L'inflation au plus haut

Publié le par Adriana EVANGELIZT




L'inflation au plus haut


Par Anthony BONDAIN (avec Reuters)

Les autorités monétaires face à un véritable casse-tête: d'un côté, la croissance faiblit, il faudrait réduire les taux directeurs pour la relancer. De l'autre, l'inflation atteint des sommets, il faudrait accroître les taux pour la juguler... L'INSEE a annoncé que les prix à la consommation ont progressé de 3,7%. Un record de 17 ans qui est loin d'être isolé...

Ils grimpent, ils grimpent... Les prix français à la consommation ont progressé de 3,3% sur un an à la fin du mois de mai, selon les données publiées ce matin par l'INSEE, soit leur hausse la plus importante depuis juillet 1991, il y a près de 17 ans. Au cours du mois de mai, ils ont crû de 0,5% par rapport à avril. La hausse est encore plus conséquente sur une base dite harmonisée, qui utilise la même méthode que celle de nos voisins européens : +0,6% en mai et +3,7% sur un an. Dans son estimation avancée, Eurostat, l'office européen des statistiques, a indiqué que l'inflation de la Zone Euro avait atteint 3,6% au terme du mois de mai. Cette donnée sera affinée au fur et à mesure des publications de chaque Etat, mais les économistes craignent d'ores et déjà qu'elle ne ressorte au-dessus de ce niveau. Ce matin, l'Espagne a annoncé que ses prix avaient progressé de 4,7% sur un an en données harmonisées. La publication allemande est prévue demain.

Produits frais, pétrole et gaz en pointe

"L'accroissement de l'indice des prix à la consommation du mois de mai provient de nouveau principalement du renchérissement des produits pétroliers, mais aussi, de manière saisonnière, de celui des produits frais et des autres services", souligne ce matin l'INSEE. De fait, l'indice des prix de l'alimentation s'accroît de 1% en mai et de 5,7% sur un an. Les prix des produits frais notamment ont pris la pente ascendante (+5,9% sur le mois, +4% sur un an), à cause de la hausse saisonnière des prix des fruits mais aussi de l'accroissement inhabituel des tarifs sur les légumes, victimes de conditions climatiques adverses. Hors produits frais en mai, la hausse n'atteint que 0,2% sur les produits alimentaires, mais la progression annuelle reste impressionnante à 6,1%. A titre d'exemple, l'inflation sur ces produits ne ressortait qu'à 0,7% entre mai 2006 et mai 2007. Autre élément clef de la hausse des prix, les tarifs de l'énergie poursuivent leur flambée. "L'indice des prix de l'énergie s'accroît de 4,2%, après une hausse de 1% le mois précédent", indique l'INSEE, qui précise que l'accès de fièvre provient de deux éléments. D'une part la hausse du prix du gaz de ville (+6,1% en mai et +10,9% sur un an), que les économistes avaient anticipée puisqu'une hausse des tarifs de Gaz de France avait été programmée fin avril. D'autre part, les produits pétroliers progressent de 5,4% (+1,6% en avril 2008), après la flambée des cours du pétrole brut.

En parallèle à l'indice traditionnel des prix à la consommation, l'INSEE publie également un indice des prix dans la grande distribution. En mai, celui-ci s'est accru de 0,2% après 0,3% de hausse en avril. Sur un an, l'augmentation reste forte à 5,3%, surtout lorsqu'on la compare à la hausse de 0,3% constatée un an plus tôt sur la même période. Concernant plus spécifiquement les produits de grande consommation, qui représentent 17% des dépenses des ménages, les prix sont en hausse de 6,2% sur un an.

L'inflation risque de rester à haut niveau

"Etant donné la poursuite des tensions et l'incertitude régnant sur les marchés de matières premières, il est désormais difficile de dire que le pic d'inflation est passé. Au contraire, les prix pourraient encore accélérer au cours de l'année", indique l'économiste Mathieu Kaiser, de BNP Paribas. Les spécialistes les plus optimistes pensaient jusque-là que l'inflation plafonnerait au premier semestre avant de ses résorber, mais la Banque Centrale Européenne continue à juger que le risque est à la hausse, ce qui explique l'agressivité dont elle fait preuve dans sa gestion des taux directeurs. "Au bout du compte, le renchérissement des cours de matières premières explique les deux tiers de l'inflation française. Concernant les conséquences sur la consommation, la messe est dite, elles sont négatives", commente pour sa part Nicolas Bouzou, d'Asterès, pour qui la politique de la BCE est "tout à fait optimale" dans le contexte actuel.

Le débat fait toujours rage entre ceux qui pensent que la banque centrale envoie l'économie européenne dans le mur en maintenant, voire en menaçant de relever ses taux, et les défenseurs de la politique de lutte contre la hausse des prix. L'un des débats du moment concerne la place de l'inflation sous-jacente, qui a atteint en France 2% sur 12 mois après une hausse limitée à 0,1% en mai. Traditionnellement, les banques centrales s'appuient sur cet indicateur dit "désaisonnalisé", car il exclut les prix soumis à l'intervention de l'État et les produits à prix volatils, dont les produits frais et l'énergie. Mais en période de hausse continue de certains prix, comme ceux de l'énergie ou de l'alimentaire, on peut s'interroger sur la pertinence d'un calcul d'inflation qui ne prend pas en compte des éléments appelés à peser durablement sur le pouvoir d'achat des ménages. Jean-Louis Mourier, du cabinet Aurel, qui regrette que la BCE se refuse à considérer l'inflation sous-jacente, tempère cependant son jugement tant "il est vrai qu'avec des composantes considérées comme volatiles dont la hausse se poursuit mois après mois, le point de vue de la BCE n'est pas dénué de sens".

Menaces sur la croissance

Pour tenter de limiter les effets de la bulle inflationniste, le gouvernement a prévu de déréguler le secteur de la grande consommation dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, que le Parlement examine actuellement. Mais face à la flambée des prix agricoles et énergétiques, l'impact des mesures proposées risque d'être bien maigre. "C'est un choc qui vient de l'extérieur", rappelait l'économiste Yann Lepape, d'Oddo & Cie, au micro de Bloomberg Télévision ce matin. Après le baroud d'honneur de la croissance européenne au premier trimestre 2008, les spécialistes craignent désormais un sévère retour de bâton sur le trimestre en cours et sur le reste de l'année, car la consommation des ménages ne pourra indéfiniment résister à une telle flambée des prix.

Sources
Le JDD

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans DETTE-DEFICIT-ECONOMIE

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