M. Sarkozy et M. Fillon se renvoient la responsabilité des couacs gouvernementaux
M. Sarkozy et M. Fillon se renvoient la responsabilité
des couacs gouvernementaux
par
Christophe Jakubyszyn et Philippe Ridet
C
De son côté, le chef du gouvernement s'interroge à haute voix. Sur le rôle de l'Elysée : concernant la carte Familles nombreuses, Matignon a beau jeu de souligner que c'est de là-bas qu'a été pilotée la révision générale des politiques publiques. Sur l'autorité même du chef de l'Etat : commentant les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet, sur "les lâchetés" de ses pairs, le premier ministre fait remarquer que sa secrétaire d'Etat à l'écologie assistait, la veille de l'incident, à un petit-déjeuner des ministres sarkozystes - dont il n'était pas - au cours duquel le président avait réclamé davantage de solidarité. Et M. Fillon de conclure : "Les messages du président doivent être répétés plusieurs fois pour être compris, même de ses plus proches supporteurs."
Pour l'heure, rien ne change. "Sarkozy n'aime pas tuer", explique un de ses visiteurs. Le chef de l'Etat en a-t-il seulement les moyens, face à un premier ministre soutenu par sa majorité et par l'opinion ? "J'aime sentir que le message passe", confiait le chef du gouvernement, le 11 avril au Japon. De son passage sur TF1 le 30 mars, il a retenu les "nombreux" SMS reçus après sa prestation : "Quand on a le sentiment d'être entendu, c'est plus agréable que l'inverse." Et les sondages ? "Ce serait malhonnête de dire que je ne les regarde pas", confie-t-il.
M. Sarkozy ne les ignore pas non plus. Mercredi 16 avril, alors que le chef de l'Etat a mis en garde ses ministres après une série de "couacs", il a pris soin d'associer son premier ministre : "François et moi estimons que ça suffit !"
MM. Fillon et Sarkozy n'ont jamais été amis. Les sarkozystes remarquent que le premier n'a rejoint le second qu'après son éviction du gouvernement en 2005. Autant dire hier... Un proche des deux hommes explique : "Tout s'est détérioré quand Fillon à dit en Corse, en septembre 2007 : "Je suis à la tête d'un Etat en faillite". Ce n'est pas le mot de "faillite" qui a provoqué Sarkozy, mais l'expression "à la tête"." Autre explication avancée à l'UMP : en mal d'ennemis, M. Sarkozy cultiverait une rivalité avec son premier ministre pour se galvaniser... "François et moi nous avons nos désaccords mais ce n'est rien par rapport à ce qui se passait entre moi et Chirac ou entre Chirac et Giscard", a confié le chef de l'Etat, mercredi. Presque un regret...
En attendant, M. Sarkozy s'essaye à l'art mitterrandien de la gestion par la rivalité, faisant émerger un potentiel successeur à son premier ministre : aujourd'hui Xavier Bertrand, demain peut-être un autre. Les députés s'en amusent : "Tu viens de faire un pas vers Matignon car Fillon a été brillant", a glissé à M. Bertrand, le député (UMP) du Morbihan, François Goulard après la réponse du premier ministre à la motion de censure socialiste. A l'Elysée un conseiller assure que le chef de l'Etat "ne déteste pas Fillon parce qu'il sait quand et par qui le changer". Il poursuit : "Mais ils doivent se séparer bons amis. C'est essentiel pour l'opinion publique et la majorité."
En attendant, il faut donner le change. François Fillon détestait naguère qu'on l'interroge sur sa relation avec Nicolas Sarkozy. Désormais, il en joue : "On a écrit le programme ensemble, on met au point le calendrier ensemble. La seule question qui vaille, c'est : est-ce que le premier ministre fait son boulot, des réformes, coordonne la majorité ?" Justement, Nicolas Sarkozy en doute.
SourcesLe Monde
Posté par Adriana Evangelizt