Le corbeau se dévoile

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Où il est question d'un voyage de Sarkozy en Inde... et d'une vente d'Airbus...

Clerstream : le corbeau se dévoile

par Sylvain Besson

Jean-Louis Gergorin admet être l'auteur de la lettre anonyme à l'origine de la manipulation visant Nicolas Sarkozy.

Il a craqué. Après deux ans de dénégations acharnées, l'industriel Jean-Louis Gergorin a admis être l'auteur de la lettre anonyme adressée, le 3 mai 2004, au juge anticorruption Renaud Van Ruymbeke. Elle prétendait dénoncer l'existence d'un «groupe mafieux» utilisant les services de la chambre de compensation financière Clearstream. Cet envoi fut suivi de faux listings bancaires adressés au même juge et accusant des hommes politiques, dont l'actuel ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, de posséder des comptes occultes à l'étranger.

Dans un entretien publié jeudi par Le Parisien, Jean-Louis Gergorin a expliqué qu'il avait envoyé la première lettre au juge Van Ruymbeke, tout en refusant de dire s'il est bien à l'origine des autres courriers anonymes. Il dit réserver ses explications sur ce point aux magistrats qui enquêtent sur les faux documents.

Cette confession a suscité un vif émoi au sein du groupe aéronautique EADS, le fabriquant d'Airbus, dont Jean-Louis Gergorin est l'un des vice-présidents. La lettre du 3 mai 2004 accusait en effet un dirigeant d'Airbus, Philippe Delmas, de posséder un compte - en fait inexistant - à la banque Julius Bär de Genève. «Jean-Louis Gergorin va être convoqué dans les plus brefs délais pour s'expliquer sur ses déclarations», explique-t-on au sein d'EADS. Il est peu probable que Jean-Louis Gergorin conserve des responsabilités au sein du groupe: «Il se contredit par rapport à ce qu'il a dit à son employeur et à la planète entière depuis deux ans», ajoute-t-on de même source.

Dans son interview, Jean-Louis Gergorin raconte comment il s'est laissé persuader qu'un vaste réseau de corruption impliquant divers hommes politiques menaçait les intérêts français. Une telle crédulité étonne, d'autant que l'industriel semble toujours croire à sa théorie du complot. «Il est peut-être illuminé, confie une personne qui lui a parlé récemment. Il semble incroyablement serein, comme habité par une sorte de sagesse folle.»

Selon un cadre de l'industrie française d'armement, Jean-Louis Gergorin est psychiquement «très fragile»: «Il a fait une dépression, il a séjourné dans un établissement spécialisé. Dans le milieu, on dit qu'il veut faire plonger le maximum de monde.»

Ainsi, les aveux de Jean-Louis Gergorin contiennent des éléments embarrassants pour le premier ministre français Dominique de Villepin. Le 9 janvier 2004, alors qu'il était ministre des Affaires étrangères, celui-ci a convoqué Jean-Louis Gergorin et un officier des services de renseignement, Philippe Rondot, pour lancer une enquête secrète sur le fameux réseau de corruption. «Moi, ma préoccupation ce jour-là est de comprendre la mécanique technique du système, affirme Jean-Louis Gergorin. Eux, cela ne les passionne pas beaucoup... c'est plus [sic] les personnages qui les intéressent. [...] Dans mon souvenir, on parle de Sarkozy ce jour-là parce qu'il devait se rendre en Inde, un voyage qui semble surprendre pour un ministre de l'Intérieur.» A cette date, Airbus négociait justement la vente d'une quarantaine d'avions à l'Inde.

Dominique de Villepin, de son côté, affirme que le nom de Nicolas Sarkozy n'a été évoqué lors de la rencontre que pour éviter une «rivalité entre services», et non pas comme possible détenteur de comptes occultes.

L'affaire est donc loin d'avoir livré tous ses mystères. On ignore en particulier qui a falsifié les listings bancaires censés révéler le prétendu complot. L'informaticien Imad Lahoud, source présumée de ces documents, est actuellement hospitalisé pour dépression.

Sources :
LE TEMPS

Posté par Adriana Evangelizt

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