Pour ne pas avoir à disculper Villepin, le parquet joue la montre
Voilà un article intéressant qui va dans le sens de ce que nous disions juste avant. Comme ils ne peuvent prouver la culpabilité de DDV mais qu'ils ne veulent pas décevoir en haut-lieu, ils essaient de trouver des poux là où il n'y en a pas. Au fait, où en est on du nom de Sarkozy cité dans une affaire de détournement de fonds ? Font-ils leur boulot les juges ou bien ont-ils refermés le dossier ? Ils feraient mieux de fouiller là où il faut fouiller et de laisser en paix les gens innocents.
Pour ne pas avoir à disculper Villepin, le parquet joue la montre
par Renaud Lecadre
Courage, bottons en touche. Faute d’oser requérir un non-lieu en faveur de Dominique de Villepin, le parquet vient de demander la réouverture de l’enquête pénale sur Clearstream. Les juges d’instruction en charge de l’affaire sont libres de passer outre et de le renvoyer illico en correctionnelle. Mais oseront-ils ?
Pour mémoire, l’ancien Premier ministre est poursuivi pour dénonciation calomnieuse. Et Jean-Louis Gergorin, ancien vice-président d’EADS, pour avoir fait circuler des listings bancaires attribuant faussement des comptes offshore à des personnalités politiques, de l’industrie, de la finance et de la police.
Observé. C’est un principe général du droit : pas de délit sans intention délictuelle. En matière de dénonciation calomnieuse, le code pénal est explicite : «Il appartient de rechercher si, au moment de la dénonciation, le prévenu connaissait ou non la fausseté des faits dénoncés.» Appliqué à l’affaire Clearstream, il faudrait démontrer que Villepin savait que les listings avaient été bidonnés au moment de leur envoi anonyme au juge Van Ruymbeke -- et peu importe qu’il ait donné, ou pas, instruction à Gergorin de le faire. Or il lui est plutôt reproché d’avoir cru trop longtemps à leur véracité. Une faute politique, peut-être ; une manœuvre contre Nicolas Sarkozy, sûrement ; un délit pénal, certainement pas.
Dans son réquisitoire, communiqué jeudi aux parties, le parquet évoque une «lumière trouble sur ses motivations exactes» , mais il constate que «l’information n’apporte pas les éléments qui permettraient de lever le doute sur la connaissance exacte qu’avait Dominique de Villepin du caractère fallacieux» des listings. Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, soupçonné d’étouffer certaines affaires, est aussi un fin juriste qui sent bien que la dénonciation calomnieuse ne tient pas la route. Se sachant très observé à l’Elysée, son parquet avait laissé entendre, auprès de différents avocats, qu’il envisagerait de requérir un non-lieu. Cette fuite organisée a permis d’éviter le pire - un ordre de Sarkozy visant à renvoyer Villepin en correctionnelle - et de ménager la chèvre et le chou : de l’art de donner du temps au temps.
Sur 136 pages, le réquisitoire se donne beaucoup de mal à tenter de nourrir l’accusation. Il soutient, à de multiples reprises, que les vérifications du général Rondot, chargé d’établir la crédibilité des listings, auraient été «toutes négatives» depuis le début. Sauf que ce dernier a longtemps entretenu ses doutes : «Mes recherches n’ont pas encore permis de valider la thèse de Gergorin, laquelle est cependant étayée par des documents bancaires troublants, s’ils sont vrais.» De même, Alain Juillet, responsable de l’intelligence économique au gouvernement, censé tout savoir sur tout, reconnaît avoir été «abusé» : «Je m’en rends compte aujourd’hui.»
Le parquet se penche longuement sur la «psychologie spécifique» de Jean-Louis Gergorin, «ses obsessions anciennes», «ses scénarios délirants» , son goût du complot… Son ancien employeur, Arnaud Lagardère, en sourirait presque : «C’est un personnage très créatif, mais avec un côté paranoïaque qui a pu parfois s’avérer utile au groupe Lagardère.» Des cadres d’EADS évoquent mêmes ses «gergorinades». Le parquet croit pouvoir en conclure abruptement que Gergorin «n’a pas pu croire sincèrement à la réalité des faits dénoncés, qu’il avait même une connaissance certaine de leur fausseté». Alors que toute sa psyché hurle le contraire.
Grand-Duché. Le réquisitoire s’achève par une balle tirée dans le pied. S’en prenant au livre du journaliste Denis Robert consacré deux ans plus tôt à Clearstream (Révélation$), présenté comme une lessiveuse d’argent sale, le parquet affirme ainsi que «des recherches sommaires menées à la suite de sa parution» ont permis de constater «l’inanité des accusations contenues dans l’ouvrage». Bref, toute personne sensée aurait pigé très vite que tout est bidon. Sauf que le parquet de Paris a mené sa propre enquête, pendant plus d’un an, sur les listings du corbeau ; écrivant au parquet du Grand-Duché, qui, lui, enquêtait sur le livre de Denis Robert : «Les éléments livrés par courrier anonyme au juge Van Ruymbeke apportent-ils des informations complémentaires substantielles aux autorités judiciaires luxembourgeoises ?» On ne sent pas ici poindre l’ombre d’un doute…
Pour confondre Villepin, les enquêteurs en sont réduits à tenter de le coincer dans la dernière ligne droite. Irréprochable pénalement lors des premiers envois anonymes, en mai et juin 2004, il ne le serait plus lors du dernier, en octobre, le bidonnage devenant alors plus évident. A défaut d’avoir orchestré la manipulation, il pourrait lui être reproché de ne pas l’avoir interrompue.
Sources Libération
Posté par Adriana Evangelizt