1 - Sarkozy à Bercy, un outil de communication politique
Nicolas Sarkozy à Bercy (1) : un outil de communication politique
par Caroline Werkoff-Leloup
Nicolas Sarkozy a été huit mois (d’avril à fin novembre 2004) ministre de l’économie et des finances. C’est dans ce contexte que se déroule, dès le 8 avril 2004, sa première grande annonce télévisuelle. Le nouveau Ministre des Finances réserve à TF1 la primeur de son analyse de la situation économique et budgétaire de la France et des grandes lignes de son action à venir à Bercy. « Fini les costumes à rayures », il promet de donner aux Français une autre image du Ministre des Finances, celle d’un homme à l’écoute de leurs préoccupations, s’engageant à répondre à leurs problèmes, prêt à « rendre des comptes » sur son action. Il s’engage à tenir une conférence de presse « tous les trimestres », une tradition qu’il avait instaurée dans son précédent ministère.
Et effectivement les Français, en 2004, ont beaucoup vu Nicolas Sarkozy à la télévision. Outre la réception le 30 août 2004 à Bercy de l’acteur Tom Cruise, membre de l’Eglise de Scientologie, les Français ont été littéralement tenus au courant jour après jour des « prouesses » du ministre : Sarkozy se battant pour sauver Alstom, Sarkozy contre les grandes surfaces et les pétroliers, Sarkozy allant aux États-Unis ou en Angleterre visiter ses homologues étrangers, Sarkozy fusionnant Aventis et Sanofi, Sarkozy annonçant des mesures de soutien à la consommation, Sarkozy commentant le projet de budget 2005, Sarkozy annonçant une réforme des relations entre les contribuables et le fisc, Sarkozy fusionnant trois directions du ministère des finances, ou Sarkozy commentant le déficit français au regard des critères du pacte de stabilité européen.
A l’approche de son départ de Bercy, ses services ont distillé moult communiqués pour montrer qu’il avait apporté une réponse réelle et efficace aux questions soulevées. Ainsi, par exemple, il prit soin de publier avec onze jours d’avance la « situation mensuelle budgétaire » à fin octobre 2004, faisant état, pour le déficit, de la « plus forte réduction jamais observée en un an » (analyse fortement contestée par les socialistes et communistes).
Nicolas Sarkozy a également tenu à présenter le 3 novembre 2004, le mois de son départ de Bercy, trente mesures destinées à améliorer les relations entre le fisc et les contribuables (allégement des contrôles fiscaux, meilleure prise en compte de la bonne foi du contribuable, déclarations fiscales simplifiées pour les particuliers). L’objectif était clair : annoncer des réformes, même sans pouvoir les mener à terme, afin de pouvoir, lors de l’élection présidentielle de 2007, se les approprier.
Cette stratégie d’hyper communication se décline en trois axes.
Le locataire de la place Bauveau a d’abord cherché à endosser les habits usés d’un père Pinay, raisonnable et rassurant. C’est ainsi que Nicolas Sarkozy annonçait gérer le budget de l’Etat « en père de famille », afin de « protéger le fruit du travail des Français ». Il expliquait que « 80 % des recettes de l’impôt sur le revenu servent à financer les intérêts de la dette. On ne peut pas continuer comme ça ». Il voulait « trouver des économies », sans « sujet tabou ». Ces déclarations de principe ne pouvaient que plaire à son électorat conservateur, et ne prêtent d’ailleurs guère à la critique, tant ces propos sont généraux.
Injecter une dose de « rupture » : adoption de slogans, facilement mémorisables par les Français, susceptibles de montrer son volontarisme politique et sa « nouvelle » politique « de rupture ». C’est ainsi que les Français ont sans cesse été informés que l’idée de ne remplacer dorénavant qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite serait effectivement, et enfin selon Nicolas Sarkozy, mise en œuvre. Mais cette annonce est toujours restée au niveau du marketing politique, sans entrer réellement dans les faits. Nicolas Sarkozy s’est bien gardé d’appliquer cette règle abrupte. Il n’a même pas essayé de détailler dans quels domaines, quels ministères, quelles missions de l’Etat, des économies de non remplacement de fonctionnaires partant à la retraite pourraient être réalisées.
Une petite dose de populisme : s’attaquer à des problèmes de tous les jours aisément compréhensibles par les Français et le faire savoir. On peut prendre pour exemple sa politique à l’égard des grandes surfaces ou des pétroliers : dès le 8 avril 2004, soit très peu de temps après son arrivée, il annonce qu’il souhaite résoudre « le problème des prix dans les supermarchés ». Le 17 juin 2004, il annonce un accord entre distributeurs et industriels sur une baisse de prix dans les hypermarchés de 2 % en septembre 2004. Cette baisse, qui sera partiellement effective, ne se retrouvera toutefois pas dans les chiffres de l’inflation publiés par l’INSEE en 2004 : d’octobre 2003 à octobre 2004, les prix en France auront grimpé de 2,1 %. Nicolas Sarkozy aura, par sa mesure, peut-être limité l’effet de la hausse du pétrole sur le budget des ménages, mais n’aura clairement pas « redistribué » du pouvoir d’achat aux ménages. Pour obtenir un tel effet, il aurait fallu une autre politique, moins à droite, que Nicolas Sarkozy n’était pas prêt à faire. En outre, sa politique n’a pas été pérenne : pour pérenniser les effets de l’accord temporaire entre distributeurs et industriels, Nicolas Sarkozy comptait sur une réforme de la loi dite Galland. Il n’a pas eu le temps de mener à bien cette réforme, et son successeur à Bercy n’a pas réussi à pérenniser le mécanisme temporaire de modération des prix initié à l’été 2004.
Qu’a dissimulé cette communication parfaitement calibrée ? Quels ont été les résultats de cette politique ? Nous en parlerons dans une prochaine chronique...
Sources Betapolitique
Posté par Adriana Evangelizt