Sarkozy fait son show écolo

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Sarkozy fait son show écolo

par GUILLAUME LAUNAY et LAURE NOUALHAT

Un casting de rêve pour une superproduction franco-européo-hollywoodienne. Deux Nobel de la paix, un président de Commission européenne, des ministres en pagaille et du lobbyiste de haut vol… Le réalisateur Sarkozy avait tout prévu hier pour clôturer «son» Grenelle. Y compris l’arrière-plan tout en verdure des jardins de l’Elysée.

Cravaté en vert pour la circonstance, José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a ouvert les festivités, gage de compatibilité européenne du Grenelle. Puis Al Gore, co-prix Nobel de la paix 2007 avec les scientifiques du Giec (Groupe d’experts sur le climat), a assuré la partie américaine du green-show, appelant de ses vœux un Grenelle mondial. «Je veux que dans une génération, nos enfants regardent 2007 comme l’année de l’action.»

Mais le clou du spectacle, c’était Sarkozy lui-même, lancé dans un discours à faire pâlir d’envie les écolos les plus convaincus. Le président n’a éludé aucun des sujets qui fâchent, donnant des réponses précises sur les pesticides, le nucléaire, et, bien sûr, la fiscalité. Il ne s’est pas épargné des détails d’écolo profond, telle que la suppression des simples vitrages et des ampoules à incandescence. Il a même renvoyé Jacques Attali à ses études en défendant ardemment le principe de précaution : «proposer sa suppression au motif qu’il bride l’action repose sur une profonde incompréhension. C’est un principe de responsabilité.» Jusqu’à reconnaître que «notre modèle de croissance est condamné». Et le président de faire son marché parmi les mesures issues du Grenelle. Surtout, Sarkozy s’inscrit déjà dans la prochaine étape : en juillet 2008, la France prendra la tête de l’Union européenne et elle entend être exemplaire sur les questions environnementales. «La France n’est pas en retard, mais elle veut désormais être en avance.»

Ce succès d’image ne doit pour autant masquer la précipitation qui a dominé la seconde journée de négociations. Après avoir fini avec deux heures de retard mercredi, les négociateurs se sont retrouvés dès potron-minet hier au ministère, boulevard Saint-Germain. Au menu : pesticides, OGM, agrocarburants, biodiversité, gouvernance, publicité… Démarrage à 7h30 avec l’obligation de rendre la copie à Sarkozy en début d’après-midi. Les sujets filent. A 10 heures, victoire sur les pesticides, les collèges tombent d’accord sur une division par deux sur 10 ans et enchaînent les discussions sur la fameuse trame verte, devant relier les espaces naturels français. Mais voilà qu’à midi, les SMS de panique sortent de la salle de négociations : la FNSEA demande à revenir sur la décision et obtient qu’il n’y ait plus de date butoir pour cette mesure. Sorti s’expliquer devant les journalistes, Jean-Michel Lemétayer, patron de la FNSEA est très clair : «l’agriculture française est dans l’Europe, et même dans le monde, nous ne voulons pas de mesures qui nuiraient à notre compétitivité.»

Les ONG encaissent et s’inquiètent des petits aménagements et autres «nuances dangereuses» qui perturbent les discussions. Il était midi passé quand les OGM sont arrivés sur la table. Borloo a tout de suite accepté l’usage de la clause de sauvegarde pour geler les cultures de maïs Mon 810 (de Monsanto) jusqu’à l’élaboration de la loi. Mesure qui arrange tout le monde -les agriculteurs ne semant pas durant l’hiver- et qui permet de renvoyer le débat à l’Assemblée en janvier.

Il est temps pour Borloo d’improviser une conférence de presse chaotique pour clore le dossier agriculture avant d’entamer la partie consacrée à la gouvernance écologique. Interrompue en plein vol, la séance et les dernières questions qui fâchent sont remises à ce matin. Il est temps de rejoindre le palais de l’Elysée. Les négociateurs montent sagement dans des bus pour assister au bouquet final prévu par Sarkozy.

Mais au fil de cette journée marathon, un absent s’est particulièrement fait sentir : l’argent. Comment sera financé le Grenelle ? Même si certaines des mesures ne coûtent rien, d’autres (bâtiment, agriculture, transports…), en revanche ont besoin d’un fort soutien financier. Mais le générique de fin du Grenelle va encore attendre : les comités de pilotage doivent chiffrer la fameuse révolution écologique. Et le passage par les principes de réalité de Bercy risque de faire des dégâts. Rendez-vous mi-décembre pour la présentation du programme et de la facture.

Sources Libération

Posté par Adriana Evangelizt

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