« MONSIEUR LE PRÉSIDENT... »
« MONSIEUR LE PRÉSIDENT… »
« Monsieur le Président, je vous écris une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. » Ces mots, immortalisés par Boris Vian au moment de la guerre d’Algérie, revient à notre mémoire collective à la lecture du courrier ci-dessous, adressé à un autre Président de la République (Nicolas Sarkozy) près d’un demi-siècle après. Le contexte est différent mais le message reste le même : le refus de commettre, de soutenir ou de cautionner des atteintes aux droits humains commis par l’État français et ses agents (qu’ils soient soldats, policiers, fonctionnaires ou simples citoyens qui y prêtent leur concours). C’est avec le plus grand respect pour son auteur, Juif français déporté qui est revenu des camps d’extermination, que nous vous présentons ce courrier. Un message qui va droit au cœur.
« Monsieur le président de la République vous avez déclaré : ‘Je souhaite que nous arrivions à établir, chaque année, après un débat au Parlement, un quota, avec un chiffre plafond d'étrangers que nous accueillerons sur notre territoire’.
Je voudrais savoir, et sans doute un certain nombre de Français avec moi, si la police se voit imposer des quotas de contrôles et d'arrestations d'étrangers et lesquels ?
Je voudrais savoir, et sans doute un certain nombre de Français avec moi, si figure dans votre formidable plan de redressement de la France un quota définissant le nombre d'étudiants étrangers autorisé, admis ou à peine tolérés à poursuivre leurs études en France ?
Je voudrais savoir, et sans doute un certain nombre de Français avec moi, à la suite du décès de cette personne d'origine chinoise qui à l'arrivée de la police a pris peur et s'est littéralement suicidée, je voudrais savoir quel quota légal dans la durée la presse doit respecter, selon vous, avant de diffuser ce type d'informations ?
Je voudrais savoir, et sans doute un certain nombre de Français avec moi, si vous prévoyez un quota pour le nombre de décès parmi les étrangers qui se trouvent sur le territoire national ? Décès par suicides provoqués par les méthodes de la police qui, lorsqu'elle arrête une personne, déploie des moyens extrêmement impressionnants et terrorisants.
Je voudrais savoir, et sans doute un certain nombre de Français avec moi, si dans votre esprit il y a aussi des quotas pour le respect des droits de l'homme et la prise en compte du respect de la vie d'autrui ?
Je voudrais vous faire savoir, Monsieur le Président de la République, que votre politique est indigne de la France et indigne des héros de la France dont vous vous réclamez, en particulier Guy Môquet dont vous allez faire lire la dernière lettre dans les écoles. Ce dernier a écrit sur les murs de sa cellule : ‘ Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir ! ’
La leçon de Guy Môquet, de tous les résistants et déportés, dont je suis, est qu'il ne faut ni ici, ni ailleurs, ni dans le passé, ni dans le présent laisser s'établir aucune atteinte aux droits de l'homme. »
Jean Weil, 30/09/07
Interné deux ans à Drancy et déporté un an à Bergen Belsen, inscrit sur le mur des noms.
Posté par Adriana Evangelizt