Dominique de Villepin, citoyen ordinaire "en rage"
La chute de "l'Ange." Nous mettons des guillements pour l'Ange car ce n'en est pas un comme tous les politiques. Il n'empêche que ceux qui ont voulu sa perte -n'oublions pas que c'est Dieu dans la Bible- ont fort bien réussi. Le tort de M. de Villepin c'est de s'être fait bouffer par l'ogre en pactisant avec lui. On faisait ami-ami dans de tendres tête à tête. Il n'avait qu'à faire comme Jean-Louis Debré. Marquer les bornes. Il n'a pas su le faire. Néanmoins... tous ceux qui s'acharnent sur lui aujourd'hui -après l'avoir bien amoché avant- ne l'emporteront pas au Paradis. Toute mauvaise action est sanctionnée, c'est une certitude. Patience.
Dominique de Villepin, citoyen ordinaire "en rage"
par Michel Noblecourt
Mercredi 29 août, dans la chapelle du Val-de-Grâce, Dominique de Villepin ne figurait pas parmi la brochette d'anciens premiers ministres - Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin - aux obsèques de Raymond Barre, décédé le 25 août. L'ancien résident de Matignon est redevenu "un citoyen ordinaire". La mue s'est produite le 27 août sur TF1 quand M. de Villepin, mis en examen fin juillet dans l'affaire Clearstream pour "complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et d'abus de confiance, complicité d'usage de faux", a fait savoir urbi et orbi qu'il ne saisirait pas la Cour de justice de la République. Et qu'il s'en remettait à la justice ordinaire "comme n'importe quel citoyen".
Le citoyen Villepin, qui a fait appel de son contrôle judiciaire - qui lui interdit notamment tout contact avec Jacques Chirac (qui n'était pas davantage au Val-de-Grâce) -, espère une instruction rapide de son dossier. Mais il n'en démord pas : cette affaire Clearstream, loin d'être une machination ourdie contre Nicolas Sarkozy, est une "construction" qui s'est imposée "au point d'imprimer l'instruction judiciaire". Le 27 août, M. de Villepin s'est lâché, prononçant une phrase que l'importance de la révélation de sa stratégie de défense a fait passer au second plan. "Dans ma démarche, a-t-il dit, il n'y a pas d'ambition personnelle, et je trouve quelque peu piquant qu'aujourd'hui on veuille me présenter comme quelqu'un qui a voulu éliminer un soi-disant rival, sachant justement que je n'ai jamais fait preuve d'ambition personnelle en matière politique." Ainsi, l'homme impétueux, fougueux, passionné, le hussard de la République qui a été pendant près de deux ans, au lendemain d'un échec référendaire et sans jamais avoir été élu, le dernier premier ministre de M. Chirac, n'a jamais eu la moindre "ambition personnelle en matière politique" ! Beaucoup de politiques avaient fait erreur sur la personne. Mais, dénué de toute ambition, celle qui fait tant de mal à ceux qui ne réussissent pas à l'assouvir, M. de Villepin a dû avoir moins de mal que d'autres à se muer en "citoyen ordinaire".
Il n'empêche que M. de Villepin est "blessé" par sa mise en examen. "Ce soir, a-t-il confié le 27 août, j'éprouve une certaine tristesse, et je vous dirai même une certaine rage. J'ai consacré trente ans de ma vie au service de mon pays. Aujourd'hui, je vis la suspicion, et ma famille, mes proches en souffrent". M. de Villepin, et cela peut se comprendre, surtout s'il n'a rien à se reprocher, est "en rage". Et les amis politiques d'un citoyen ordinaire, en rage et sans ambition personnelle, ont tout à redouter.
M. de Villepin en a fait la démonstration dès le 27 août en offrant des fleurs hérissées de piquants bien saillants pour les cent jours de son ami et non rival Nicolas Sarkozy. Il a invité la majorité à ne "pas s'endormir sur ses lauriers", parlant d'un "état de grâce qui est aujourd'hui présent mais qui ne s'appuie pas encore sur des résultats"... L'UMP doit avoir du mal à croire à la conversion de l'ancien premier ministre en "citoyen ordinaire", car la réplique a été cinglante. "Les conseilleurs ne sont pas les payeurs", a lancé Laurent Wauquiez, le jeune porte-parole du gouvernement. "Nous, on a les mains dans le cambouis et dans le charbon, d'autres ont les mains dans les poches", a martelé vertement Nadine Morano, porte-parole de l'UMP et députée de Meurthe-et-Moselle.
Sans doute en faut-il plus pour faire taire le citoyen Villepin. Le 29 août, sur RTL, il a récidivé : "J'entends dire ce que je pense, parce que ce que j'ai vécu doit pouvoir servir à ceux qui sont aujourd'hui en responsabilité pour faire mieux." Et vlan ! Il était juste venu présenter son dernier livre, Le Soleil noir de la puissance, 1796-1807 (Perrin, 576 p., 24,80 €). Celui où il raconte la montée au pouvoir (peu ordinaire) du citoyen Bonaparte.
Sources Le Monde
Posté par Adriana Evangelizt