Une élection « Travail, Autorité, Patrie »
Une élection « Travail, Autorité, Patrie »
Préparons nous à contrer l’offensive de Sarkozy !
par Aurélie Messaoudi-Lévy
Une chronique rédigée « à chaud », au soir du second tour des présidentielles...
Entre deux programmes libéraux - le « social-libéralisme » (s’éloignant de plus en plus de son social-démocratisme originel) et le « populo-libéralisme » (se rapprochant de plus en plus de l’extrême droite) -, la « France » ( !) a donc choisi le plus « musclé ».
Un programme aux fiers accents revanchards qui a rassemblé tout ce que ce pays compte de forces conservatrices, jusque dans ses bas-fonds lepénistes. Tout en cherchant à ratisser large - depuis des personnalités de gauche (les Besson et autres Tapie) jusqu’aux « accidentés de la vie », objet soudain de la démagogique sollicitude de Sarkozy. Grotesque et obscène... Surtout de la part de celui qui veut briser un « Etat providence » (et son soi-disant « assistanat ») déjà bien mis à mal par ses prédécesseurs de droite comme de gauche.
Un programme qui, glorifiant le « travail » et l’effort individuel, a su rallier une partie des salariés qui, de plus en plus atomisés, triment dur au boulot, sans grande reconnaissance personnelle et financière, et qui croient au mirage d’une économie franchement libérale (libérée de tout « dirigisme »), récompensant enfin leurs mérites... Et qui ne croient pas ou plus aux promesses d’une gauche gouvernementale à défendre leurs intérêts...
Un programme qui, prônant l’« autorité », est le plus apte aussi à conjurer les peurs. Peur de l’étranger - le concurrent asiatique ou américain mais surtout le « voleur » africain de travail et de prestations sociales. Peur du jeune (de préférence « de banlieue »). Peur du « privilégié » (fonctionnaire ou assimilé, et même quiconque « bénéficie » d’un emploi stable) dont la grève pénalise l’« usager » (du train, du métro, de la Poste, etc.). Peur de la « décadence nationale ». Peur du chômage. Peur pour sa retraite. Peur d’un nouveau Mai 68...
Sarkozy, se présentant lui-même tout au long de sa campagne comme une « victime » ( !) à laquelle chacun pourrait s’identifier, a surfé sur les peurs de tous ceux qui se croient victimes de l’« autre ». Et cet « autre », il a promis de l’écraser sous son talon de fer ! Démagogie populiste et langage guerrier (de « guerre sociale » !), sur fond de large consensus « libéral », chauvin et anti-immigré avec sa concurrente.
La droite, mise sur la défensive et en danger par les échecs répétés de Chirac, s’est trouvé un nouvel « homme fort » ; bénéficiant du soutien des grands médias « faiseurs d’opinion », il a su se démarquer de son ancien patron discrédité et sauver son camp d’une débâcle annoncée. Il lui fait même espérer - ainsi qu’à ses amis du Medef - que l’heure de la revanche sociale a sonné. Qu’à jamais disparaisse ce spectre révolutionnaire de Mai 68 qui ne cesse de les hanter depuis quelque quarante ans...
Que Sarko-Kärcher veuille en découdre ne fait aucun doute. Qu’il le puisse aisément est plus douteux. Tous ceux qui se sont mobilisés dans la dernière période - dans les banlieues, dans les rues et les entreprises en défense des sans-papiers, dans les lycées et les facs contre le CPE, dans les boîtes contre les « plans sociaux » et pour des augmentations de salaire, etc. - ne vont certainement pas subir ses coups sans réagir. Bien au contraire. Sarkozy a même le désavantage d’avoir déjà sévi - et d’être (tristement !) connu ; l’« état de grâce » dont bénéficie généralement tout nouveau président risque cette fois d’être raccourci...
