Martinon, lancé en octobre, lâché en février

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Martinon, lancé en octobre, lâché en février

 

par Marie Guichoux avec Antoine Guiral

 

 

David Martinon, parachuté par Sarkozy dans son fief de Neuilly, est lâché par l’Elysée. En pleine période de doute électoral à l’UMP.


Le meurtre a eu lieu en plein jour. A 13 heures, hier, sur le boulevard ensoleillé de l’avenue du Roule, non loin de l’hôtel de ville de Neuilly, Jean Sarkozy, fils cadet du Président, signe l’arrêt de mort : «Quand on va dans le mur en klaxonnant, mieux vaut changer de direction.» Intronisé au mois d’octobre tête de liste UMP pour la municipale de Neuilly par le père, le porte-parole de l’Elysée, David Martinon, vient de périr par le fils. Au nom du père, amen.

Catastrophé à l’idée que son porte-parole puisse être mis en difficulté, voire être battu, dans «sa» ville, Nicolas Sarkozy a choisi de le lâcher en rase campagne. Du jamais vu à quatre semaines de l’échéance. Et l’on imaginait mal Martinon embarquer dans l’avion présidentiel pour le déplacement que le Président effectue à partir d’aujourd’hui en Guyane. Sentiment confirmé par l’Elysée hier soir. Son éviction du poste de porte-parole paraît inéluctable à moyen terme.

L’opération de liquidation a été conduite de l’Elysée même, Claude Guéant, son secrétaire général, portant l’estocade. Elle en dit long sur la panique qui règne en Sarkozie à la vue des sondages qui dévissent. Elle charrie, aussi, des parfums de vendetta… C’est, en effet, à Cécilia ex-Sarkozy que David Martinon, 38 ans, devait sa bonne fortune à Neuilly. Un cadeau en or pour un néophyte en politique et la promesse d’une élection dans un fauteuil. Mais voilà que les Neuilléens se cabrent devant ce parachuté qui n’est même pas né dans «notre village», comme ils disent. En octobre, la fédération UMP, tout acquise au premier adjoint Arnaud Teullé, accueille, elle, l’impétrant aux cris de «Martinon non ! non !» sitôt que Sarkozy, venu l’imposer, a tourné les talons. Et en sous-main, le travail de sape commence.

«Trahison»

Il faut dire que Martinon y met du sien. «Notre travail, lance-t-il dans une soirée de Jeunes UMP en janvier, sera d’avoir la confiance des vieux.» Les «vieux», et ils sont légion, apprécient modérément. Sur les marchés, le style n’y est pas non plus. Le candidat, contrairement aux coutumes en vigueur, ne concède pas le moindre achat aux commerçants. Et d’expliquer benoîtement : «Ma compagne a déjà fait les courses…» Pour sauver le soldat Martinon, Nicolas Sarkozy le fait dans un premier temps chaperonner par Patrick Devedjian, patron des Hauts-de-Seine et de l’UMP, et sort son joker : son fils Jean, 21 ans, né à Neuilly et dont la gestuelle comme les intonations rappellent papa. Le fils sera sur la liste, il séduit. Mais rien n’y fait. La campagne n’embraye pas, Neuilly grogne et commence à se laisser conquérir par un chef d’entreprise du nom de Jean-Christophe Fromantin…

Maintenant, il faut liquider le soldat Martinon. Et fissa. L’opération a pris corps la semaine dernière. Elle est orchestrée par Jean Sarkozy, allié en la circonstance au clan des amis historiques du chef de l’Etat : Pierre Charron, homme des réseaux du showbiz, et Frédéric Lefebvre, député et homme lige de Sarkozy dans les Hauts-de-Seine. C’est que, depuis le divorce et le départ de Cécilia, les choses ont changé à la cour. Celle-ci bruisse de «la méchanceté» de l’ex-première dame. «Jean le cadet avait pris ses distances à cause d’elle», assure un connaisseur du premier cercle. Les amis historiques, hier bannis de la campagne présidentielle par Cécilia (au motif qu’ils lui avaient fait défaut pendant son escapade amoureuse avec Richard Attias à New York), sont désormais aperçus à l’Elysée. Et ils n’ont pas oublié. «A la Libération, il y a eu des tondeuses», lâche l’un d’eux. «On ne peut pas faire son chemin sur la fourberie et la trahison», glisse un autre. Dans le viseur ? Martinon. Seul désormais, sans sa protectrice… Mais c’est Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, qui donne le coup de grâce, avec la bénédiction du Président. Samedi matin, le Figaro publie un écho indiquant que Martinon est sur le point de renoncer à conduire la liste. S’appuyant sur un sondage non rendu public qui créditerait Fromentin de 45 % et Martinon de 40 %, le quotidien annonce que Marie-Cécile Ménard, deuxième sur la liste et conseillère générale du canton sud, où elle a succédé à Nicolas Sarkozy, prend la tête de liste. Derrière cette publication, Claude Guéant est à la manœuvre. C’est une indiscrétion on ne peut plus officielle… Elle déclenche une tornade médiatique et les plus folles vingt-quatre heures que Neuilly a connues depuis longtemps.

