CPE : le doute dans la majorité
Villepin sème le doute dans sa majorité
par Alain AUFFRAY et Antoine GUIRAL et Didier HASSOUX
La contestation croissante contre le CPE et le pataquès autour du projet de loi sur le téléchargement suscitent des critiques dans les rangs de l'UMP.
Surtout, ne pas avoir l'air de céder. Sur le CPE comme sur le téléchargement, deux sujets chers à la jeunesse, la fermeté de Dominique de Villepin est loin de faire l'unanimité. Alors que le débat sur le droit d'auteur tournait hier à la débâcle, plusieurs élus UMP regrettaient le manque d'écoute et de dialogue du gouvernement.
«Imbéciles». Il y a ceux qui doutent. Et il y a «les imbéciles», a noté Jean-Louis Borloo sur RTL, à propos du CPE. Le ministre de l'Emploi se range lui-même dans la première catégorie. Regrettant que le fameux contrat de deux ans n'ait pas été suffisamment expliqué, il a ajouté : «Dans ce genre de choses, le doute n'est pas forcément un manque d'imbécillité.» Villepin, lui, ne doute pas. «Il est temps de faire des choix et de les assumer», déclarait-il dimanche. Et hier, après que le Parlement a définitivement adopté le projet de loi «égalité des chances» qui instaure le CPE, le chef du gouvernement a tenu à remercier sa majorité «pour son soutien sans faille tout au long des discussions parlementaires».
Sans faille ? Pas vraiment. Comme a pu le constater, mercredi soir, la trentaine de députés UMP du club Démocrates et populaires réunis autour de Jean-Louis Borloo : «Ce n'était pas violent contre Villepin, commente un convive. C'était juste très clair. Surtout lorsque Jean-Louis a fait état de son excellente tenue dans les sondages.» Comme Borloo, des députés doutent. Le néosarkozyste Hervé de Charette (qui n'a pas voté le texte) ne fait pas de détail : «Il faut suspendre le projet du CPE et ouvrir la porte au dialogue avec les jeunes [...]. Si le gouvernement s'obstinait, cela pourrait nous coûter la présidentielle», a-t-il déclaré hier au Parisien. «Indigné», le président du groupe UMP au Sénat, Josselin de Rohan, a demandé (en vain) à Nicolas Sarkozy de le «désavouer». Réponse cinglante de Charette : «Le régiment RPR avec Juppé droit dans ses bottes ou Villepin et sa dissolution miracle, c'est fini !»
Alain Joyandet, principal orateur UMP lors de l'examen du CPE par l'Assemblée, reconnaît «un problème de méthode». Invité mercredi soir au dîner des Borloo's boys, il plaide pour des «aménagements». Message reçu : le Premier ministre a promis hier au Sénat que le gouvernement ferait «des propositions dans les tout prochains jours» . Dès le 21 février, des députés, dont Pierre Méhaignerie et Dominique Paillé, avaient proposé de ramener la durée probatoire du CPE de deux à un an et envisagé «un accompagnement social». La plupart des députés UMP qui contestent la méthode Villepin font partie de la garde plus ou moins rapprochée de Sarkozy. Mais, comme le confie l'un d'eux, «si Villepin plonge, nous plongeons avec. Inutile de trop en faire, donc. Le moment n'est pas encore venu». Voilà pourquoi François Fillon est venu à la rescousse du Premier ministre. «Devant les doutes exprimés sur le CPE par quelques membres de notre majorité, je tiens à rappeler chacun au sens des responsabilités», a scandé le conseiller politique de Sarkozy.
Cela n'a pas empêché certains élus d'exprimer leurs critiques. Laurent Wauquiez suggère de rendre le CPE expérimental en introduisant «une clause de rendez-vous dans six mois». «Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi, en France, on ne se donne pas la possibilité d'expérimenter. Je ne dis pas que le CPE c'est la solution miracle. Il y a des choses sur lesquelles j'ai des réserves», a-t-il ajouté sur France Info. Yves Jego est sur la même ligne. Après une expérimentation d'un an et demi, il suggère que le Parlement soit appelé à se prononcer sur le dispositif après les élections de 2007. Cela devrait permettre de «dégonfler les angoisses légitimes d'une partie de la jeunesse». Et il veut croire qu'il peut y avoir à l'UMP «consensus sur cette position». Ce n'est pas l'avis d'Hervé Mariton, proche de Villepin : «C'est une très mauvaise idée. Si on veut le CPE, il faut l'assumer et ce n'est pas le moment de donner l'impression qu'on n'y croit pas.»
«Huile». Telle est aussi, pour le moment, la ligne de Chirac, si sensible d'habitude aux mouvements d'humeur des jeunes. Son entourage a fait savoir qu'il n'est «pas question de bouger sur ce texte». Cette solidarité n'est pas feinte. En fin de semaine dernière, Chirac s'est lancé publiquement dans une défense du CPE face à des chefs d'entreprise. Pariant sur un essoufflement plus ou moins rapide du mouvement, l'Elysée estime que les manifestations ne débordent pas au-delà des rangs traditionnels de la gauche et de ses relais syndicaux. En d'autres termes, le risque de voir les manifestations faire tache d'huile est jugé «improbable».
Posté par Adriana Evangelizt