Le New Deal : Travailler plus pour gagner plus
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Travailler plus pour gagner plus. Dit comme cela, la chose est belle. La formule magnifique. Sur le terrain, elle ne résiste pas à la contradiction. Nos députés et nos élus cumulards, nos syndicalistes et nos boursicoteurs gagnent toujours plus en travaillant plus ou moins. Et le fonctionnaire le mieux payé au monde, le directeur du FMI, est justement celui qui est à la tête d’une institution censée s’occuper du développement des pays les plus pauvres du monde. C’est le « new deal ».
Alors qu’on nous dit qu’il faut « travailler plus pour gagner plus » et qu’on nous annonce la réforme des régimes spéciaux, coup sur coup, nos journaux nous livrent deux scandales. L’important délit d’initiés chez EADS, le groupe européen en charge du projet de l’Airbus 380 et le soupçon du financement occulte des syndicats. S’agissant d’EADS, on commence à toucher le fond de l’irresponsabilité collective. Chacun des responsables de l’époque au Gouvernement (2006) nie toute connaissance de cette affaire, malgré les écrits qui démontrent le contraire. Comme il faudrait qu’on boive la coupe jusqu’à la lie, l’Inspecteur des Finances, chargé d’une mission de vérification des allégations des membres du Gouvernement de l’époque, confirme les propos de ses alter ego. La Caisse de consignations et des dépôts (CDC), filiale de l’Etat confirme également : elle aurait agi seule, sans en référer à l’Etat, en dépit de l’obligation de soumission de la CDC à l’Etat en la matière. Comme le « pacte des actionnaires » dit que cela ne se peut pas, la commission des finances du Sénat, après avoir entendu Thierry Breton, le Ministre des Finances en place lors de la vente des actions incriminées – 600 millions d’euros d’actions vendues par l’actionnaire Arnaud Lagardère à la CDC - qui a évidemment nié toute connaissance du sujet, va entendre Mr. Arnaud Lagardère qui affirme lui que son groupe avait bel et bien informé les services du Premier Ministre de leur intention de vente des actions EADS à la banque IXIS CIB (qui agit pour le compte de la CDC) et de la possibilité qu’une partie de ces actions soit rachetée par la Caisse des dépôts. Dominique Strauss Kahn, décidément à la Une ces derniers temps ; nomination à la tête du FMI oblige, sera lui aussi entendu par la même commission des finances du Sénat au titre de Ministre des Finances en place en 1999, au moment du montage financier du projet EADS et sur le désormais fameux « pacte des actionnaires ». Tout comme le sera également l’ancien Premier Ministre Dominique de Villepin, lui aussi très en vue pour cause d’affaire Clearstream. Signalons que l’ancien Premier Ministre a nié les propos d’informations de Matignon d’Arnaud Lagardère.
Du côté des syndicats, outre le retrait de 20 millions d’euros en liquide du président de la fédération la plus puissante du Medef, l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (IUMM) ; plaque tournante syndicaliste, le journal les Echos nous apprend, le 16 Octobre, l’existence d’une caisse noire d’un montant de 160 millions d’euros. D’où la question inévitable. Qui finançait cette caisse noire ? Il semblerait que celle-ci soit le produit d’un deal entre les entreprises et les syndicats où les unes achetaient ainsi la paix au sein des entreprises. Entre les syndicats, on devait donc se partager le pactole. Mais, voilà, comme les hommes politiques, tous les chefs syndicalistes nient avoir reçu un seul centime d’euro et jurent n’avoir jamais eu connaissance de l’existence d’une telle chose. Tout le monde est indigné, malgré, là-aussi, l’existence d’un livre Je ne sais rien mais je dirais presque tout, d’Eric Branca qui détaille des pratiques de financement occulte des syndicats, qui datent du 19ème siècle, dont on a appris du reste qu’elles exonéraient les syndicats de tenir une comptabilité régulière et encore moins de la faire certifiée par qui de droit. Des « mauvaises langues » font aussi état du train de vie des syndicalistes. C’est peut-être l’interprétation de la phrase subliminale de Mme Laurence Parisot, la patronne du Medef qui dit ceci - sic ! : « Cette affaire, c’est comme un secret de famille. C’est quelque chose que nous ignorions, mais qu’inconsciemment certains savaient ». Quoi qu’il en soit, alors même qu’on parle de la réforme des régimes spéciaux, il semblerait que certains régimes spéciaux soient plus spéciaux que d’autres et ne seraient pas concernés par la réforme… des régimes spéciaux. Ainsi, celui très spécial des parlementaires, régime intouchable.
