Le temps béni des colonies... retour sur le discours de Toulon

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Le temps béni des colonies... retour sur le discours de Toulon




Le 7 février dernier, Nicolas Sarkozy tenait meeting à Toulon.

Le ministre de l’Intérieur s’y est livré à une pathétique défense et illustration de l’Algérie Française. Le message était d’abord destiné, on s’en doute, à la communauté des Pieds-noirs, importante à dans la capitale du Var comme dans tout le Midi, et à tous ceux qui partagent sa nostalgie de l’époque coloniale. A Toulon, les rapatriés constituent en effet une minorité active que les édiles locaux se doivent de courtiser s’ils veulent conserver leurs sièges.

Partant, c’est la quasi-totalité du personnel politique local qui est imprégnée d’idéologie coloniale. Signalons par exemple que la municipalité FN de Toulon a décidé, en décembre 2000, de donner à un carrefour le nom de « Raoul Salan », sans que l’opposition ne s’en offusque. En ce sens, le discours très Algérie-Française de Sarkozy découlait bien d’abord de considérations stratégiques locales.

Pour autant, sa portée ne doit pas être sous-estimée ; car ce type de discours appelant à réévaluer avec bienveillance le fait colonial tend à se généraliser. C’est pourquoi il semble intéressant d’examiner comment procède ce révisionnisme historique insidieux.

a) l’ "opinion" anticoloniale

Diplomate, le ministre de l’intérieur commence par formuler les réserves d’usage sans grande conviction d’ailleurs : « on peut », dit-il, « désapprouver la colonisation ». Par la vertu de ce « on peut », l’anticolonialisme est ramené au rang de simple opinion.

b) la dénonciation de la "repentance"

On peut alors sans vergogne s’en prendre à tous ceux qui critiquent le colonialisme. Le ministre de l’intérieur reprend à certains publicistes en vogue le thème de la "repentance" : toute réflexion critique sur l’épisode colonial ne serait que la manifestation d’une tendance française à la morosité et à l’auto-flagellation, avec laquelle il conviendrait de rompre.

c) l’histoire réorientée

C’est là que commence vraiment le révisionnisme historique. Aux « adeptes de la repentance » - entendez : à tous ceux qui ont eu objectivement la clairvoyance et parfois le courage de s’opposer à l’institution coloniale, aux militants de gauche d’hier et d’aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur fait la leçon. Aux historiens d’aujourd’hui, il adresse ce mot d’ordre bonhomme : « Cessons de noircir le passé ». Rappelons au candidat Sarkozy (et à sa majorité) que l’Histoire de France n’est pas un monument touristique qu’on restaure et redore à l’envi ; et que le ré-enchantement du monde à l’aune des idées réactionnaires n’est pas une tâche d’historien. C’es cette conception décorative ou instrumentale de l’Histoire qui a conduit, on le sait, au vote de la loi scélérate du 23 février 2005.

d) De la réhabilitation des colons…

Le titre de cette loi, rappelons le, prévoyait la reconnaissance de « l’œuvre des français outre-mer », et non directement la valorisation de la colonisation, pourtant visée par ses dispositions (notamment le fameux article 4). C’est que la réhabilitation de l’épisode colonial passe d’abord par la réhabilitation des colons. Sur ce sujet, et devant un public conquis d’avance, le candidat de l’UMP s’en donne à cœur joie, avec ce lyrisme désastreux qui caractérise ses discours :

"Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel."

Et le ministre-candidat de conclure :

Je veux leur dire [aux adeptes de la repentance] : de quel droit les jugez-vous ? Je veux leur dire : de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes des pères, que souvent les pères n’ont commises que dans votre imagination ?

