Sarkozy ou la politique de l’érection permanente
Là dur ! dur ! On voit comment il est perçu dans d'autres pays, c'est pas très glorieux.
Sarkozy ou la politique de l’érection permanente
par Antonio Morales Riveira
Pour l’éditorialiste colombien qui signe cet article, le pouvoir selon Nicolas Sarkozy est synonyme de jouissance “infinie, profonde, franche et massive”. Sans aucun sens du ridicule.
DE PARIS
Au milieu du siècle dernier, un éternel candidat frustré à la présidence colombienne, Darío Echandía, se demandait encore et toujours : “Le pouvoir, mais pour quoi faire ?” Apparemment, il n’a jamais eu de réponse à cette question et il est mort sans jamais avoir résolu son énigme. Aujourd’hui, le président français semble ne pas avoir le moindre doute : le pouvoir, ça sert à jouir, y compris au lit, avec des draps en désordre comme témoins des ébats amoureux. Sur l’échiquier politique mondial, il ne semble pas y avoir de chef d’Etat plus satisfait de l’être, d’homme qui tire un meilleur parti de l’exposition médiatique qu’implique sa charge, de mâle plus exultant sur le trône de ses conquêtes. Nicolas Sarkozy s’amuse beaucoup et veut montrer à quel point le pouvoir le remplit d’énergie pour mieux désirer et être désiré, pour faire de son mandat une fête permanente, une ivresse de lui-même, une érection.
En France et aux quatre coins du monde, le dernier épisode du bonheur sarkozien a déjà éclipsé ses précédentes jouissances. Son plaisir actuel est infini, profond, franc et massif. Grâce au pouvoir, précisément, le président est de nouveau amoureux : il a réussi à séduire Carla Bruni, une ex-top-modèle et chanteuse passable, très belle icône de la jet-set parisienne, au bras de laquelle il se promène depuis quelques semaines, au grand jour, dans la lumière des projecteurs, poursuivi par les caméras et les journalistes. Parce que le succès et le bonheur ne valent que s’ils se voient, se prouvent, s’étalent sous les yeux ébahis ou envieux du grand public, si prompt à l’identification.
Le monde a changé et Sarkozy le sait. Autrefois les histoires d’amour ressemblaient à des contes de fées. Aujourd’hui, les fées n’existent plus : elles ont été remplacées, même dans l’inconscient collectif des Français, par des icônes de supermarché qui racontent leurs histoires d’amour avec force détails. Et à cet égard, les bandes dessinées d’aujourd’hui valent tous les contes de fées d’antan.
Sachant cela, Sarkozy a choisi le décor parfait pour révéler sa nouvelle idylle : au bras de sa rayonnante compagne, il s’est laissé filmer dans un monde de fantaisie plein d’optimisme, de bons et de méchants, où la réalité est si facile, si infantile, si propice à la sensiblerie : Disneyland. C’est donc dans un environnement sinon faux, du moins falsifié, un monde virtuel, que Mickey Sarkozy a voulu vivre son idylle. Là, dans l’innocence d’un monde où les Américains envoient leurs propres enfants mais aussi tous les enfants du monde. Là, dans un univers bariolé et efficace où tout fonctionne à merveille, où la justice est vraiment juste et l’amour sirupeux, où l’on peut oublier que les adultes, eux, sont envoyés tuer des bad guys en Irak.
Mais évidemment, en homme de droite qui se respecte, Sarkozy refuse le concept de lutte des classes hérité du XIXe siècle. Son affaire à lui, c’est plutôt le concept préhistorique de “lutte des sexes”, en vertu duquel les mâles qui s’emparent d’un territoire florissant (en l’occurrence, la France) ont droit à toutes les femmes qu’ils peuvent entretenir. Et comme Sarkozy est à la fois un ploutocrate et un démocrate, pour lui, qui dit plus de pouvoir dit plus de femmes. Avec ou sans Carla, Sarkozy aura toujours sous la main quelques belles journalistes de la presse parisienne qui n’hésiteront pas à profiter de sa grotte richement garnie.
Le deuxième chapitre du soap opera entre Nicolas et Carla s’est déroulé fin 2007 sous d’autres cieux. Le président a choisi le décor fastueux (et donc hollywoodien) de Louxor en Egypte. Le plus beau temple de l’antiquité, Karnak, et les tombes des pharaons ont servi de décor à une nouvelle ronde de sourires, de promenades main dans la main, le tout, évidemment, en présence de cameramen et de photographes. Un décor digne de quelqu’un qui s’aime autant que Nicolas Sarkozy, et, au-delà même de la grande histoire des pharaons, un lieu tout bêtement divertissant. En somme, après avoir appris que Sarkozy apprécie comme personne le bonheur et le plaisir que procure le pouvoir, nous venons de découvrir qu’il n’a aucun sens du ridicule.
Les Français se demandent à bon droit ce que va leur coûter le voyage de Sarko en Egypte, avec ses vingt chambres louées dans un hôtel de luxe et ses avions de chasse escortant le jet présidentiel. Parce qu’à l’aller Sarkozy et Carla ont voyagé à bord d’un jet privé appartenant à Vincent Bolloré, l’homme d’affaires à la tête d’un institut de sondages [il détient 40 % de CSA] qui continue de placer Sarkozy au premier rang des personnalités préférées des Français. La première place : la seule qui vaille pour un homme qui s’agite comme une marionnette, avance comme un char d’assaut et aime certainement comme une machine à sous. Car enfin, seuls les chanceux gagnent le gros lot. Les autres regardent Nicolas Sarkozy triompher à la télévision.
Sources : Courrier International
Posté par Adriana Evangelizt