Mise en examen de Jean-Louis Gergorin
Mise en examen de Jean-Louis Gergorin dans l'affaire Clearstream par Thierry Lévêque PARIS - L'ancien vice-président d'EADS Jean-Louis Gergorin a été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour "faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse" et laissé en liberté sous contrôle judiciaire dans l'affaire Clearstream, apprend-on auprès de ses avocats. Après un débat contradictoire, un juge des libertés a refusé le placement en détention qu'avaient demandé les juges d'instruction, mais que n'avait pas soutenu le parquet. Le paiement d'une caution de 80.000 euros lui a été imposé. Ce proche de Dominique de Villepin est soupçonné d'avoir falsifié des listings de comptes de la société financière luxembourgeoise Clearstream pour compromettre diverses personnalités et de les avoir remis sous couvert de l'anonymat à la justice au printemps 2004. Présenté aux juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons après deux jours de garde à vue à la police financière, il a été interrogé durant huit heures, en présence de ses avocats, Paul-Albert Iweins et Thierry Dalmasso. Il admet avoir remis en 2004 tous les courriers prétendument anonymes arrivés chez le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke, à l'exception d'un, contenant les listings, mais se dit de bonne foi, assurant que ces listes lui ont été remises par une tierce personne, qu'il ne veut pas nommer. Il estime que Clearstream reste suspecte et souhaite des vérifications plus approfondies sur les listings, ont dit à la presse ses avocats. "Cet homme est persuadé que l'affaire Clearstream est une véritable affaire, que les listings correspondent à une réalité", a dit à la presse Me Iweins. "Il persiste à penser que les vérifications faites jusqu'à maintenant sont insuffisantes. Il n'a qu'une envie, c'est de sortir de cette affaire", a ajouté l'avocat. "FAUX ET USAGE DE FAUX" Le procureur de Paris a accepté mercredi, à la demande des juges d'instruction, d'étendre leur saisine, jusqu'ici limitée à la "dénonciation calomnieuse", aux faits de "faux et usage de faux", a-t-on appris au parquet. Jean-Louis Gergorin avait déjà admis dans plusieurs interviews à la presse être l'auteur de dénonciations au juge Van Ruymbeke. Ces lettres prétendaient donner au magistrat la clef d'un scandale de corruption lié à une vente de frégates militaires par Thomson à Taïwan en 1991. Les faux listings faisaient état de 895 comptes bancaires occultes de Clearstream et paraissaient compromettre des industriels, des policiers, des magistrats, des artistes comme Laetitia Casta et plusieurs personnalités politiques, dont Nicolas Sarkozy. Les enquêteurs pourraient désormais s'intéresser à Imad Lahoud, ex-employé d'EADS qui a lui-même obtenu en mars 2003 du journaliste Denis Robert des listings de comptes sans noms de Clearstream, selon une déposition de Denis Robert. AMI DE VILLEPIN Les avocats de certaines parties civiles estiment que Jean-Louis Gergorin est le suspect principal de la falsification et notent que les premiers noms des faux listings sont ceux de ses ennemis dans le monde industriel, comme l'ancien P-DG de Thomson (devenu Thales) Alain Gomez. Polytechnicien, énarque, entré au groupe Lagardère en 1984, Jean-Louis Gergorin, 60 ans, est sous le coup d'une procédure de licenciement engagée par EADS après ses aveux dans la presse. Leur saisine élargie, les juges peuvent explorer d'autres épisodes de l'affaire, où apparaît son ami Dominique de Villepin, rencontré au Quai d'Orsay dans les années 80. La procédure a en effet établi qu'en janvier 2004 Jean-Louis Gergorin lui a transmis les faux listings, alors que Villepin était ministre des Affaires étrangères. Dominique de Villepin a ensuite confié une enquête officieuse au général Philippe Rondot, qui a conclu presque aussitôt que les listings étaient faux. Cette conclusion n'a pas été communiquée au juge Van Ruymbeke, qui a lancé des vérifications judiciaires à l'étranger, visant notamment Nicolas Sarkozy. Elles n'ont révélé la supercherie que fin 2005. En juillet 2004, Dominique de Villepin, passé à l'Intérieur, a commandé une autre enquête à la DST. Elle est parvenue aussitôt aux mêmes conclusions de falsification, sans que le juge Van Ruymbeke en soit davantage informé. Nicolas Sarkozy a estimé qu'il était la principale cible de la manipulation mais Dominique de Villepin assure avoir lancé l'enquête uniquement pour vérifier s'il existait ou non un scandale Clearstream. Sources : Libération Posté par Adriana Evangelizt