Juppé, maire d'une «ville de gauche»
Juppé, maire d'une «ville de gauche»
Doute sur le zèle de l'édile alors que Royal est arrivée en tête à Bordeaux.
Par Laure ESPIEU
Elles sont symboliques, ces 585 voix. Mais ce sont elles qui ont permis dimanche à Ségolène Royal de devancer Nicolas Sarkozy à Bordeaux. 31,36 % des suffrages pour la socialiste, contre 30,83 % à son adversaire. Mauvaise surprise pour Alain Juppé. Le fondateur de l'UMP assiste, chez lui, à une percée de la gauche. Rien de déstabilisant encore. En 1981 et en 1995, François Mitterrand puis Lionel Jospin avaient aussi obtenu l'avantage au premier tour. Mais ces 585 voix font l'effet d'un poil à gratter. Elles ont notamment le mauvais goût d'interroger sur l'engagement personnel que Juppé a mis dans la campagne de Sarkozy. Et si la présidente départementale de l'UMP, Marie-Hélène des Esgaulx, souligne mollement qu'il a fait «pas mal de choses», qu'il est bien sûr «plus sur le débat» et moins «bateleur de réunions publiques», les observateurs moins délicats parlent plutôt de «minimum syndical».
Du coup, Juppé tenait meeting hier soir à Bordeaux aux côtés de Xavier Bertrand. Marie-Hélène des Esgaulx assure que la rencontre était prévue dès «la semaine dernière. Mais a dû être annulée, parce qu'il souhaitait être avec Nicolas Sarkozy à Marseille». L'ancien Premier ministre apprécie peu les doutes sur son implication, et, tout en précisant que sur sa ville l'ensemble «des gauches est en recul de six points», assène : «J'ai fait 25 réunions publiques ces derniers mois. Je ne peux pas faire plus.» Pourtant, ouvertement ou non, il devra mettre les bouchées doubles. S'il espère une place d'envergure nationale la présidence de l'Assemblée, par exemple , il lui reste jusqu'au 6 mai pour faire la preuve de son enthousiasme. Comparaison désagréable, c'est la ville d'Arcachon, à une cinquantaine de kilomètres, qui, avec 49 % des suffrages, s'est montrée la plus «sarkophile» de France. Certes, Sarkozy y passe ses vacances. Mais le maire, Yves Foulon, ne se prive pas de rappeler que le score tient avant tout au «boulot sur le terrain».
Pas payé de ses efforts, Juppé aura aussi constaté que, s'il a largement contribué à redynamiser la ville, c'est Ségolène Royal qui arrive en tête dans les quartiers rénovés (vieux Bordeaux, Saint-Michel et une partie des Chartrons). La droite reste en tête dans le très chic secteur de Caudéran, son fief traditionnel. Par contre, dans la deuxième circonscription, qui englobe le coeur de Bordeaux, la candidate socialiste enregistre la plus forte poussée, avec 10 000 voix de plus que Jospin en 2002. La nouveauté, c'est aussi le score de l'UDF sur cette zone : 22,51 %. Quatre points de plus qu'au niveau national. Dans une ville qui fonctionne depuis des décennies sur l'alliance entre le centre et la droite républicaine, la donne pourrait changer. «Jusqu'à présent, on disait toujours que l'UDF comptait pour quantité négligeable à Bordeaux, jubile Véronique Fayet, adjointe au maire et candidate aux législatives sur la première circonscription. On vient de prouver le contraire.»
Assez légitimistes, les Girondins ont jusqu'alors (hormis en 1995) accompagné au second tour les résultats nationaux. Juppé devrait tout faire dans les prochains jours pour faire perdurer la «tradition».
Sources Libération
Posté par Adriana Evangelizt