L’objectif est ainsi atteint : noyer l’intelligence historique et l’esprit critique dans un flots de bons sentiments, interdire tout regard critique sur la colonisation. On pourra, cependant, faire remarquer à Monsieur Sarkozy que son raisonnement ne tient pas : que les colons n’ont pas tous été des « monstres » ou des « exploiteurs », qu’il y a eu parmi eux quantité de gens aimables et sincères, laborieux, attachés à leur terre, quantité d’hommes et de femmes de bonne volonté, mais que cela ne change rien à la nature de la colonisation, qui fut injuste dans son principe et oppressive dans ses structures.

e) …à la valorisation de la colonisation

Mais Nicolas Sarkozy ne s’embarrasse pas de telles nuances. Peu importent les faits historiques et l’honnêteté intellectuelle : ce qui compte, c’est d’épurer à toute force l’histoire coloniale pour la rendre acceptable, et même aimable. A en croire Sarkozy, la colonisation est le fuit d’un « rêve européen », celui qui

"jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation."

La falsification historique est alors complète : impérialisme, massacres, exploitation ont disparu, pour laisser place à un conte édifiant où Godeffroy de Bouillon et les massacreurs de musulmans de la première croisade sont comparés aux orientalistes saint simoniens du XIX ème siècle. En somme, Bugeaud rêvait d’Orient et Massu de Civilisation…

Le grand dessein méditerranéen de Monsieur Sarkozy

Le candidat Sarkozy ne s’en est hélas pas tenu à cette fine analyse des rapports France/ Maghreb : il en a profité pour dire comment il voyait l’avenir de la Méditerranée. Sarko l’Atlantiste était devenu, le temps d’un meeting, Sarko le Méditerranéen.

Il faut rendre grâce aux auteurs du discours de Toulon. Ce sont des gens appliqués, qui ont des lettres et un sens rhétorique très sûr - ce qui a permis à leur patron d’avoir l’air sublime à peu de frais, en citant entre autres « Socrate condamné à mort pour avoir perverti la jeunesse », « Alexandre éternellement jeune et son rêve grandiose d’un empire universel unissant l’Orient à l’Occident », « Auguste faisant tous les soirs sa prières à tous les dieux de l’Empire », ou l’ « humble juif crucifié pour enseigner aux hommes de s’aimer les uns les autres »… Le style, ici, vaut la pensée.

Cette accumulation de références hétéroclites, ce syncrétisme indigeste n’avaient d’autre but que de masquer l’absence de contenu des propositions méditerranéennes du candidat Sarkozy. Celui-ci présente comme une innovation son projet d’Union Méditerranéenne, sorte d’équivalent méridional de l’UE. Mais quand il détaille son projet, on s’aperçoit qu’il ne s’agit guère que de la poursuite de l’actuelle « Politique Européenne de Voisinage » (PEV), véritable politique d’Empire visant à contrôler les marges, les frontières et les voisins de l’Union Européenne.

Monsieur Sarkozy veut une politique économique méditerranéenne basée sur le « libre-échange » et « les accords de sous-traitance ». N’est-ce pas ce qui existe déjà ? Le traité Euromed prévoit la mise en place d’un vaste marché de libre-échange pour 2010, ce qui n’a d’ailleurs pas enrayé, ces dernières années, le creusement des inégalités de richesses entre les deux rives de la Méditerranée. Dans cette perspective, le sud méditerranéen (et en particulier le Maghreb) n’est rien d’autre qu’une arrière-cour de l’Europe, où les entreprises européennes continueront à sous-traiter à bas prix certaines de leurs activités.

Pas de nouveauté non plus sur les questions d’immigration : le ministre de l’intérieur continue à promouvoir « l’immigration choisie », qu’il présente comme le corollaire des principes de « coopération » et de « solidarité » (sic). On voit mal comment l’ « immigration choisie », c’est-à-dire, pour parler en termes clairs, une politique restrictive et vexatoire vis-à-vis des ressortissants des pays les plus pauvres, pourrait renforcer les liens entre les pays du pourtour méditerranéen.

Cette politique, qui passe par la négociation, de gouvernement à gouvernement, de quotas d’étrangers à accueillir, ne peut au contraire qu’attiser les tensions entre les deux rives. Elle risque aussi d’appauvrir les pays de la rive Sud : car la migration est une des formes les plus efficaces d’aide au développement (les émigrés envoyant souvent de l’argent au pays, ou bien y rapportant certains savoir-faire acquis à l’étranger).

