Rafael Correa : "La mort de Reyes a rompu le contact avec les Farc"
Rafael Correa : "La mort de Reyes a rompu le contact avec les Farc"
[Le Monde | 12.05.08]
Le président équatorien Rafael Correa est attendu à Paris, mardi 13 mai, où il doit être reçu par Nicolas Sarkozy et par des proches de l’otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, alors que le quotidien espagnol El Pais vient de publier des extraits de documents trouvés dans l’ordinateur de Raul Reyes, le responsable des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) tué le 1er mars, lors d’un raid de l’armée colombienne en Equateur. Selon ces documents, le Venezuela aurait fourni des armes et de l’argent aux FARC. Caracas dément.
Les documents de Raul Reyes semblent indiquer que le gouvernement équatorien entretenait des liens avec les FARC…
Je me moque de ces documents et de ce qu’en pensent les Etats-Unis, Interpol et la Colombie.
Considérez-vous que ces documents ont été manipulés ?
Les documents qui concernent l’Equateur l’ont été. A en croire les courriels “trouvés” par la Colombie, les FARC ont apporté 100 000 dollars à ma campagne électorale en 2006 et, deux ans plus tard, mon gouvernement a signé avec eux un accord politique. Croyez-vous que les FARC auraient donné de l’argent sans un accord immédiat ? S’il faut croire les guérilleros quand ils disent avoir passé un accord politique avec mon gouvernement, il faudrait aussi les croire quand ils disent que (le président colombien) Alvaro Uribe est un narcotrafiquant paramilitaire.
Pensez-vous que les Américains ont participé à l’opération colombienne contre le camp de Raul Reyes le 1er mars ?
Je suis convaincu que les Etats-Unis ont fourni les renseignements et les technologies de pointe sans lesquels l’attaque n’aurait pas été possible. Les Colombiens affirment avoir utilisé des avions brésiliens Super-Tucanos. Notre enquête indique que ces avions ne peuvent transporter les bombes qui ont été lancées.
L’Equateur peut-il contribuer à la libération d’Ingrid Betancourt ?
Nous étions sur le point de l’obtenir quand le camp de Raul Reyes a été bombardé. Je ne sais pas s’il allait tenir parole, mais il avait annoncé la libération de deux otages en mars, dont Mme Betancourt. La France le savait. Et la France sait que nous sommes prêts à poursuivre nos efforts en faveur de la libération des otages. Malheureusement, depuis la mort de Raul Reyes, tous les contacts avec la direction des FARC ont été perdus.
Vous avez évoqué la possibilité de reconnaître aux FARC le statut de belligérant…
Si les FARC, qui ont une armée organisée et qui contrôlent une partie du territoire, cessent leurs actions terroristes, s’ils cessent les prises d’otages, s’ils respectent le droit humanitaire, nous pourrons les reconnaître comme un interlocuteur afin de négocier la paix. La France a exactement la même position que l’Equateur. (Le ministre français des affaires étrangères) Bernard Kouchner me l’a confirmé (à Quito fin avril). Si c’est pour négocier la libération des otages ou, mieux encore, la paix en Colombie, l’Equateur est prêt à tout. Ne comptez jamais sur nous pour la guerre.
L’Equateur est-il soutenu par la communauté internationale ?
En Amérique latine, l’Equateur a remporté la bataille diplomatique contre la Colombie. En revanche, l’Europe a assumé une position très proche de celle des Etats-Unis. La désinformation a fait des siennes. L’Equateur, a-t-on entendu dire en Europe, est un sanctuaire des FARC parce qu’un camp guérillero y a été bombardé. A ce compte-là, la Colombie, où il y a des centaines de camps des FARC, est le plus grand sanctuaire de la guérilla ! L’Equateur n’est pas un acteur du conflit colombien, il en est une victime.
L’Equateur a toujours coopéré avec la Colombie contre les groupes illégaux. Le problème aujourd’hui, c’est que la guerre menée par le président Alvaro Uribe repousse les guérilleros vers notre frontière commune. Il est indéniable que, faute de présence de l’Etat, faute d’écoles, de routes et d’hôpitaux, une partie de la population, colombienne et équatorienne, y appuie les FARC. Pour faire contrepoids à la stratégie militariste du “Plan Colombie”, nous avons conçu le “Plan Equateur”, axé sur le développement humain de la zone frontalière.