Un régime très spécial : celui des parlementaires
D’abord nos parlementaires sont presque tous des cumulards. Réformer leur statut, c’est-à-dire mettre fin au cumul des mandats nécessite une autre réforme intellectuelle, pas seulement une réforme arithmétique d’un alignement sur 40 ans. Exemple de cumul dans le Parisien (daté du 16/10, page 5) : on peut être député-maire d’une ville moyenne, président d’agglomération, patron du groupe parlementaire et travailler aussi … dans un cabinet d’avocats parisien ayant pignon sur rue. Soit on a affaire à un homme surnaturel, soit c’est du bluff.
Que dans une démocratie comme la nôtre, il soit encore possible de cumuler les fonctions au privé et au public n’a pas de qualificatif. En soi, le cumul des mandats est déjà une escroquerie républicaine insupportable avec laquelle il faut en finir. Comment peut-on y ajouter une casquette du privé, en toute irresponsabilité ?
Jean Jacques Bourdin de RMC a rappelé que, pour chaque député non réélu, les français devront payer 417 120 euros. C’est la nouvelle indemnité chômage des députés votée à l’unanimité par les députés de tous bords : UMP, PS, UDF et PCF à la fin de la mandature de Jean Louis Debré, actuel Président du Conseil Constitutionnel, nommé par le Président de la République Jacques Chirac, avant son départ. Un député non réélu touchera pendant soixante mois au lieu de six mois son indemnité mensuelle nette qui est à ce jour (selon info sur site assemblée nationale) de 5 178 euros. Cette indemnité devrait être dégressive de 20 % par an. Mais, rien n’est moins sûr. En plus à l’issue des cinq ans d’indemnités, les députés non réélus percevront « à vie ? » 20 % de ce traitement : soit 1 390 euros par mois, en faisant la sieste, pendant que les autres « travailleront plus pour gagner plus » et que les multirécidivistes se verront appliquer des peines plancher. Sans pitié, sans façon. On constate avec amertume que les députés savent parfaitement s’entendre lorsqu’il s’agit de s’octroyer des avantages sur le dos des Français (Source article convictions et actions sur le net).
Après les mandats cumulés, le cumul continue avec les retraites. Un mandat de député équivaut à 1 500 euros de retraite mensuelle, deux mandats à 3 000 euros, trois mandats à 4 500 euros et 4 à 6 000 euros. Ceci explique que la norme des mandats de nos députés soit de 20 ans. Cette retraite des députés est cumulative avec les retraites des autres mandats cumulés au même moment. L’indécence et l’imposture du cumul des mandats frisent l’écœurement et le dégoût. Quand on ajoute à cela l’absence de représentativité de l’Assemblée nationale, où, tout de même, une formation politique comme le FN qui fait 10 % aux présidentielles n’a pas un seul député à l’Assemblée nationale, il est clair que la démocratie est confisquée par les partis majoritaires. Qu’ont-ils fait de cette confiscation des pouvoirs ?
