Le luxe discret du pouvoir
Travaillez plus, certes... quand on lit cet article, on comprend pourquoi. Ce gouvernement réduit le personnel de l'enseignement, par exemple, mais ils ne sont pas radins pour embaucher des conseillers plus qu'il n'en faut. Du temps de Chirac, il y en avait 364, ils sont maintenant 538. Et encore on ne sait pas tout car le plus grand mystère règne sur les organigrammes. Le nombre des conseillers pour l'Elysée reste secret et certains ont des attributions floues. Ce serait le cas de Klarsfeld nommé "conseiller auprès du Premier ministre". Interrogé sur ce travail à Matignon, Arno Klarsfeld s'est montré très vague : "Je m'occupe des dossiers généraux (...) Aucun domaine ne m'est affecté en particulier"
a-t-il déclaré au journaliste du Point sur son portable en se balladant en vélo. Le projet de loi de finances accorde 528 millions d'euros de crédits juste pour Matignon. Une paille ! Il est à noter que Raffarin a fait augmenter de 70 % le salaire des membres du gouvernement alors que les smicards se sont vus alloués 20 cents en plus par heure ! Et on ne parlera pas des 10 000 euros de Sarkozy, pourquoi se priver ? Non, là il va falloir qu'ils arrêtent parce que franchement, ça ne peut plus continuer. On se croirait revenu au temps de Louis le quatorzième. La même chose. On se vautre dans le lucre et le luxe sur le dos du Peuple qui, lui, crève la dalle. Voilà l'Intérêt général.
Lire en complément :Combien y-a-t-il de collaborateurs à l'Elysée et à Matignon ?
Le luxe discret du pouvoir
par Denis Demonpion
Voitures, avions, repas, émoluments, primes et logements de fonction. Enquête sur le train de vie d'un Etat « en faillite », comme dit François Fillon.
A Matignon, quand le Premier ministre invite dans ses salons privés, c'est fromage et dessert. « Uniquement lorsque j'ai des journalistes à ma table », précise François Fillon, manière de souligner que les hommes politiques ne sont pas seuls à profiter des privilèges qu'offre la République. Au-delà de ces propos de circonstance, les services du Premier ministre qui centralisent les dépenses de chacun des ministères auxquels ils allouent les enveloppes budgétaires renâclent, malgré les déclarations d'intention sur la nécessité de transparence du train de vie de l'Etat, à passer des paroles aux actes. « Si vous en êtes à compter les crayons et les gommes, où va-t-on ? » s'énerve Myriam Lévy, journaliste devenue conseillère chargée de la communication du Premier ministre, quand on cherche à tout savoir sur Matignon, combien de voitures, d'avions, de repas servis quotidiennement, et quels sont les émoluments des uns et des autres.
Pourtant, au lendemain de sa phrase choc sur l'Etat en « faillite sur le plan financier », François Fillon assurait sur RTL : « Nous avons décidé de plafonner les dépenses des ministères . » Se gardant toutefois de préciser si ce serait en 2009 ou aux calendes grecques. Pour 2008, la réponse est claire, le projet de loi de finances accorde 528 millions d'euros de crédits à Matignon, soit autant que l'an passé. Pas d'économies, donc.
« Un peu démago ». Pendant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy s'était engagé à limiter à 15 le nombre de ministres, moins pour une question d'économies que par souci d'efficacité, avait-il indiqué. Les chefs de gouvernement, eux aussi, cèdent volontiers au refrain de l'« Etat modeste ». « C'est un peu démago, lâche Michel Charasse, ancien ministre socialiste du Budget. C'est prendre les Français pour des gogos. » Sitôt remportées les élections législatives, le gouvernement Fillon se dotait de 16 secrétaires d'Etat, portant à 31 le nombre de portefeuilles ministériels. Avant lui, celui de Dominique de Villepin en comptait 32.
