Le pari risqué de Dominique de Villepin
Dominique de Villepin fait le pari risqué du "changement" en vue de 2007
par Nathalie Schuck
Dominique de Villepin au milieu du gué : à 15 mois de la présidentielle, le Premier ministre fait le pari risqué du "changement" en s'attaquant à la citadelle du contrat de travail avec le contrat première embauche, au risque de se mettre à dos jeunes et syndicats. Au final, le débat en cours à l'Assemblée sur le CPE pourrait rester comme un virage dans la course élyséenne.
Les jeunes "veulent que cela change, ils veulent que les choses bougent", "cela fait 20 ans qu'ils attendent des solutions" et "des résultats", s'est défendu le Premier ministre lors des questions à l'Assemblée, renvoyant la gauche dans le camp des conservateurs. "On peux faire croire aux Français que la sécurité, c'est de ne pas changer, que c'est le statu quo, mais la vérité c'est que la sécurité pour les Français dans l'emploi passe par des changements".
Un pari audacieux : en s'attaquant à l'idée que tout a été tenté contre le chômage, en envisageant de remanier le sacro-saint CDI et en brisant l'adage qui veut qu'un gouvernement ne peut plus réformer avant les élections, il espère convaincre les Français de sa "détermination" sur la question clé de l'emploi. Ce qui lui ouvrirait un boulevard pour 2007. Manière, aussi, de couper l'herbe sous le pied de Nicolas Sarkozy en reprenant l'idée de la "rupture".
Le risque, majeur : se mettre à dos une partie de l'électorat, dont les jeunes. Alors que 10 à 40.000 manifestants défilaient à Paris à l'appel des syndicats et des mouvements de jeunesse, le Premier ministre a voulu montrer qu'il était à l'écoute, tout en restant inflexible dans son combat pour l'emploi. "J'écoute ceux qui manifestent, mais j'écoute aussi ceux qui ne manifestent pas. J'écoute ceux qui désespèrent de pouvoir trouver un emploi stable", a-t-il lancé. Nous avons "rendez-vous avec l'emploi!".
Mis à l'épreuve dans la rue, Dominique de Villepin a aussi dû affronter le feu des critiques de la gauche à l'Assemblée lors d'une séance de questions digne d'une campagne électorale. "Retirez le CPE!", ont exigé en choeur Jean-Marc Ayrault (PS) et Alain Bocquet (PCF). "Vous avec le droit d'être libéral, vous n'avez pas le droit d'être menteur", a tancé Eric Besson (PS). "Ce serait tellement plus facile de ne rien faire, tellement plus facile de ne pas risquer les amalgames, les pancartes", a répliqué Jean-Louis Borloo (Emploi).
Peu après, les députés ont repris leurs discussions sur le projet de loi égalité des chances avec l'examen du controversé amendement gouvernemental créant le CPE. La semaine passée, en raison des manoeuvres dilatoires de la gauche, ils n'avaient adopté que deux articles en 22h30. Aussi Dominique de Villepin a-t-il laissé flotter dimanche la menace de recourir à l'article 49-3, qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans débat ni vote en engageant sa responsabilité à l'Assemblée.
Une hypothèse qui semblait toutefois s'éloigner mardi, sans être totalement exclue. Dans la matinée, l'Assemblée a en effet décidé de prolonger les débats ce week-end si nécessaire, fait rare. De plus, il ne restait que 440 amendements à examiner, loin des "murs d'amendements" déposés par le passé. Enfin, Jean-Louis Borloo a laissé entendre que le gouvernement voulait mener les débats à leur terme : "Nous irons au bout des questions", a-t-il assuré.
Pour autant, la majorité n'écarte pas un recours au 49-3 si l'opposition continue "l'obstruction". Il faudrait pour cela que le conseil des ministres donne son feu vert mercredi. Le Premier ministre viendrait alors à l'Assemblée pour poser la question de confiance. "La clé du déroulement des débats est entre les mains de l'opposition", a prévenu le chef des députés UMP Bernard Accoyer.
Consciente qu'elle n'a guère de chance d'obtenir le retrait du CPE, la gauche se préparait à défendre pour la forme dans la soirée une rafale de sous-amendements et faisait planer la menace d'une motion de censure. Résignée, elle a préféré profiter de cette tribune pour défendre ses projets pour 2007. Souvent absent des débats dans l'hémicycle, le présidentiable Laurent Fabius ne s'y est pas trompé: il était au premier rang.
Sources : NOUVEL OBSERVATEUR
Posté par Adriana Evangelizt