Voici la réponse du Premier Ministre « je suis à la tête d’un Etat en faillite qui n’a pas présenté de budget équilibré depuis 25 ans », c’est-à-dire que l’Etat aurait travaillé moins – puisque le compte n’y est pas. Qu’on n’objecte pas ici que c’est la faute au Gouvernement et non au Parlement. Les membres du Gouvernement et du Parlement sont issus des mêmes formations politiques et, le plus souvent, des mêmes écoles. Leur entente est parfaite et indéfectible. La preuve, le Gouvernement a besoin d’avoir une majorité au Parlement pour le soutenir. Il s’agit donc d’une responsabilité collective. En nous invitant à « travailler plus pour gagner plus ». Que doit-on comprendre ? Que les efforts c’est pour le petit peuple, les petits actionnaires qui doivent se saigner pour transférer la richesse collectivement créée vers le haut, vers les « gros porteurs » de titres et de mandats syndicalistes et politiques ?
Coïncidence, l’ex Président des Etats-Unis Bill Clinton publie un livre qui s’intitule « Donner, comment chacun de nous peut changer le monde » où il demande aux citoyens du Monde de donner de l’argent, du temps et du savoir, pour aider les pauvres. Il semblerait que ce livre ait soulevé un tollé aux Etats-Unis où les citoyens disent au Président Clinton que son livre est le meilleur aveu de l’impuissance publique. Dans ces conditions de reconnaissance de l’impuissance publique, pourquoi son épouse serait-elle candidate à la Présidence des Etats-Unis ? L’autre question - certainement tue - est celle-ci : qu’est-ce qui arrive à nos démocraties pour que les maris et les épouses – en attendant les concubines - soient tour à tour investis à la fonction présidentielle, exactement comme dans un régime royaliste ?
Les gains ne sont pas forcément indexés sur la valeur faciale du travail
La démocratie se termine donc comme un système oligarchique, avec une reproduction familiale des élites. Pierre Bourdieu avait appelé cela, en 1964, la « Noblesse d’Etat » et « les Héritiers ». Depuis, le système s’est perfectionné. Chaque corporation revendique une notabilité publique et s’en sert comme base de conquête des privilèges et des rentes, suivant en cela l’exemple qui vient d’en haut. J’ai appelé cela le clonage institutionnel. Le clonage institutionnel est cette relation de miroir qui existe entre les institutions. Il traduit cette fonction de fermeture qui les unit, puisque les institutions ne travaillent qu’entre elles dans un réseau puissamment cloné. La survalorisation de leur utilité publique, leur irresponsabilité et leur impunité est donc une conséquence de positions et de privilèges habilement conquis, au nez et à la barbe du citoyen. Les gains ne sont pas forcément indexés sur la valeur faciale du travail. Il y a une valeur ajoutée et une valeur surajoutée. Ce sont ces valeurs-là qui permettent de gagner plus, plus, plus.
Dernière nouvelle du clonage institutionnel, du côté du marché international de la pauvreté, la nomination de Dominique Strauss Kahn au Fonds Monétaire International. Pensez donc que le fonctionnaire le mieux payé au monde est justement celui qui est à la tête d’une institution censée s’occuper du développement des pays les plus pauvres du monde. Et ce Président est socialiste. Selon le Figaro, la rémunération annuelle de cette fonction est de 495 000 dollars nette d’impôt. Le directeur général du FMI disposera également d’une voiture de fonction, une Lincoln. Il touchera donc « plus que deux fois et demi le salaire du patron de la réserve fédérale » des Etats-Unis. On parle aussi de 50 000 euros de retraites par an environ. Cherchez l’erreur ! Il n’y en a pas. Les boeufs existent pour être inéluctablement conduits à l’abattoir. C’est ainsi qu’il été démontré, dans le cadre de la « françafrique » (livre de François Xavier Verschave, 1998 par exemple), que les pays pauvres d’Afrique ont vu leur dépendance s’accroître à force d’être aidés ; l’aide au développement étant bien souvent détournée pour financer de façon occulte, les partis politiques de gouvernement en France, avant la réforme de 1988 concernant le financement public des partis politiques. En outre, l’aide au développement était liée, c’est-à-dire conditionnée à la réalisation du projet de développement, pour lequel elle était attribuée, par le pays donateur de l’aide : vente de matériel et de fournitures diverses, emploi du personnel en provenance du pays donateur, les salaires, les primes d’expatriation et autres avantages professionnels sont payés sur l’enveloppe globale de l’aide. Exactement comme l’Etat met à la disposition des syndicats, des fonctionnaires, des locaux et des subventions de fonctionnement, tous réglés par l’Etat.
