Les dessous de la visite de Kouchner
Les dessous de la visite de Kouchner
par Jean Guisnel
Personne ne saurait prétendre que Bernard Kouchner n’est pas un homme courageux. Tout jeune déjà, en 1968, au Biafra, il démontrait qu’il conçoit l’action politique comme un engagement physique. Tout comme il y a quelque panache à se rendre aujourd’hui à Bagdad. De cette qualité, le D r Kouchner n’est pas dépourvu non plus : en juin 1992, alors ministre de la Santé, il avait poussé François Mitterrand à se rendre dans Sarajevo assiégé, provoquant la stupeur internationale et une admiration incrédule. Mais cette fois, l’actuel président de la République est resté à la maison, laissant son ministre des Affaires étrangères se rendre seul à Bagdad. Il y a une autre différence avec l’expédition de Sarajevo : la ville était alors assiégée par les Serbes, et la seule présence du président français avait permis de rouvrir l’aéroport. Mais cette fois, à quoi sert le déplacement de Bernard Kouchner, sinon à afficher le nouveau soutien de Paris à Washington ? Car pour ce qui est de l’attitude de la France vis-à-vis de l’Irak, que pourrait-il bien apporter ? Réaffirmer son amitié pour le président issu de la minorité kurde, Jalal Talabani ? C’est un peu court ... Le ministre des Affaires étrangères joue les modestes.
Pour une fois, il ne prétend pas être porteur d’une solution, et se contente d’affirmer que « plus l’Irak se tournera vers l’Onu, plus la France soutiendra l’Irak »...
Mais concrètement, on se demande bien quel peut être le rôle de notre pays dans le chaos irakien. Il faut être clair : ce n’est pas de Paris que les Irakiens attendent la paix. Et si George W. Bush, plus affaibli que jamais dans son pays, a apprécié que Nicolas Sarkozy soit venu le saluer dans sa maison familiale, il sait aussi que le président français risquerait de payer cher une éventuelle prise à rebrousse-poil de son opinion publique nationale. Pour ces raisons, il ne faut pas attendre grand-chose de la visite de Kouchner, en se souvenant que dans le conflit irakien, la voix française n’a été puissante que lorsqu’elle s’est opposée à la guerre américaine en 2003. Mais on ne saurait pour autant s’indigner que le ministre français des Affaires étrangères se rende à Bagdad : il fait là exactement ce pourquoi la République l’emploie. Entretenir, quand elles existent, les relations entre la France et les pays étrangers. Et les renouer quand elles sont distendues. Ce qui est le cas avec l’Irak. Et puis Kouchner prépare-t-il peut-être une autre visite, celle de Nicolas Sarkozy ?
Sources Le Télégramme
Posté par Adriana Evangelizt