Malgré les injonctions écrites du Premier ministre de plafonner le nombre de conseillers à 20 par ministre de plein exercice et à 4 par secrétaire d'Etat, le seuil est aujourd'hui largement dépassé. Au lieu de 364, ils sont 538. Directeur du cabinet et directeur adjoint du cabinet inclus, Matignon totalise, à lui seul, un bataillon de 65 conseillers et chargés de mission, dont le champ de compétence paraît parfois doublonner. Un ingénieur en chef des Mines et un ingénieur des Ponts et Chaussées ont pour tâche d'assister le chef du gouvernement, l'un pour « l'industrie, la recherche et l'énergie », l'autre pour « l'énergie, la politique industrielle et la sûreté nucléaire ». Candidat battu à Paris aux élections législatives, mais chouchou du président de la République, Arno Klarsfeld se retrouve gratifié du titre de « conseiller auprès du Premier ministre », longtemps quatrième en importance dans l'ordre protocolaire du portail de Matignon. Sa spécialité ? « Je m'occupe de dossiers généraux », déclare Arno Klarsfeld. « Aucun domaine ne m'est affecté en particulier », ajoute-t-il de son portable, en balade dans les rues de Paris, à vélo. Une singularité motrice qui le distingue des autres conseillers, adeptes de la voiture de fonction. Les girophares ont été bannis sur décision de Jacques Chirac, partisan de ne pas afficher de signe extérieur de puissance. Matignon envisage de réduire son parc automobile à 100 véhicules, contre 150 actuellement. « Le cabinet n'en utilise qu'une trentaine », précise l'entourage de François Fillon. Le reste est dévolu aux services rattachés au Premier ministre (ceux de Roger Karoutchi, chargé des Relations avec le Parlement, de Laurent Vauquiez, porte-parole du gouvernement, d'Eric Besson, chargé de la Prospective).
Avec ses 20 membres, dont un porte-parole récemment créé, le cabinet de Rachida Dati, ministre de la Justice, semble avoir suivi les consignes de restriction du Premier ministre. En apparence seulement, car si la liste officielle ne mentionne qu'une conseillère au service de presse et communication, 4 personnes supplémentaires, non répertoriées, défendent l'image et la parole du garde des Sceaux. Sous les ministères de Pascal Clément et de Dominique Perben, ses prédécesseurs, le service de presse ne comptait que 2 personnes.
« Rien de scandaleux ». Dans les ministères, à l'exception du directeur du cabinet, bras armé du ministre, qui touche entre 6 000 et 9 000 euros net par mois, le revenu d'un conseiller va de 3 000 à 6 000 euros net. Il n'y a « rien de scandaleux » à cela, affirme le conseiller d'un ministre, qui ajoute que ces postes, par définition éphémères, nécessitent une disponibilité de chacun instant. Samedis et dimanches compris. « On est loin des 35 heures », insiste-t-il, soulignant que, le reste de la semaine, les horaires se prolongent souvent tard le soir. « C'est clairement un métier pour célibataire », note un autre. Dans les cabinets ministériels, la proportion de femmes oscille entre 6 et 10 % selon les ministères. « On leur laisse la plupart du temps la communication », observe Nicolas Lecaussin, président de l'Institut français pour la recherche sur les administrations publiques (Ifrap), un organisme qui, depuis vingt ans, lutte contre les pesanteurs de l'administration publique et tente d'en recenser les abus en vue d'une réforme de fond. Avec un succès très relatif.
Dans les cabinets, celles et ceux qui ont des enfants travaillent généralement de 9 à 20 heures. « Les autres sont corvéables à merci », lâche le conseiller d'un ministère régalien. Les mercredis sans baby-sitter, une jeune mère de famille amène ses deux têtes blondes au ministère qui l'emploie. Là, pour tuer le temps, ils observent les escargots (des petits-gris) qui se sont reproduits par dizaines dans un aquarium. De quoi mobiliser l'attention des bambins pendant des heures.
De Beauvau (Intérieur) à Vendôme (Justice), de Valois (Culture) à Grenelle (Education nationale), les conseillers rechignent à évoquer leur rémunération, sujet tabou par excellence. Beaucoup préfèrent montrer du doigt Bercy (Economie et Finances), qui, selon eux, serait, en la matière, un véritable maquis à cause du versement de primes et de l'opacité régissant leur distribution. A de rares exceptions, ces conseillers qui se sentent agressés sitôt qu'on évoque leurs revenus comparent leur situation- « précaire », insistent-ils en choeur-à celle des trésoriers-payeurs généraux, qui avec leur 150 000 euros par an (12 500 euros par mois) jouissent, selon eux, d'une rente. Ils pointent aussi du doigt les inspecteurs des Finances, rémunérés « officiellement » 9 000 euros par mois, primes incluses. Mais une partie seulement de leurs émoluments est soumise à impôt. Les primes de déplacement, par exemple, y échappent, même lorsqu'elles sont versées sous forme de complément de salaire à des personnels qui restent rivés à leur bureau.
