUVEL OBSERVATEUR
Posté par Adriana EVANGELIZT