Barnier dans le rôle de la carpe
Barnier dans le rôle de la carpe
par Pierre-Henri ALLAIN
Au Guilvinec, le Président a totalement éclipsé le ministre de la Pêche.
Malgré sa haute stature, le ministre de la Pêche, Michel Barnier, est passé inaperçu hier matin dans le port breton du Guilvinec. C’est d’abord au président Nicolas Sarkozy, et à ses «140 % d’augmentation» de salaire que la petite foule rassemblée sur les quais en a voulu, huées à l’appui, avant de laisser celui-ci repartir sous les applaudissements.
«Proche». Statue de sel au masque impassible, Michel Barnier a sagement écouté les propositions formulées par le chef de l’Etat devant les représentants des pêcheurs pour sortir de la crise. Ils veulent une exonération des charges salariales en sus d’une exonération des charges patronales ? Pas de problème. Le Président qui «se sent proche» des pêcheurs la leur accorde. Le plan de modernisation de la flotte évoqué par Barnier la semaine dernière est critiqué ? Le Président est venu annoncer que ce serait, au contraire, un moyen de rendre les bateaux «plus compétitifs». Un mécanisme de compensation des hausses du prix du gazole indexé sur le prix de vente du poisson à l’étal est jugé indispensable par les grévistes ? Nicolas Sarkozy le leur apporte sur un plateau et n’oublie pas de rappeler que ce mécanisme, qui devra être élaboré par «Michel» frappera d’abord les poissons importés qui représentent 85 % de l’offre. Bref, tout bon !
Et Super-Sarkozy, venu «sauver la pêche», a beau associer «Michel» à chacune de ses décisions, personne n’y prête attention puisque le ministre ne sera là que pour mettre en œuvre, lors d’une réunion à Paris, les annonces du Président. L’hommage appuyé à Barnier de Sarkozy, qui a déclaré tenir là «le meilleur ministre de la Pêche car c’est un ministre qui connaît parfaitement les arcanes de l’Union européenne», n’a pas déridé l’intéressé.
Cruel. A la sortie de la réunion, interpellé par des badauds («pourquoi on vous a pas vu avant ?»), Barnier a tenté se justifier : «Je ne peux pas décider tout seul. J’ai besoin de l’arbitrage du Président». Puis, soudain pressé : «faut qu’je parte, faut qu’je parte», alors que Sarkozy savourait son triomphe dans la foule. «Merci d’être venu», a quand même lancé, cruel, un autochtone au ministre.
Sources Libération
Posté par Adriana Evangelizt