Qui a commandé ce sondage à l’institut BVA ? Pendant que les uns et les autres brouillent les pistes, l’équipe Martinon panique. Annonce une conférence de presse pour 14 heures samedi. Y renonce à la demande de l’Elysée. «Martinon est débranché», souffle-t-on. En soirée, une réunion se tient autour de Nicolas Sarkozy, avec apparemment les trois colistiers de Martinon, Arnaud Teullé, Marie-Cécile Ménard et Jean Sarkozy. Mais de Martinon, point. Refuse-t-il de s’incliner ? Rien ne filtre de la partie qui se joue, mais toujours est-il que son équipe de campagne donne rendez-vous à la presse sur le marché dimanche matin…

«Fait du roi»

Jolie matinée. Si les rues sont ensoleillées, les électeurs, eux, sont maussades. «Les Neuilléens votent à droite, mais ils votent là où ils veulent», déclare en chœur un couple. «Ce monsieur n’est pas séduisant», ajoute Geneviève à propos de Martinon, avant de se lâcher carrément : «Ça commence à m’énerver ces magouilles politiques.» Pas un électeur qui ne vole au secours du parachuté. Tous disent leur attachement à Nicolas Sarkozy, mais celui-ci s’est relâché. «Les gens en ont assez du fait du roi, assure Françoise. Qu’il fasse plutôt baisser le prix du lait et du reste.» «Et puis, reprend Geneviève, ça me dérange cette nouvelle première dame qu’on voit nue partout, sur Internet, alors qu’elle est censée nous représenter dans les déplacements internationaux.»

La tête de liste est annoncée, son directeur de campagne, Olivier Babeau, assure dans un communiqué à 9 h 30 que Martinon «était ce matin en petit-déjeuner d’appartement avec des Neuilléens. Le programme ne change pas». Il se maintient, donc. Une nuée de caméras et de journalistes l’attendent de pied ferme rue Madeleine-Michel quand une heure plus tard, l’information claque, venue de l’AFP : «Nous avons décidé de conduire la liste de rassemblement à Neuilly, afin de faire cesser les divergences au sein de la majorité présidentielle sur notre commune.» Le communiqué est, cette fois, signé de Marie-Cécile Ménard, Arnaud Teullé et Jean Sarkozy. Il a été envoyé depuis la boîte mail de ce dernier. David Martinon est officiellement lâché par ses amis.

Et dans un contretemps inouï, le voilà qui apparaît. Qui s’avance boulevard du Roule. Somnambule au sourire figé, il vient se cogner aux caméras comme un papillon aveuglé par la lumière. Il ne veut pas répondre aux questions, il a juste gardé son masque de campagne. Il tourne les talons, s’enfuit. La troupe joue à saute-mouton entre les bancs, les chiens tenus en laisse et les voitures. Est-il venu chercher le réconfort de quelques-uns ? Une poignée de militants crient des «David à la mairie», des «Martinon, oui, oui». Un couple digne l’encadre. Et l’exfiltre dans un 4x4 Mercedes, place Winston-Churchill.

«Le plus légitime»

Une heure plus tard, au même endroit précisément, les trois remplaçants surgissent : Marie-Cécile Ménard, Arnaud Teullé et Jean Sarkozy. Ils parlent de «désaccords», disent que «David est un ami» dont «ils se désolidarisent», ils ne veulent rien dire de l’énorme couac qui vient de se produire sous les yeux ahuris des habitants et de la presse. Alors qu’ils embarquent dans le bus 43, ligne Neuilly-Bagatelle, un militant se lance devant les micros : «C’est vrai que Martinon a perdu 40 points en quatre mois… Enfin, il faut vérifier… Mais pour moi, Arnaud Teullé est le plus légitime pour conduire la liste.» Et moi, Jean Sarkozy. Et moi, Marie-Cécile Menard… Le secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, a annoncé qu’il tiendra ce soir une réunion d’où sortira le nom du nouveau chef defil.

Sources Libération

Posté par Adriana Evangelizt

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