Obama sera-t-il de taille à affronter le lobby sioniste ?
John Mearsheimer y voit clair. Et nous aussi.
Barack Obama peut-il faire avancer la paix
au Proche-Orient ?
Grand théoricien de l’école "réaliste" dans les relations internationales, John J. Mearsheimer a coécrit, avec Stephen M. Walt, Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine (1). Il est pessimiste sur la capacité de Barack Obama à imposer ses vues à Israël
John J. Mearsheimer, Professeur de science politique à l’université de Chicago
"Il ne fait pas de doute que l’administration Obama veut augmenter la pression sur Israël pour faire avancer le processus de paix. Je ne parle pas seulement d’arrêter la construction de colonies mais aussi de les démanteler pour créer un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Jusque-là, Barack Obama a poursuivi une politique très intelligente. Reste à voir jusqu’où il pourra aller et s’il sera de taille à affronter le lobby pro- israélien dans son pays.
Depuis 1967, tous les présidents américains se sont opposés à la construction des colonies juives dans les Territoires occupés mais aucun d’entre eux n’a réussi à exercer une pression suffisante sur Israël pour l’arrêter et créer un État palestinien dans les Territoires occupés. La raison principale de cette impuissance, c’est le poids du lobby pro-israélien dans les relations entre les États-Unis et Israël.
Couper dans l’aide financière américaine
Une pression sérieuse sur Israël impliquerait de couper dans l’aide financière américaine qui s’élève à plus de trois milliards de dollars par an et de refuser de soutenir systématiquement Israël au Conseil de sécurité de l’ONU en opposant le veto américain aux résolutions condamnant Israël. La question clé pour l’avenir est de savoir si Barack Obama peut mobiliser un large soutien au sein de la communauté juive américaine en faveur d’une solution à deux États, une solution qui est dans l’intérêt d’Israël comme des États-Unis.
L’ancien premier ministre israélien Ehoud Olmert a affirmé que si Israël n’acceptait pas la solution à deux États, il finirait dans une situation d’apartheid similaire à celle de l’Afrique du Sud quand elle était dirigée par les Blancs, et que ce serait la fin de l’État hébreu parce qu’un tel État perdrait le soutien des États-Unis. Tout dépendra du rapport de force entre les extrémistes et les modérés à l’intérieur de la communauté juive américaine. Il ne faut pas sous-estimer l’opposition profonde des leaders du lobby pro-israélien, de même que celle de sa composante sioniste chrétienne, à toute concession territoriale aux Palestiniens.
Si ces éléments radicaux prévalent, Barack Obama ne pourra pas faire pression sur Israël. J’espère me tromper mais si j’avais à parier, je dirai que le lobby pro-israélien l’emportera, que la construction des colonies continuera et qu’Israël finira comme un État d’apartheid. Ce serait une tragédie."
Recueilli par François D’ALANÇON
(1) éd. La Découverte, 2009, 12 €.
Sources La Croix