Rachida Dati, une jeune femme pressée
Rachida Dati, une jeune femme pressée
par Louis-Bernard Robitaille
Il se passe toujours quelque chose du côté de Nicolas Sarkozy. Car ce dernier est un homme pressé. Quand il n'est pas en train de délivrer, une ou deux fois par semaine, un message fondamental sur l'économie, l'agriculture ou la justice, il court les sommets européens pour jouer les pompiers, débarque dans un atelier de réparation de la SNCF pour une confrontation musclée avec de jeunes syndiqués pas du tout aimables. Avant de prendre abruptement son avion pour aller chercher une partie des «humanitaires» de l'Arche de Zoé au Tchad et les ramener en France.
Rachida Dati, née en 1965 de père immigré marocain, maçon de son état, deuxième d'une famille de 12 enfants, est elle aussi une femme pressée. D'ailleurs, on dit volontiers à son sujet qu'elle est une sorte de version féminine du même Nicolas Sarkozy. À qui elle doit indéniablement cette spectaculaire nomination à la tête du ministère de la Justice, bastion du conservatisme bourgeois, de la vielle bienséance française et de la tradition.
Nommer une jeune femme de 41 ans - totalement inconnue six mois plus tôt, jamais élue au scrutin universel - avec pour mission de bousculer un appareil judiciaire dominé par des sexagénaires mâles, a constitué l'une des grandes audaces du nouveau président, la nomination la plus symbolique de cette politique qui se veut «de rupture».
Et la nouvelle Garde des Sceaux, avec une impatience toute «sarkozyste», et forte de ses relations personnelles avec le chef de l'État, n'a pas attendu une minute, dès sa prise de fonction, pour foncer dans le tas et s'attaquer à la refonte de la carte judiciaire, vieille de deux siècles, avec le propos de supprimer à la tronçonneuse des dizaines de tribunaux de province qui ont survécu dans des centres urbains aujourd'hui dépeuplés. Entre autres projets: ramener les cours d'appel de 35 à 22, soit une par grande région. Avec le risque certain de bousculer beaucoup de vieilles habitudes provinciales. Et de fait, Rachida Dati, dont l'éphémère carrière de magistrate (de 1997 à 2002) est regardée de haut, est devenue la bête noire du monde judiciaire.
Jeune femme pressée depuis la fin de l'adolescence, sortie de sa cité HLM de Châlons sur Saône à la force du poignet, il est arrivé à Rachida Dati de brûler les étapes. Et, ces jours-ci, certains épisodes de son passé la rattrapent. Un dossier publié il y a 10 jours par L'Express révèle qu'elle a entretenu, disons, un certain flou dans la rédaction de son curriculum vitæ. Un flou que le cabinet de Mme Dati reconnaissait volontiers ces derniers jours, tout en plaidant la bonne foi.
Cela se passait à la fin de 1996, peu avant son admission au sein de la magistrature. Rachida Dati, à 31 ans, faisait partie de ces citoyens expérimentés qui deviennent magistrats au vu de leur dossier professionnel et qui sont dispensés du diplôme de l'École nationale de la magistrature. Mais expérience professionnelle ou pas, on leur demande un minimum de titres universitaires.
Sur quoi Mme Dati a fait état, tel que requis, de deux modestes maîtrises, en droit et sciences économiques, obtenues en 1991 et 1996. Mais aussi d'un diplôme MBA du prestigieux Institut supérieur des Affaires, filiale de HEC. Or, de toute évidence, elle n'a jamais obtenu ce diplôme. Elle a été étudiante de l'ISA pendant un an et demi, en 1991 et 1992, a suivi certains séminaires, mais n'a pas accumulé assez de crédits pour se voir décerner le MBA en question.
Une «erreur»
Dans le livre d'entretiens (autorisés et contrôlés) qu'elle vient de faire paraître chez Grasset - Je vous fais juges -, elle explique, sans trop entrer dans les détails, que ce petit ratage à l'arrivée relevait de l'incident technique. Elle était en pleine annulation de mariage, avait un emploi à Londres, et un responsable de l'ISA avait refusé de lui faciliter un arrangement. Mais il est vrai que, dans son dossier d'admission à la magistrature, le diplôme MBA, à la suite d'une distraction fatale, figurait en bonne place.
Une petite «erreur» qui n'est certainement pas assez grave et claire pour remettre en question sa situation au gouvernement. Mais la polémique est lancée et, avec la fougue sarkozyenne qui est la sienne, elle n'a pas manqué de répliquer, dans le privé ou publiquement, que la «persécution» dont elle était l'objet relevait du «racisme». Le fait demeure: pour une ministre de la Justice qui n'est pas issue du sérail et qui est déjà soumise à l'hostilité des juges, c'est un accroc qui vient nourrir le procès en incompétence et amateurisme qu'on lui fait, à tort ou à raison, dans le milieu.
Sources Cyberpresse
Posté par Adriana Evangelizt