Le retour de l'extrême-droite dure

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Le retour de l'extrême-droite dure

Changement de ton dans la campagne de Jean-Marie Le Pen. A une semaine du premier tour de l'élection présidentielle, le leader du FN a renoué avec une ligne très dure, multipliant les attaques frontales contre Nicolas Sarkozy, qui convoite ses électeurs, et les "petites phrases" nauséabondes. A l'opposé de l'image lisse qu'il a tenté d'imposer depuis des mois.

Jean-Marie Le Pen tente un pas de deux qui s'apparente à une quadrature du cercle. D'un côté, il laisse entrevoir dans différentes déclarations qu'il serait prêt à se rapprocher de l'UMP, notamment pour les législatives, de l'autre, il tombe à bras raccourcis sur Nicolas Sarkozy, qu'il traite avec mépris. C'est que le leader du FN s'agace de voir le candidat de l'UMP chasser sur ses terres, clamer haut et fort qu'il vise l'électorat du FN, avec pour appât ses propos sur l'identité nationale et pour arme un discours très ferme à l'encontre des immigrés. Et ceci avec une certaine réussite si l'on en croit certains sondages qui estiment que 20% des électeurs ayant voté pour le FN en 2002 pourrait voter pour Sarkozy en 2007.

Le leader du FN a donc sorti l'artillerie lourde ce dimanche au Palais des Sports de Paris, pour son avant-dernier meeting. Il s'en est pris vertement à celui qui braconne sur ces terres, dans ce qui a été une sorte de lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, adressée, en fait, à ses électeurs volatils. C'est sa fille et directrice de campagne, Marine, qui a ouvert le bal en affirmant rejeter tout espèce d'accord avec l'UMP: "Nous ne serons jamais les supplétifs de votre politique, ni de votre personne", a-t-elle affirmé, égrénant comme autant de reproches son "immigrationnisme", son "communautarisme", et même son inclination "guerrière". Une manière de se démarquer nettement de Nicolas Sarkozy. Puis Bruno Gollnish, le n°2 du FN, s'est chargé de chauffer la salle en affirmant que l'ex-ministre de l'Intérieur avait "une part de responsabilité dans le meurtre de Sophie Gavraud à Nantes, par "l'abolition de la double peine" qu'il a mise en oeuvre.

"Chef de la racaille politicienne"

Le chef s'est enfin présenté devant ses 5 000 militants et a continué de lancer des messages empoisonnés à Nicolas Sarkozy, sur un ton véhément: "Vous n'avez pas perçu la formidable colère des Français, pillés, ruinés, désespérés contre la racaille politicienne, dont vous êtes l'un des chefs, l'un des emblèmes." Par cette sortie, il a voulu battre en brèche la volonté de Sarkozy de conquérir "ceux qui ne votent plus".

Puis il a ajouté, sous les applaudissement de la foule: "Vous n'avez qu'une nationalité monsieur Sarkozy, c'est la nationalité sarkozienne!", avant de le mettre en garde: "Le sang français que vous méprisez, il en a coulé beaucoup pour défendre la liberté et l'indépendance de la France." Une nouvelle salve fielleuse sur les origines hongroises de Nicolas sarkozy, quelques jours seulement après l'avoir présenté comme "le candidat de l'immigration".

Il a ensuite interpellé celui qui "est fier d'être appelé Sarkozy l'Américain" sur sa politique internationale: "Si les Etats-Unis ou Israël s'engageaient dans la voie de la belligérance, engageriez-vous la France à leurs côtés dans une guerre contre l'Iran ?"

La France au bord de la guerre civile"

Puis il a moqué le candidat de l'UMP sur sa manière de faire campagne: "Il a une solution pour chaque problème, une larme pour chaque detresse, rien ne lui résiste ni le rebute, même pas le soutien de Jacques Chirac." A peine a-t-il pris soin d'adresser une pique à Ségolène Royal, et encore, dans le but d'attraper le candidat de l'UMP dans le viseur: "Madame Royal, elle, a ramassé l'emblème national pour courir derrière monsieur Sarkozy qui, de déclarations tapageuses en affirmations légères, court lui-même après moi?"

Enfin, il a brièvement dépeint une France "qui semble au bord de la guerre civile, prélude éventuel à sa disparition pure et simple." Une France qui va mal donc, et dont il se propose de conduire "le sursaut économique, social, culturel et politique qui seul peut l'arracher au désastre auquel l'on conduit les hommes et les partis du système". Sans évoquer une seule de ses mesures. La charge a été rude pour Nicolas Sarkozy, qui ne doit toutefois pas en être mécontent: elle donne du poids à ses démentis sur un accord éventuel ou secret entre l'UMP et le FN.

Une sortie ambigüe sur la Shoah

Mais l'essentiel n'était pas là pour Le Pen, qui a décidé d'adopter une stratégie risquée à J-7, celle de revenir à une droite extrême dure, passant par pertes et profits les efforts de dédiabolisation engagés par sa fille Marine depuis de longs mois, afin de rattraper les électeurs tentés par la "droite décomplexée" de Sarkozy.

Peut-être s'est-il rendu compte qu'être présenté comme le candidat rejeté par les médias et le microcosme politique avait des vertus pour certains électeurs, dégoutés de la politique? Et qu'à trop polir son image, il apparaissait moins comme le candidat du vote protestataire ? Il était donc temps de mettre un grand coup de barre à l'extrême droite. Et quoi de plus simple pour y revenir rapidement qu'une sortie ambigüe sur la Shoah ?

Le travail a été (bien) fait dimanche dans les colonnes du Parisien, à l'occasion d'une rencontre avec les lecteurs du quotidien. A la remarque d'un lecteur sur la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans la déportation des juifs, Jean-Marie Le Pen a répondu: "Je le regrette. Même François Mitterrand ne l'avait pas fait." Il a ensuite refusé de parler à nouveau de la Shoah, affirmant que "ces débats ne sont pas dans le domaine de la liberté d'expression. Je me garde bien d'y toucher. On ne peut pas exprimer une autre opinion que celle dictée par la pensée unique."

Et voilà comment en trois phrases, l'homme se redessine une image de "facho bon teint", qu'il avait abandonné pour celle du grand-père tranquille. Finalement, comme il le reconnaît à la fin de l'entretien il n'a "pas tellement changé".

"Front social contre Front national"

Sur le terrain également, l'atmosphère se cristallise. Vendredi deux militants du Front national ont été mis en examen pour violence volontaire en réunion et avec arme, suite à une bagarre mercredi avec des jeunes français d'origine maghrébine, dans le Beaujolais. Et dimanche ce sont quatre jeunes qui ont été placés en garde à vue après une bagarre avec quatre colleuses d'affiches du Front national de la jeunesse dans le centre ville de Lyon.

A Paris, pour protester contre la tenue du meeting de Jean-Marie Le Pen, une marche a réuni près de 600 personnes. Les manifestants ont répondu à l'appel de diverses associations pour défiler derrière une banderole qui proclamait: "Front social contre Front national". Le tout heureusement sans heurt. Les organisateurs voulaient ainsi dénoncer "le centrage du débat politique sur les questions sécuritaires et d'immigration assumé par une droite musclée, décomplexée et agressive, et accepté par une certaine gauche". Un constat que ne pourrait pas renier Jean-Marie Le Pen, à regret.

Sources Le JDD

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Publié dans FRONT NATIONAL

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