Pool de voitures avec chauffeur. Bien que n'étant pas forcément de tout repos, en raison de l'exposition permanente aux médias et aux humeurs des ministres, la vie de cabinet présente, outre un salaire honorable, d'autres avantages. Les ministères disposent, eux aussi, d'un pool de voitures avec chauffeur qui servent à aller chercher les principaux conseillers à leur domicile et à les raccompagner le soir après le travail, « le plus souvent un dossier sous le bras », tempère un haut fonctionnaire. Le nombre de véhicules dépend bien entendu de l'importance du ministère. Les voitures de fonction permettent un gain de temps « phénoménal », selon un utilisateur, dans les déplacements. Accompagner un ministre à l'aéroport, c'est avoir l'assurance d'être dispensé de faire la queue pour passer sous les portiques de sécurité. « On est bichonné », admet une conseillère, ravie de voir les gendarmes venir à la rencontre de l'aréopage gouvernemental en mouvement et lui servir d'escorte. « Il faut prendre ça au quatrième degré, sinon tu es mort », conclut-elle.
Réservé au transport des autorités gouvernementales, l'Escadron de transport, d'entraînement et de calibration (Etec), la compagnie aérienne de la République, compte huit appareils : deux Airbus A319 de 40 places, deux Falcon 900 et quatre Falcon 50 de 8 à 13 places. Le coût moyen d'une heure de vol est de l'ordre de 4 500 euros. Savoir combien de sorties sont effectuées par mois relève carrément du secret d'Etat. « Vous ne me demandez pas si l'équipe de France vient sur la base, c'est du gouvernement qu'il s'agit. On ne peut rien dire », coupe le commandant de base de Villacoublay (Yvelines), d'où s'envolent les avions. Deux appareils accompagnaient le chef du gouvernement lors de son déplacement en Corse, où il a dit être à la tête d'un Etat en « faillite ». Quelques jours plus tôt, son chef de cabinet avait, lui aussi, utilisé un Falcon pour préparer le voyage. La délocalisation des conseils des ministres-hier à Strasbourg, aujourd'hui à Ajaccio, demain ailleurs-a également un coût. Lequel ? Poser la question, « c'est un peu mesquin », a jugé Eric Woerth, ministre du Budget, le 6 novembre sur RTL. S'il le dit...
Dans les palais de la République, « la bouffe est bonne ». Ce cri du coeur unanime de conseillers et d'anciens ministres salue le talent des cuisiniers de la République, pour beaucoup formés derrière les fourneaux des grands hôtels, et donc au fait des dernières saveurs culinaires. Là encore ils sont trois, quatre, cinq ou six au piano, selon le rang du ministre au sein du gouvernement. Lors de son premier passage à l'Intérieur, époque où, selon les jours, de 50 à 100 repas étaient servis, Nicolas Sarkozy avait un maître pâtissier expert dans la confection d'un dessert au fenouil et au chocolat, pas du goût de Cécilia. Si l'on n'y prend garde, le régime ministériel peut entraîner une surcharge pondérale. « A mon arrivée, j'ai pris 5 kilos en six mois », confesse un ancien membre du cabinet de Pascal Clément, le prédécesseur de Rachida Dati à la Justice. Il a depuis retrouvé la ligne minceur. Gratuits, les cafés, thés sucrés, boissons pétillantes à volonté tout au long de la journée constituent une tentation à laquelle il est difficile, les premiers temps, de renoncer. Surtout dans la matinée, quand ils sont accompagnés de croissants au beurre. Il y a aussi les déjeuners, pris ensemble dans la salle à manger du ministère. Il suffit, pour qu'un membre du cabinet s'y invite, de s'inscrire avant 10 heures. « On vit en vase clos », se justifie un habitué. Les vacataires des ministères, qui doivent, pour certains, à leur militantisme politique le poste qui leur est confié, sont parfois conviés aux agapes. Le couvert est également mis le soir à dîner pour les conseillers qui s'attardent sur les dossiers.
Appartements privés. Ouverts au public pour les Journées du patrimoine, les ministères font alors place nette, sobriété oblige et souci de ne pas choquer le visiteur. Les écrans plats, destinés à suivre en direct les moindres faits et gestes et propos des ministres, sont remisés dans les alcôves. Quand un ministre reçoit ses proches ou des relations intimes, il a tout loisir de s'isoler dans ses appartements privés, des logements cossus situés dans d'anciens palais ou hôtels particuliers confisqués à des représentants de la noblesse d'Ancien Régime.
