DDV L'HOMME QUI ETEINT LE FEU

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Sarkozy a eu tort de « stigmatiser » les jeunes


Villepin gagne ses galons de pompier

 

par Hervé Algalarrondo 


Pour cet homme de cabinet qui n'a jamais affronté le suffrage populaire, la crise actuelle est son vrai baptême du feu. De là à dire que Villepin éteint les incendies que Sarko a allumés...

«Un moment important dans son rapport avec les Français. Comme lors de son discours de politique générale, qu'il avait axé sur l'emploi, Villepin a su trouver la bonne posture. Ça fonde une relation forte. » Ce député UMP en est convaincu : la crise des banlieues va servir l'image du Premier ministre. Désormais, il serait parfaitement identifié : « Les Français ont vu que le gouvernement était dirigé. Il y a quelqu'un à la barre, qui a géré le temps avec beaucoup de sang-froid. » La première semaine, Dominique de Villepin a pourtant eu du mal à se positionner : un voyage au Canada annulé in extremis contre l'avis de son entourage, une réunion du groupe UMP à l'Assemblée nationale où il retrouve le ton cassant qui était souvent le sien avant sa nomination à Matignon, une séance de questions au Parlement où il donne surtout l'impression de chercher à museler Nicolas Sarkozy, relançant les spéculations sur leur rivalité.


A l'évidence, le Premier ministre a été surpris par l'explosion de la violence dans les cités, qu'il n'avait pas prévue plus que quiconque. Mais la suite a mis en évidence l'existence d'une méthode Villepin. Face à une crise dont il ne maîtrise pas les paramètres, le Premier ministre cherche invariablement à se forger une opinion en rencontrant, seul, des acteurs de terrain. Dépourvu d'expérience d'élu local, conduit à traiter à Matignon des dossiers qui sont loin de lui être tous familiers, il consulte, questionne, enquête. L'inspecteur Villepin a multiplié à la fin de la première semaine les rencontres avec des élus et des jeunes issus de l'immigration, ne ménageant ni son temps ni ses interlocuteurs.

Le week-end du 5-6 novembre, sa religion est faite. L'opinion est profondément traumatisée par la crise. Il faut donc envoyer un signal fort de fermeté. Plusieurs pistes sont étudiées. Villepin retient celle du couvre-feu. Pour cela, il faut réactiver une loi datant de la guerre d'Algérie sur l'état d'urgence. Le symbole est fâcheux, mais il passe outre. En même temps, il prend garde de ne pas s'enfermer dans le tout-sécuritaire. Plutôt que d'annoncer un énième plan pour les banlieues, il propose quelques mesures concrètes, comme l'apprentissage à 14 ans, pour offrir une solution aux jeunes en situation d'échec scolaire.


Lundi 7 novembre, il est au 20-heures de TF1 pour défendre ce dispositif. A ses yeux, fermeté et justice doivent aller de pair. Sa ligne diffère donc de celle de Sarkozy, qui se pose ostensiblement en champion de l'ordre. Après les couacs de la première semaine, Villepin a compris qu'il ne pouvait pas s'offrir le luxe d'un affrontement avec son ministre de l'Intérieur. Mais il désapprouve ses options : il est convaincu que Sarkozy a eu tort de « stigmatiser » les jeunes des quartiers, à coups de formules à l'emporte-pièce. « Il y a des mots qui blessent », glisse un villepiniste. Il est tout aussi convaincu qu'il faut tendre la main aux jeunes issus de l'immigration, quoi qu'en pense la droite profonde.


A l'Elysée comme à Matignon, on estime que Sarkozy s'est trompé de partition tout au long de la crise. Il se serait droitisé, en multipliant les coups de menton, comme l'annonce de l'expulsion des émeutiers étrangers condamnés ; il aurait surtout pris un énorme risque en se coupant de la jeunesse. « Il ne faut pas s'y tromper : même si beaucoup désapprouvent les violences, il y a une solidarité générationnelle de l'ensemble des jeunes avec ceux des cités », explique un député UMP, qui ajoute : « Or personne n'a jamais gagné une élection présidentielle contre la jeunesse. » A Matignon, en début de semaine, on restait prudent : le retour au calme « prendra du temps », a déjà prévenu Villepin. C'est la justification de la prolongation de l'état d'urgence. On appréciait le renfort de Chirac : « Son rôle n'était pas de gérer la crise, il est normal qu'il ait attendu pour intervenir avec force », souligne un conseiller. Mais, mezza voce, on jugeait que l'épisode avait mis en lumière ce qui sépare Villepin de Sarkozy. Du temps où il était secrétaire général de l'Elysée, Bernadette Chirac avait surnommé le premier « Néron », à cause de sa fébrilité chronique et de ses talents d'incendiaire. A l'occasion de la crise des banlieues, c'est au contraire le second qui a fait figure d'incendiaire. Villepin, lui, pense avoir gagné ses galons de pompier.

Sources : NOUVEL OBSERVATEUR

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Le Ministre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article