BRACELET ELECTRONIQUE POUR CHÔMEURS ?
La chasse aux chômeurs est donc ouverte. Comme il faut bien "rogner" quelque part pour la dette publique, ce sont bien sûr les plus petits qui en font les frais. Il faut voir les pressions que subissent les demandeurs d'emploi. Vendredi, nous avons accompagné une amie à l'ANPE car elle avait justement un rendez-vous pour une "mise au point". Elle est secrétaire trilingue et on lui a conseillé de faire des ménages si elle ne trouvait pas de travail dans sa branche. Donc si vous êtes ingénieur, vous devez prendre ce que l'on vous offre, balayeur pourquoi pas ? La surveillance accrue dont font les frais les chômeurs, la menace de suppression de leurs indemnités s'ils ne trouvent rien ressemble à un gros coup de bâton. Et pendant ce temps, la liste des RMISTES s'allongent et le travail au noir risque fort de se trouver en recrudescence. Voilà où mène la politique répressive sur les chômeurs... à quand le bracelet électronique pour les suivre à la trace comme s'ils étaient des délinquants ?
"A quand le bracelet électronique pour les chômeurs ?"
par Jean-Paul ROUSSET
Syndicats et associations s'alarment d'un décret publié samedi, qui donne au ministère de l'Emploi l'accès aux fichiers du fisc, en cas de soupçon de fraude.
Les chômeurs ont eu droit à leur cadeau de Noël de la part du gouvernement : un tour de vis supplémentaire. Publié avec bon goût le 24 décembre au Journal officiel, un décret permet désormais aux agents du ministère de l'Emploi chargés du contrôle des chômeurs de se procurer les documents de l'administration fiscale les concernant, «en cas de présomption de fraude». Une date de publication bien tardive, expliquée au ministère par la nécessité, du fait des échanges de données personnelles en prévision, de requérir l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Et aussi par l'abondance traditionnelle de textes publiés dans les derniers jours de l'année.
Concrètement, le décret signé par Dominique de Villepin, Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher modifie deux articles du code du travail. Ceux-ci détaillent les moyens dont disposent les agents publics chargés de pister les demandeurs d'emploi soupçonnés de fraude. Ainsi l'article R. 351-30 permettait-il déjà à ces agents, missionnés par le ministère du Travail, l'ANPE ou les organismes d'assurance chômage, de s'échanger les informations détenues par l'ANPE.
«Légitime». Le texte modifié permet maintenant à ces enquêteurs d'accéder aussi facilement aux données recueillies par les organismes de l'assurance chômage ou les «administrations sociales» qu'à celles de l'ANPE. Bonus pour les 162 inspecteurs et contrôleurs du travail, «agents relevant du ministre chargé de l'Emploi», ils pourront se faire communiquer par le fisc, «sur leur demande», tous les documents nécessaires pour faciliter leur contrôle s'ils pressentent un fraudeur.
Dans la ligne des mesures de renforcement du contrôle et du suivi des chômeurs prévues par la loi de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo votée fin 2004, ce décret a été jugé «légitime» par le porte-parole de l'UMP, Luc Chatel. Il était bien le seul. Dès la mi-journée, le décret a reçu un tir nourri de déclarations hostiles. «Personne ne soutient la fraude, c'est évident, mais sortir un décret facilitant le contrôle des chômeurs et surtout le croisement des fichiers, c'est inquiétant, il y a une forme de stigmatisation», a déploré le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly. Au PCF, on se scandalisait de voir le gouvernement ouvrir une «véritable chasse aux chômeurs» et instaurer «une véritable présomption de culpabilité et un climat de méfiance».
Le secrétaire confédéral de la CFDT, Rémi Jouan, jugeait, lui, ce texte «plus maladroit que menaçant» et regrettait surtout que le gouvernement ait touché au code du travail sans la moindre concertation. A la CFTC également, on estimait que le gouvernement en faisait un peu trop, dans le contexte actuel déjà lourd pour les chômeurs : renforcement de leur contrôle comme de celui de la recherche d'emploi.
«Persécution». Du côté des premiers concernés, on hésite entre abattement et grosse colère : «C'est une véritable persécution des chômeurs, quand d'autres sont systématiquement favorisés, par exemple avec une exonération d'impôt sur les plus-values boursières, peste Florian, militant d'Agir contre le chômage (AC !). On se demande où ça s'arrêtera : en Allemagne, on s'intéresse aux revenus des enfants des chômeurs, c'est consternant.» Fureur à la CGT chômeurs : «A quand le bracelet électronique pour surveiller le déplacement des chômeurs ?», explose son secrétaire général François Desanti. Pour le porte-parole d'AC !, c'est même une véritable menace : «C'est tout un dispositif qui doit se mettre en place le 1er janvier 2006, censé assurer un meilleur suivi des chômeurs, rappelle Marc Moreau, mais c'est surtout un ensemble d'outils coercitifs pour obliger à accepter n'importe quel boulot... notamment les emplois concoctés par le ministère du Travail.»
Reste à savoir comment collaborera l'administration fiscale. «Ce décret reste assez vague, la seule chose sûre est que le juge n'est plus compétent pour décider de l'accès aux données du fisc», commente Vincent Drezet. Pour le secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts, «la publication de ce décret est trop hâtive, tout ce qu'on retient, surtout si on replace ça dans le déroulement des dernières négociations Unedic, c'est qu'elle s'inscrit dans une logique sécuritaire».
«Infimes». Au ministère du Travail, on protestait hier vigoureusement contre la mauvaise interprétation de ce maudit décret, en n'osant avouer qu'il était mal venu. Et on minimisait sa portée : «On sait très bien que les montants des fraudes sont infimes ! Il ne s'agit pas de manier le bâton avec chaque chômeur, mais on ne peut pas non plus laisser s'installer des dérives : ces contrôles existent déjà pour les allocations familiales.» De fait, selon les chiffres de l'Unedic, 1,8 % des allocataires ont été sanctionnés de mars 2004 à février 2005. Au ministère, on allume le contre-feu en expliquant que pourront être détectées les fausses déclarations de situation familiale (revenus, enfants à charge, pensions...), de la présence de l'allocataire sur le sol français ou la réalité de son adresse. Ou encore sa disponibilité, pour dénicher ceux qui exerceraient une activité non déclarée.
Le 2 août, un autre décret mettait en place un système inédit de sanctions intermédiaires pour les chômeurs peu motivés par la recherche d'emploi, comme des réductions de 20 %, voire 50 %, du montant de l'allocation chômage. Et confirmait que le ministère du Travail a le dernier mot pour décider d'une radiation. Le décret du 24 décembre lui apporte donc une arme supplémentaire, même si elle est présentée avant tout comme dissuasive, pour mener à bien cette mission.
Sources : LIBERATION
Posté par Adriana Evangelizt