Le prix de location au mètre carré étant devenu prohibitif, les logements de fonction réservés aux ministres et hauts fonctionnaires-directeurs d'établissement pénitentiaire, conservateurs de musée, préfets, recteurs d'académie, etc.-offrent un avantageux complément de salaire. Dans ce domaine, la gestion laisse parfois à désirer, en particulier au ministère de la Culture, qui en est encore à l' « établissement progressif d'un fichier exhaustif » de son parc immobilier « de 882 logements au 1er septembre 2003 », relève la Cour des comptes. Malgré une « réelle volonté de remise en ordre », celle-ci se heurte à « des difficultés techniques et à de fortes résistances », regrette la juridiction présidée par Philippe Séguin, dans son rapport annuel de 2006. Les « anomalies » sont nombreuses. « Depuis l'affaire Gaymard, les histoires d'appartement sont super-bien gérées », se défend-on dans l'entourage d'Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique. Alors qu'il disposait d'un logement de fonction à Bercy, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances de Jean-Pierre Raffarin Hervé Gaymard avait loué, aux frais de l'Etat, un duplex de 600 mètres carrés dans le « triangle d'or » immobilier des Champs-Elysées pour la somme de 14 000 euros par mois. Ce qui ne l'avait pas empêché de mettre en location son propre appartement pour 2 500 euros par mois. Après avoir réfuté les révélations du Canard enchaîné , le ministre, assujetti à l'impôt sur la fortune, avait démissionné en février 2005. De nouvelles règles sur les logements de fonction ministériels ont été édictées, limitant leur superficie à 80 mètres carrés, plus 20 mètres carrés par enfant à charge. A Bercy, le service de presse affirme que les ministres (Christine Lagarde, Eric Woerth, Hervé Novelli, Luc Chatel) s'y sont conformés. Ils occupent les appartements de fonction, certains occasionnellement. Woerth, quant à lui, s'accommode du chemin de fer lorsqu'il rentre à Chantilly (Oise), la ville dont il est le maire. A l'arrivée, une voiture de fonction l'attend.
S'étant fait souffler par Sarkozy la résidence de la Lanterne, près de Paris, le Premier ministre s'est replié sur le château de Rambouillet pour les week-ends les semaines où il ne retourne pas dans son château de Solesmes (Sarthe).
Pourtant maître mot des discours, la « transparence » ne semble pas vraiment être entrée dans les moeurs, et les contrôles des dépenses par les ministères restent aléatoires. Les raisons à cela ? Le sénateur Michel Charasse a la réponse : « On a tous les pouvoirs, le seul problème, c'est qu'on ne s'en sert pas. Car, pour s'en servir, il faut travailler . » Le risque serait de diriger les contrôles contre « la personne d'un ministre » auquel on voudrait nuire, ajoute en politique aguerri l'ex-conseiller de François Mitterrand. Depuis la suppression des fonds secrets en 2002 et l'augmentation de 70 % de la rémunération des membres du gouvernement, une initiative de Jean-Pierre Raffarin, les ministères touchant à la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat (Intérieur, Défense, Affaires étrangères) bénéficient toujours d'une réserve classée secret défense. A ce train-là, entre Courteline et Ubu, la gestion nébuleuse des deniers publics a encore de beaux jours devant elle.
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Les châteaux de la république
La République n'a pas complètement rompu avec la tradition monarchique de la vie de château. Situées dans des écrins arborés ou donnant sur la Méditerranée, les résidences secondaires mises à la disposition des plus hautes personnalités de l'Etat sont de petits joyaux d'architecture dont tous les présidents et les Premiers ministres de la Ve ont (ou ont eu) la jouissance. L'arrivée des Sarkozy à l'Elysée a entraîné un petit changement dans l'attribution des palais nationaux. Le couple présidentiel ayant jeté son dévolu sur la Lanterne, près de Versailles, mélange de Petit Trianon et de manoir à l'anglaise, jusque-là réservée au Premier ministre, François Fillon se voit contraint de se replier sur le château de Rambouillet, moins facile d'accès de Paris. « Guéant a dit : Fillon n'a pas besoin de château, il en a déjà un », note le Premier ministre avec résignation. Le secrétaire général de l'Elysée faisait référence au château du XVIIe siècle qu'il possède à Solesmes, dans la Sarthe.
C'est à Rambouillet, prestigieuse demeure historique des Yvelines, que sont décédés François Ier et en novembre 1955 Germaine Coty, l'épouse du président René Coty. Giscard d'Estaing, qui a souvent chassé dans le parc, y avait inauguré en novembre 1975 le premier G7, en réunissant les chefs d'Etat des pays les plus industrialisés.