Mais, quelle que soient les conclusions qu’ils tirent de leur défaite (qui pourrait d’ailleurs bien produire de sérieuses crises internes et même des « recompositions »), les dirigeants de la gauche institutionnelle et certains de ses satellites d’extrême gauche misent déjà sur... les législatives - en attendant 2012... Le « crétinisme » électoraliste est décidément une maladie incurable ! D’autres en appellent à un « troisième tour social ». Fort bien mais encore aurait-il fallu ne pas créer d’illusions démobilisatrices sur Royal comme pouvant nous éviter Sarkozy et sa politique. Toute la « gauche antilibérale » s’est précipitamment ralliée, sans même mettre la moindre condition, à Royal dont elle dénonçait la veille encore le libéralisme. Bové (dont certains soutiens se prenaient pour des porte-parole de la banlieue et de l’immigration !) était même prêt à servir (une « mission d’étude ») dans un gouvernement Royal... La croyance en un « moindre mal » est une autre maladie incurable qui frappe avec une obstination toute particulière la « gauche de la gauche »...
Le bilan de la gauche au pouvoir est pourtant accablant - je n’y reviendrai pas ici (nous et d’autres ont largement écrit là-dessus). Ségo n’est certes pas Sarko, et si leurs méthodes diffèrent, leur objectif est fondamentalement le même : servir les intérêts du capitalisme français contre la grande majorité de la population. C’est totalement irresponsable de laisser croire que nous n’aurions pas à nous défendre avec la même intensité contre un gouvernement de gauche que contre un gouvernement de droite. En vérité, quand cette gauche est au pouvoir, nous avons à nous battre non seulement contre sa politique mais aussi contre les illusions qui sont dangereusement répandues par ses supporters.
Et un « troisième tour social » pourquoi faire ? Pour ramener cette « gauche » au pouvoir à l’occasion d’une future élection ? Pour un gouvernement « Royal-4B » (Bayrou, Buffet, Bové, Besancenot) ? Ou alors pour s’engager d’une véritable transformation de la société ? C’est la seule issue pour en finir avec toutes les inégalités produites par le capitalisme.
La victoire de Sarkozy a tout pour nous inquiéter. Néanmoins, elle ne doit pas nous accabler et nous paralyser. Le terrain électoral est loin de constituer l’alpha et l’oméga de la lutte sociale et politique. C’est même un terrain par nature miné. Notre terrain principal de lutte, c’est l’action directe de masse. (Lire les documents du MPE « Pour un programme de combat pour l’égalité » et « Elections et lutte pour l’égalité »)
Mais soyons bien conscients d’une chose : pour contrer l’offensive que nous concoctent Sarkozy et le Medef, il faudra vraiment mettre les bouchées doubles. Le combat s’annonce rude. Il faudra surmonter les divisions (raciste, sexiste, public/privé, etc.) qui affaiblissent nos rangs - pour l’unité dans l’action. Il faudra redonner confiance notamment aux salariés du privé dans l’action collective. Pour toutes ces raisons, il faudra que ceux qui prétendent diriger nos luttes soient vraiment à la hauteur de la tâche, dévoués et déterminés à tout mettre en œuvre pour défaire cette offensive. Pas ces « représentants » actuels de la gauche institutionnelle qui espèrent contenir et utiliser les futures luttes contre Sarkozy afin de se refaire une santé (et une virginité) et... revenir au pouvoir, à l’occasion d’une prochaine élection, pour gérer à nouveau respectueusement cette société inégalitaire. Une des conditions pour mettre en échec Sarkozy sera précisément de nous débarrasser de toute illusion entravante dans cette « gauche ».
Nous ne sommes pas condamnés à rester prisonniers du cercle vicieux de l’alternance gauche/droite (et, bientôt, centre-gauche/droite plus ou moins « extrémiste » ?). Il y a une alternative. La seule qui soit réelle, même si elle est difficile. C’est celle que propose le « programme » que vient de publier le MPE : « La transformation de la société à laquelle nous aspirons viendra avant tout des actions et mobilisations, sur le terrain, de tous ceux qui vivent une exploitation économique et/ou une inégalité...La réalisation de l’égalité sera l’œuvre des opprimés et exploités eux-mêmes. Il ne nous faut compter que sur nos propres forces. Il nous faut prendre en main nous-mêmes, collectivement, aussi bien notre quotidien que nos luttes et que la société elle-même - depuis l’économie (moyens de production, de transport, de communication, de distribution...) jusqu’au pouvoir politique. »
Il y a urgence que tous ceux qui veulent s’engager dans une telle transformation radicale se regroupent, s’organisent et agissent pour sa réalisation.
Sources MPE
Posté par Adriana Evangelizt