Enfin, au lieu de limiter le nombre de situations précaires (comme le prétend le ministre de l’Intérieur), elle le multipliera. Car on sait que le nombre de départs reste à peu près constant, quelle que soit la politique d’immigration des pays d’accueil. Durcir les conditions d’entrée, c’est donc multiplier le nombre de sans-papiers, ou de titulaires de visas de court séjour, c’est-à-dire d’immigrés fragilisés - à la merci, notamment, des employeurs clandestins. Au rebours des mesures proposées par le ministre de l’Intérieur, une politique d’immigration alternative consisterait à cesser de diaboliser les immigrés ; à cesser de durcir les politiques européenne de visas qui détournent déjà de l’Europe étudiants, intellectuels, chercheurs de la rive Sud ; à régulariser les sans-papiers et à supprimer les visas de court séjour qui rendent extrêmement précaire la situation des immigrés.

Quant aux ambitions diplomatiques exprimées par monsieur Sarkozy, elles ne convainquent guère. Il dit vouloir la démocratie (sur le pourtour méditerranéen) et la paix (au Proche-Orient). Mais croit-on vraiment que la mise en place d’une nouvelle instance méditerranéenne suffira à ramener vers la démocratie des régimes autoritaires avec lesquels les pays européens gardent par ailleurs des rapports on ne peut plus cordiaux (la Tunisie par exemple) ? Croit-on vraiment que cette nouvelle instance réussira à peser sur le conflit israélo-palestinien, alors que tous les efforts diplomatiques de l’UE en la matière, toutes les offres de médiations des pays arabes n’ont encore apporté aucune solution au conflit ? Quand la volonté politique et les moyens manquent, les institutions restent sans poids…

On voit que le prétendu grand projet méditerranéen de Nicolas Sarkozy repose sur une erreur d’appréciation, et sur un tour de passe-passe : au lieu de réorienter la politique des instances déjà existantes (développement d’une vraie coopération entre les deux rives, justice des échanges, renforcement du poids des acteurs de la société civile au sein des instances euro-méditerranéennes, création de nouvelles structures communes, sanction des pays qui violent les principes communs), il choisit de changer d’instance… pour poursuivre la même politique. Une autre figure, sûrement, de la « rupture tranquille »…

