Sarkozy ignore les internes mais pas le profit
Sarkozy ignore les internes mais pas le profit
par Laure Espieu
Santé •. Hier, à Bordeaux, le président de la République a donné les grandes orientations de la réforme de l’hôpital.
Elle avait mis sa blouse, comme tous les autres futurs médecins venus manifester, hier, devant le CHU de Bordeaux lors de la visite de Nicolas Sarkozy. Quand il est passé, elle a crié bien fort un «c’est dégueulasse» rageur. Le Président a croisé son regard et foncé sur elle, entraînant l’essaim des journalistes. Liza ne s’y attendait pas et, de saisissement, en a perdu ses mots. «C’est facile, pointe la jeune étudiante encore flageolante, il a compris qu’en venant vers moi avec toutes ces caméras, il allait me déstabiliser.» Mais pour la délégation nationale regroupant les cinq syndicats d’étudiants et de jeunes médecins, Nicolas Sarkozy n’aura pas une seconde. «Il n’est pas près d’ouvrir le dialogue», fulmine Olivier Mir, président de l’intersyndicale et contenu derrière les barrières avec 500 internes en colère. A leur demande d’entrevue, les délégués se sont vus opposer un refus pur et simple.
«Manipuler». Il aura fallu que Gabriel Ko, vice-président du syndicat national des internes, force le passage lors de l’arrivée du Président à la mairie pour gagner son accès à l’entrevue suivante. Pourtant, après la visite du centre de régulation, Sarkozy recevait effectivement des étudiants grévistes, mais uniquement issus des associations locales. Procédé «choquant», pour l’une des participantes, qui s’interroge: «Dans la mesure où les représentants nationaux sont mieux armés pour dialoguer, on se demande s’il ne nous a pas choisis parce que nous étions plus faciles à manipuler.»
Au terme d’une vingtaine de minutes de discussion, les internes ressortent avec le même sentiment de «blocage». Aucune avancée sur les articles dont ils demandent la suppression. Seule concession, Sarkozy a annoncé qu’ils seraient désormais «associés aux négociations». «J’entends leurs inquiétudes, affirme-t-il dans son discours prononcé au CHU, mais je veux leur dire qu’ils peuvent, qu’ils doivent avoir confiance en l’avenir.» «La négociation conventionnelle ne deviendra exécutoire qu’après consultation de ces représentants», a-t-il précisé. Et de renouveler son attachement à «la liberté d’installation», «principe fondateur de notre médecine libérale».
Rentabilité. Lors de son intervention, le chef de l’Etat a aussi tracé les grandes lignes pour la modernisation de l’hôpital public. Il plaide pour «l’autonomie de gestion» et une «réorganisation territoriale». «Je veux donner de l’air à l’hôpital», explique-t-il. Ce qui passe par la tarification à l’activité à 100 % pour les courts séjours, dès 2008. Une mesure ensuite élargie aux moyens séjours et aux établissements psychiatriques. Sarkozy réclame le «retour à l’équilibre des comptes d’exploitation», et en appelle pour cela à une «révolution managériale». «Je veux que le directeur soit le patron reconnu, le seul», explique-t-il. La fonction sera ouverte aux managers externes. Et les chefs d’établissement pourront «décider librement de transférer au privé des activités logistiques qui ne sont pas au cœur des missions de l’hôpital». Un discours très focalisé sur la rentabilité. Où il est beaucoup question de «performance». Mais rien de concret en matière d’accès au soin ou de qualité d’exercice pour les praticiens. Une commission conduite par Gérard Larcher a été installée hier. C’est elle qui sera chargée de la concertation sur les missions de l’hôpital. Synthèse au printemps.
Sources Libération
Posté par Adriana Evangelizt