Mêmes pratiques politiques, mêmes pratiques syndicalistes, mêmes pratiques multinationales.
Dans le Scandale et la Honte, Bernard Schneider a démontré, en 1996 déjà, comment l’aide au développement était devenu un marché important qui profitait d’abord aux pays riches en disant ceci, je cite : « les salaires des experts internationaux, les coûts des titres de transport et d’hébergement en hôtel quatre ou cinq étoiles, les frais affectés à l’organisation des séminaires sur le développement ainsi que ceux relevant des protocoles administratifs engloutissent plus de 90% des sommes allouées à l’aide. En sorte que 5% seulement de l’aide irait effectivement à ce pour quoi elle était destinée ». L’aide au développement n’est ni plus ni moins qu’un marché de développement conçu par et pour le profit des initiateurs, c’est-à-dire, les Etats donateurs, le FMI, la Banque Mondiale et leurs commis respectifs. Là-dessus, le FMI a posé avec les plans d’ajustements structurels, depuis 1985, des critères de conditionnalité de l’attribution de l’aide au développement. Parmi ceux-ci, les pays demandeurs se voient contraints de privatiser les secteurs énergétiques et névralgiques de leur économie. Ce qui aboutit à la cession des pans entiers de la souveraineté de ces pays pauvres aux multinationales.
« Travailler plus pour gagner plus ». Allez donc le dire à l’Afrique et aux africains ! Cela ne se peut pas, car le marché international et les cours financiers sont gérés par les pays riches et c’est le débat actuel à l’OMC « pour un commerce mondial équitable » où on cesserait de subventionner les gros producteurs du Nord afin qu’ils produisent toujours plus, avec un risque proche de zéro - des produits qui viennent concurrencer déloyalement les produits locaux en Afrique, tuant ainsi la production locale et les acteurs locaux. Les mêmes subventions empêchent les producteurs de l’Afrique d’être compétitifs sur le marché. Coup double donc pour les gros producteurs du Nord ! « Travailler plus pour gagner plus » est une formule qui s’applique au marché du travail des pauvres. C’est un ordre national et international dédoublé. Et institutionnellement cloné.
Alors qui dit mieux ? La voix de la Sagesse qui nous vient de la nuit des temps et qui dit que « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » et « qu’à chaque jour suffit sa peine ». Dans cette sagesse, il n’a jamais été question d’aller se tuer à la tâche, tout comme il n’est question que de gagner son pain - le symbole d’une rétribution juste et honnête - et non de s’enrichir sur le dos de la société ou de la mondialisation, à l’instar de nos nouveaux rentiers qui, pour satisfaire leur soif illimitée de mandats en stocks, et des stocks de titres, sans parler du train de vie sultanesque, assujettissent des pays entiers et rendent les masses corvéables à merci.
Biographie succincte de l’auteur.
Je suis Docteur en Information et Communication de l’Université Lumière Lyon 2, depuis mai 1995. Je suis née au Cameroun le 24 août 1960 et je vis en France depuis Septembre 1985. En 2002, j’ai fondé l’association La Voie Lactée que je préside. Cette asssociation oeuvre pour une citoyenneté agissante dans le développement local et dans la coopération internationale. J’exerce des services d’Ecrivain Public et de conseil pour un public fragilisé au sein de l’association Voie Lactée. Je suis mère de deux enfants Claudia et Jeff.
Sources Journal Chrétien
Posté par Adriana Evangelizt