Sources Reso

Le ministre de l’Intérieur s’y est livré à une pathétique défense et illustration de l’Algérie Française. Le message était d’abord destiné, on s’en doute, à la communauté des Pieds-noirs, importante à dans la capitale du Var comme dans tout le Midi, et à tous ceux qui partagent sa nostalgie de l’époque coloniale. A Toulon, les rapatriés constituent en effet une minorité active que les édiles locaux se doivent de courtiser s’ils veulent conserver leurs sièges. Partant, c’est la quasi-totalité du personnel politique local qui est imprégnée d’idéologie coloniale. Signalons par exemple que la municipalité FN de Toulon a décidé, en décembre 2000, de donner à un carrefour le nom de « Raoul Salan », sans que l’opposition ne s’en offusque. En ce sens, le discours très Algérie-Française de Sarkozy découlait bien d’abord de considérations stratégiques locales. Pour autant, sa portée ne doit pas être sous-estimée ; car ce type de discours appelant à réévaluer avec bienveillance le fait colonial tend à se généraliser. C’est pourquoi il semble intéressant d’examiner comment procède ce révisionnisme historique insidieux. Diplomate, le ministre de l’intérieur commence par formuler les réserves d’usage sans grande conviction d’ailleurs : « on peut », dit-il, « désapprouver la colonisation ». Par la vertu de ce « on peut », l’anticolonialisme est ramené au rang de simple opinion. On peut alors sans vergogne s’en prendre à tous ceux qui critiquent le colonialisme. Le ministre de l’intérieur reprend à certains publicistes en vogue le thème de la "repentance" : toute réflexion critique sur l’épisode colonial ne serait que la manifestation d’une tendance française à la morosité et à l’auto-flagellation, avec laquelle il conviendrait de rompre. C’est là que commence vraiment le révisionnisme historique. Aux « adeptes de la repentance » - entendez : à tous ceux qui ont eu objectivement la clairvoyance et parfois le courage de s’opposer à l’institution coloniale, aux militants de gauche d’hier et d’aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur fait la leçon. Aux historiens d’aujourd’hui, il adresse ce mot d’ordre bonhomme : « Cessons de noircir le passé ». Rappelons au candidat Sarkozy (et à sa majorité) que l’Histoire de France n’est pas un monument touristique qu’on restaure et redore à l’envi ; et que le ré-enchantement du monde à l’aune des idées réactionnaires n’est pas une tâche d’historien. C’es cette conception décorative ou instrumentale de l’Histoire qui a conduit, on le sait, au vote de la loi scélérate du 23 février 2005. Le titre de cette loi, rappelons le, prévoyait la reconnaissance de « l’œuvre des français outre-mer », et non directement la valorisation de la colonisation, pourtant visée par ses dispositions (notamment le fameux article 4). C’est que la réhabilitation de l’épisode colonial passe d’abord par la réhabilitation des colons. Sur ce sujet, et devant un public conquis d’avance, le candidat de l’UMP s’en donne à cœur joie, avec ce lyrisme désastreux qui caractérise ses discours : "Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel." Et le ministre-candidat de conclure : Je veux leur dire [aux adeptes de la repentance] : de quel droit les jugez-vous ? Je veux leur dire : de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes des pères, que souvent les pères n’ont commises que dans votre imagination ? L’objectif est ainsi atteint : noyer l’intelligence historique et l’esprit critique dans un flots de bons sentiments, interdire tout regard critique sur la colonisation. On pourra, cependant, faire remarquer à Monsieur Sarkozy que son raisonnement ne tient pas : que les colons n’ont pas tous été des « monstres » ou des « exploiteurs », qu’il y a eu parmi eux quantité de gens aimables et sincères, laborieux, attachés à leur terre, quantité d’hommes et de femmes de bonne volonté, mais que cela ne change rien à la nature de la colonisation, qui fut injuste dans son principe et oppressive dans ses structures. Mais Nicolas Sarkozy ne s’embarrasse pas de telles nuances. Peu importent les faits historiques et l’honnêteté intellectuelle : ce qui compte, c’est d’épurer à toute force l’histoire coloniale pour la rendre acceptable, et même aimable. A en croire Sarkozy, la colonisation est le fuit d’un « rêve européen », celui qui "jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation." La falsification historique est alors complète : impérialisme, massacres, exploitation ont disparu, pour laisser place à un conte édifiant où Godeffroy de Bouillon et les massacreurs de musulmans de la première croisade sont comparés aux orientalistes saint simoniens du XIX ème siècle. En somme, Bugeaud rêvait d’Orient et Massu de Civilisation… Le candidat Sarkozy ne s’en est hélas pas tenu à cette fine analyse des rapports France/ Maghreb : il en a profité pour dire comment il voyait l’avenir de la Méditerranée. Sarko l’Atlantiste était devenu, le temps d’un meeting, Sarko le Méditerranéen. Il faut rendre grâce aux auteurs du discours de Toulon. Ce