HISTORIQUE DE LA LOI 1905 1ère partie

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Pour ceux qui voudraient en savoir davantage sur les évènements qui amenèrent à la séparation de l'Eglise et de l'Etat et à l'instauration de la loi 1905, nous avons trouvé une série d'articles intéressants sur un journal réunionnais...

LE CENTENAIRE DE LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT - 1ère partie -


 La longue marche vers la laïcité

par Eugène Rousse

Aujourd’hui, jour pour jour, on célèbre le 100ème anniversaire du vote de la loi séparant le pouvoir politique et le pouvoir religieux. C’est la loi du 9 décembre 1905 dite de séparation des Églises et de l’État. Notre ami Eugène Rousse a décidé de consacrer dans “Témoignages” une série d’articles à cet événement historique. Nous le remercions pour ce travail qui aidera nos lecteurs à comprendre l’importance de la bataille qui a conduit à l’adoption d’un tel texte de loi.


 LE 9 décembre 1905, après 5 mois de débats au Parlement, une loi d’une importance historique exceptionnelle rompt les liens existant jusque-là en France entre le pouvoir temporel (exercé par les politiques) et le pouvoir spirituel (exercé par les religieux). Il s’agit de la loi de séparation des Églises et de l’État. Cette loi met fin au système des cultes reconnus (1) , elle supprime le monopole de la religion catholique et elle instaure la laïcité dans un pays qui devra toutefois attendre le 27 octobre 1946 pour que le mot "laïque" figure dans sa Constitution.


L’objet de mon propos est le rappel d’un certain nombre d’événements qui sont autant d’étapes vers l’adoption de la loi de 1905. Le rappel également du contexte dans lequel cette loi a été votée. Le rappel enfin des entorses qu’elle a subies au cours du siècle écoulé. Car 100 ans après le vote d’une loi qui a nécessité la mobilisation de tous les républicains, sa commémoration est aussi importante que son application.


L’évocation de ce qui s’est passé à La Réunion lors de l’application de la loi de séparation dans notre île constituera la dernière partie du présent dossier.

Un premier pas en 1598

La signature par le roi Henri IV de l’édit de Nantes le 13 avril 1598 peut être considérée comme le premier pas fait dans la voie de la laïcité. Outre qu’il met fin à près de 40 années de guerres atroces entre catholiques et protestants, cet édit accorde pratiquement les mêmes droits aux premiers et aux seconds.


La révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV le 18 octobre 1685 rallume la guerre religieuse et redonne aux catholiques le contrôle du royaume. L’Église catholique se voit confier notamment l’enseignement et la tenue des registres d’état-civil (créés par l’ordonnance de Blois en 1579), les actes rédigés par les protestants n’ayant aucune valeur. Le clergé jouit alors d’un statut si privilégié, qu’en 1789, l’Église détient la plus grosse fortune de France.

Nouvelles avancées avec la Révolution

La marche vers la laïcité s’accélère avec la Révolution de 1789. La suppression de la dîme (impôt versé au clergé) le 11 août 1789 est suivie le 26 août 1789 de la Déclaration des droits de l’Homme, qui stipule en son article 10 : "Nul ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi".


Deux mois plus tard, le 2 novembre 1789, la Constituante déclare : "tous les biens du clergé sont les biens de la nation". Les constituants estiment toutefois que la religion étant une nécessité sociale, il convient d’attribuer un traitement aux membres du clergé. Toute référence à Dieu et à l’Église disparaît toutefois de la Constitution de 1791, qui fonde la 1ère République.

Deux mois plus tard, le 2 novembre 1789, la Constituante déclare : Les constituants estiment toutefois que la religion étant une nécessité sociale, il convient d’attribuer un traitement aux membres du clergé. Toute référence à Dieu et à l’Église disparaît toutefois de la Constitution de 1791, qui fonde la 1ère République.


Autre décision importante prise par l’Assemblée législative cette fois : l’état-civil est à la charge des municipalités à compter du 20 septembre 1792. Les actes importants de la vie civile échappent désormais au contrôle de l’Église et perdent tout caractère religieux.


Ajoutons que la Constitution du 22 août 1795 proclame que "nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun".


Ajoutons également que le fonctionnement des écoles primaires est confié aux Départements en octobre 1795. Mais, dès le 12 décembre 1792, date de la création des écoles primaires par la Convention, le maître d’école, qui est un laïc, porte le nom d’instituteur (“celui qui met debout”). L’Église perd ainsi le monopole de l’enseignement.

"L’Église chez elle et l’État chez lui"

De la fin du 18ème siècle jusqu’à la proclamation de la IIIème République le 4 septembre 1870, les liens se resserrent entre le pouvoir politique et l’Église. Cette période est marquée notamment par plusieurs événements :
o La signature par le Pape Pie VII, le 15 août 1801, d’un traité (Concordat) qui porte aussi la signature du Premier consul, Bonaparte. Celui-ci peut alors assouvir son ambition en obtenant du chef de l’Église catholique qu’il vienne le sacrer empereur à Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804.
o Le vote de la loi Falloux le 15 mars 1850. Cette loi, voulue par un parti clérical assoiffé de revanche, livre à l’Église tous les ordres d’enseignement. Lors des débats relatifs au projet de loi élaboré par le comte Frédéric de Falloux, le député Victor Hugo déplore le 14 janvier 1850 "la nuit faite dans les esprits par l’ombre des soutanes..." et tonne : "je veux (...) ce que voulaient nos pères, l’Église chez elle et l’État chez lui".