Outre le domaine de Souzy-la-Briche (Essonne), prisé par François Mitterrand, le président de la République dispose aussi comme résidence d'été du fort de Brégançon sur la Côte d'Azur, une forteresse bâtie au XVIe siècle mais que les aménagements ultérieurs ont transformé en véritable palace, avec son jardin méditerranéen s'étalant en contrebas, son accès direct à la mer et son panorama sur la grande bleue.
Comme les deux têtes de l'exécutif, le ministre des Affaires étrangères a le privilège de jouir d'une résidence : le château de La Celle-Saint-Cloud et le domaine alentour, ancienne propriété de la marquise de Pompadour. La reine d'Angleterre y a déjeuné, ainsi que Jackie Kennedy. C'est entre les lambris de cette folie que Bernard Kouchner a reçu les factions des groupes libanais en vue d'une réconciliation. La table est digne d'un trois-étoiles et la cave excellente. « J'ai eu l'extrême honneur d'y être invité deux fois en cinq ans, note Pierre Moscovici, qui fut ministre des Affaires européennes de Lionel Jospin. Un des postes les plus modestes de la République, j'étais parisien, j'habitais chez moi. » Savoir le coût d'entretien et de fonctionnement de ce parc immobilier tient du parcours du combattant. Le ministère de la Culture, mis à contribution, renvoie vers l'Elysée, sourd aux sollicitations, en dépit de promesses de « transparence ». Dernier chiffre en date connu, 38 millions de francs en 1999, avant que la Lanterne ne tombe dans l'escarcelle de l'Elysée.
Denis Demonpion
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« Personne n'a vraiment intérêt à dévoiler ce qui se passe en cuisine »
Le Point : D'où vient la difficulté d'obtenir des données chiffrées sur les dépenses des cabinets ministériels ?
Agnès Verdier-Molinié : Cette opacité, à laquelle nous sommes confrontés à l'Ifrap, tient tout simplement au fait que personne n'a vraiment intérêt à dévoiler ce qui se passe en cuisine. Car ce sont ceux qui composent les cabinets qui détiennent la recette. Il n'est même pas sûr que les ministres savent comment les gens sont rémunérés.
N'y a-t-il pas des moyens de contrôle ?
Constitutionnellement, le Parlement a la possibilité d'exiger la lumière sur la rémunération des membres des cabinets. Mais les résistances sont fortes. En 2001-2002, le sénateur UMP Philippe Marini a posé la question au ministre de la Fonction publique. La réponse a été celle-ci : « Le système ne permet pas de les identifier et de les contrôler spécifiquement. »
C'était à l'époque des fonds secrets et de la distribution, chaque mois, d'enveloppes. Leur suppression partielle par le gouvernement Jospin n'a-t-elle pas permis d'assainir la situation ?
C'est certes une amélioration du système, puisque ces crédits figurent désormais dans le budget. Mais on ne sait pas où exactement. Ces chiffres, bien sûr connus de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, sont tus. Présentée comme une réforme de la gestion de l'Etat, la fameuse LOLF (loi organique relative aux lois de finances) devait prétendument garantir une plus grande lisibilité des dépenses. Or pas une seule fois les cabinets ministériels ne sont mentionnés.
A quoi attribuez-vous ce mur du silence ?
Une fois nommés dans les cabinets ministériels, les hauts fonctionnaires continuent d'être payés par leur administration d'origine. Sauf pour les primes. Résultat, ils se serrent les coudes. Malgré la volonté de Nicolas Sarkozy, pendant la campagne, d'équilibrer les rapports entre public et privé, on constate aujourd'hui que 87,3 % des collaborateurs de l'Elysée viennent de la fonction publique. Il y en a presque autant à Matignon. Parmi eux, les énarques sont nombreux. Les directeurs de cabinet sont, à l'exception de trois d'entre eux, tous issus de l'Ena. Ils viennent du même moule. D'où le réflexe d'autoprotection.
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L'argentier de Fillon
Il est fils de comptable, énarque, secrétaire général du gouvernement depuis septembre 2006. A Matignon, c'est lui, Serge Lasvignes, 53 ans, qui surveille les dépenses du Premier ministre et des ministères qui lui sont rattachés. Elève de la promotion de l'Ena « Liberté, égalité, fraternité » 1987-1989, ce conseiller d'Etat a été, entre autres, conseiller juridique au Conseil supérieur de l'audiovisuel de 1991 à 1995, avant d'occuper de hautes fonctions au ministère de l'Education nationale. Il est né à Toulouse, mais, pour se mettre au vert, il a choisi Malesherbes, dans le Loiret, plus près de Paris.
Sources Le Point
Posté par Adriana Evangelizt