sont des gens appliqués, qui ont des lettres et un sens rhétorique très sûr - ce qui a permis à leur patron d’avoir l’air sublime à peu de frais, en citant entre autres « Socrate condamné à mort pour avoir perverti la jeunesse », « Alexandre éternellement jeune et son rêve grandiose d’un empire universel unissant l’Orient à l’Occident », « Auguste faisant tous les soirs sa prières à tous les dieux de l’Empire », ou l’ « humble juif crucifié pour enseigner aux hommes de s’aimer les uns les autres »… Le style, ici, vaut la pensée. Cette accumulation de références hétéroclites, ce syncrétisme indigeste n’avaient d’autre but que de masquer l’absence de contenu des propositions méditerranéennes du candidat Sarkozy. Celui-ci présente comme une innovation son projet d’Union Méditerranéenne, sorte d’équivalent méridional de l’UE. Mais quand il détaille son projet, on s’aperçoit qu’il ne s’agit guère que de la poursuite de l’actuelle « Politique Européenne de Voisinage » (PEV), véritable politique d’Empire visant à contrôler les marges, les frontières et les voisins de l’Union Européenne. Monsieur Sarkozy veut une politique économique méditerranéenne basée sur le « libre-échange » et « les accords de sous-traitance ». N’est-ce pas ce qui existe déjà ? Le traité Euromed prévoit la mise en place d’un vaste marché de libre-échange pour 2010, ce qui n’a d’ailleurs pas enrayé, ces dernières années, le creusement des inégalités de richesses entre les deux rives de la Méditerranée. Dans cette perspective, le sud méditerranéen (et en particulier le Maghreb) n’est rien d’autre qu’une arrière-cour de l’Europe, où les entreprises européennes continueront à sous-traiter à bas prix certaines de leurs activités. Pas de nouveauté non plus sur les questions d’immigration : le ministre de l’intérieur continue à promouvoir « l’immigration choisie », qu’il présente comme le corollaire des principes de « coopération » et de « solidarité » (sic). On voit mal comment l’ « immigration choisie », c’est-à-dire, pour parler en termes clairs, une politique restrictive et vexatoire vis-à-vis des ressortissants des pays les plus pauvres, pourrait renforcer les liens entre les pays du pourtour méditerranéen. Cette politique, qui passe par la négociation, de gouvernement à gouvernement, de quotas d’étrangers à accueillir, ne peut au contraire qu’attiser les tensions entre les deux rives. Elle risque aussi d’appauvrir les pays de la rive Sud : car la migration est une des formes les plus efficaces d’aide au développement (les émigrés envoyant souvent de l’argent au pays, ou bien y rapportant certains savoir-faire acquis à l’étranger). Enfin, au lieu de limiter le nombre de situations précaires (comme le prétend le ministre de l’Intérieur), elle le multipliera. Car on sait que le nombre de départs reste à peu près constant, quelle que soit la politique d’immigration des pays d’accueil. Durcir les conditions d’entrée, c’est donc multiplier le nombre de sans-papiers, ou de titulaires de visas de court séjour, c’est-à-dire d’immigrés fragilisés - à la merci, notamment, des employeurs clandestins. Au rebours des mesures proposées par le ministre de l’Intérieur, une politique d’immigration alternative consisterait à cesser de diaboliser les immigrés ; à cesser de durcir les politiques européenne de visas qui détournent déjà de l’Europe étudiants, intellectuels, chercheurs de la rive Sud ; à régulariser les sans-papiers et à supprimer les visas de court séjour qui rendent extrêmement précaire la situation des immigrés. Quant aux ambitions diplomatiques exprimées par monsieur Sarkozy, elles ne convainquent guère. Il dit vouloir la démocratie (sur le pourtour méditerranéen) et la paix (au Proche-Orient). Mais croit-on vraiment que la mise en place d’une nouvelle instance méditerranéenne suffira à ramener vers la démocratie des régimes autoritaires avec lesquels les pays européens gardent par ailleurs des rapports on ne peut plus cordiaux (la Tunisie par exemple) ? Croit-on vraiment que cette nouvelle instance réussira à peser sur le conflit israélo-palestinien, alors que tous les efforts diplomatiques de l’UE en la matière, toutes les offres de médiations des pays arabes n’ont encore apporté aucune solution au conflit ? Quand la volonté politique et les moyens manquent, les institutions restent sans poids… On voit que le prétendu grand projet méditerranéen de Nicolas Sarkozy repose sur une erreur d’appréciation, et sur un tour de passe-passe : au lieu de réorienter la politique des instances déjà existantes (développement d’une vraie coopération entre les deux rives, justice des échanges, renforcement du poids des acteurs de la société civile au sein des instances euro-méditerranéennes, création de nouvelles structures communes, sanction des pays qui violent les principes communs), il choisit de changer d’instance… pour poursuivre la même politique. Une autre figure, sûrement, de la « rupture tranquille »… Sources

Posté par Adriana Evangelizt

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