Avant l’auteur des "Châtiments", les voix de 2 historiens - Edgar Quinet et Jules Michelet - s’étaient élevées au cours de la décennie 1840 pour réclamer avec force la laïcité de l’enseignement.

Une campagne pour la laïcisation de l’École

Si le rapprochement entre Paris et Rome - qui élève la religion catholique au rang de religion de l’État - permet le développement spectaculaire des congrégations et accroît sensiblement l’audience du clergé français, l’entente entre les 2 capitales est cependant loin d’être cordiale.


Ainsi, Napoléon 1er, en conflit avec Pie VII, n’hésite-t-il pas à ordonner le transfert de ce dernier à Fontainebleau (à 60 km de Paris) en juin 1812, après l’avoir fait interner pendant près de 3 ans dans le Nord de l’Italie. C’est seulement 2 ans plus tard (le 13 janvier 1814) que le chef de l’Église catholique pourra regagner le Vatican.


Quant à Napoléon III, il choisit en 1859 de soutenir l’homme d’État italien Cavour dans son entreprise d’annexion des États pontificaux. Pie IX réagit en traitant l’Empereur de "menteur" et de "fourbe". Le divorce (provisoire) entre les 2 hommes permet à Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III, d’entreprendre des réformes visant à développer l’école laïque et de contenir les progrès des congrégations enseignantes. C’est à cette époque que la Ligue française de l’enseignement (née en 1866) se lance dans une vaste campagne de signature de pétitions demandant la laïcisation de l’École ainsi que l’obligation scolaire.

Mobilisation des laïques

L’effondrement du Second Empire, consécutif au désastre de Sedan, et la proclamation de la IIIème République le 4 septembre 1870, suivie de l’élection dans tous les arrondissements de Paris de maires républicains dont Georges Clémenceau (18ème arrondissement) marquent des étapes importantes sur la voie de la laïcisation de l’État français. Pour la seconde fois en France depuis le 18 septembre 1794, un gouvernement provisoire, connu sous le nom de “Commune de Paris” (18 mars - 27 mai 1871) décrète le 2 avril 1871 "la séparation de l’Église et de l’État". Décret que la Chambre des députés élue le 8 février 1871 - composée d’une majorité de droite - s’empressera d’abroger.

Les laïques ne se tiennent pas pour autant battus. En témoigne l’arrivée devant le Palais Bourbon, le 19 juin 1872, d’un chariot conduit par le président de la Ligue française de l’enseignement, Jean Macé, transportant 115 paquets de 1 million 267.267 signatures de pétitions visant à demander à la Chambre de "créer l’école obligatoire, gratuite et laïque". Demande restée vaine.


Le combat laïque engagé dans tout le pays triomphe enfin aux législatives du 8 mars 1876. La nouvelle Chambre compte 360 députés républicains contre 130 députés de droite. Trois ans plus tard, une majorité de gauche entre à son tour au Sénat. Cette majorité parlementaire conservera le pouvoir jusqu’au 10 novembre 1919.

Des lois très importantes

Malgré les violentes campagnes menées par les partisans d’un retour à la Monarchie avec l’aide très active de l’Église catholique, cette majorité républicaine fera voter des lois dont une des plus importantes est la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, dont nous commémorons aujourd’hui le centenaire.


Mentionnons quelques-unes de ces lois :


o la loi du 6 juin 1881 établit la gratuité de l’enseignement.


o la loi du 29 mars 1882 rend l’école obligatoire de 6 à 13 ans et laïcise les programmes scolaires.
Ces lois sont connues sous le nom de lois Jules Ferry.


o la loi du 30 octobre 1886, dite loi René Goblet, laïcise le personnel enseignant des écoles publiques.


o la loi du 10 juillet 1901, œuvre de Pierre Waldeck-Rousseau, chef du gouvernement de 1899 à 1902, autorise la constitution d’associations, tout en subordonnant l’existence des congrégations - qui sont des associations religieuses interdites après la Révolution de 1789 - à une autorisation légale. Sur les 830 congrégations dénombrées en 1901, quelque 215 s’abstiennent de solliciter l’autorisation prévue par la loi. Ce qui conduit le gouvernement à faire fermer 2.500 écoles tenues par ces dernières.


o la loi du 7 mai 1904 interdit l’enseignement à tous les congréganistes. Cette loi appliquée avec souplesse entraîne la fermeture de 1.843 écoles sur 8.200. Toutes ces lois s’accompagnent de mesures visant à laïciser les services de l’État.

à suivre...

(1) Ces cultes sont au nombre de 4 : catholique, protestant luthérien, protestant calviniste et judaïsme

Sources : TEMOIGNAGES

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans LOI 1905

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article