HISTORIQUE DE LA LOI 1905 - 3ème partie
Pour ceux qui arriveraient au milieu de la course, lisez d'abord :
Dans cette troisième partie, on apprend bien sûr que les Eglises et cathédrales ont été construites avec les deniers de l'Etat et qu'ils sont donc propriétés de l'Etat... n'en déplaisent à ceux qui diraient le contraire. Quand on pense à la fortune du Vatican, il nous semble qu'il peut construire ses Eglises, entre autre...
LE CENTENAIRE DE LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT - 3 ème partie
Le projet de loi de séparation devant le Parlement
par Eugène Rousse
Le vote de la loi séparant le pouvoir politique et le pouvoir religieux a été acquis dans la République française il y a cent ans, le 9 décembre 1905. Après le long chemin qui a précédé ce vote (voir “Témoignages” de vendredi dernier) et le contexte dans lequel il est arrivé, Eugène Rousse nous présente comment les choses se sont passées au Parlement.
LE gouvernement présidé par Émile Combes démissionne le 18 janvier 1905. La présidence du Conseil est alors confiée à Maurice Rouvier, qui presse la commission parlementaire présidée par Ferdinand Buisson depuis le 12 janvier 1903 de procéder à une synthèse de toutes les propositions et projets de loi relatifs à la séparation des Églises et de l’État déposés depuis 1900. Le rapport de la Commission servira de base au projet de loi du gouvernement.
Le rapport Buisson, présenté par Aristide Briand, est achevé le 4 mars 1905 et le débat à la Chambre peut débuter le 21 mars. Il prendra fin le 3 juillet 1905.
Atmosphère tendue Dans une atmosphère souvent tendue, partisans et adversaires du projet de loi gouvernemental auront tout le loisir d’exposer leur point de vue.
S’agissant du concordat signé en 1801 entre Paris et le Vatican, le gouvernement estime qu’il n’y a plus lieu d’en débattre puisque la rupture avec le Vatican, ratifiée par la Chambre, ne peut avoir d’autre conclusion que l’abrogation du concordat.
Le gouvernement s’en tiendra strictement à cette position malgré les violentes protestations de l’opposition, qui considère cette abrogation comme "un coup de force de la majorité de la Chambre contre le Saint-Siège" et "un acte de guerre contre l’Église".
Quant à la séparation des Églises et de l’État, les députés de droite disent leur conviction qu’elle "est une aventure où peut sombrer la République" ; qu’elle ouvrira fatalement dans le pays "une ère de persécution et de violence" et qu’elle déchaînera "la guerre religieuse" et même "la guerre civile dans chaque commune".
"La pleine liberté d’exercer les cultes"
C’est en vain qu’Aristide Briand s’efforce de les rassurer en déclarant : "Cette loi (de séparation) laisse aux catholiques, aux protestants et aux israélites ce qui est à eux, leur accordant la jouissance gratuite et indéfinie des églises, leur offrant la pleine liberté d’exercer leurs cultes sans autre limite que le respect de l’ordre public... Si l’Église ne peut se passer des subsides de l’État, c’est que l’Église est déjà morte... C’est que les catholiques ne croient pas aux promesses de Jésus-Christ, ni à la vitalité de leur religion".
De son côté, l’extrême gauche - qui regroupe près de 70 députés - reproche à la loi (tout en la votant) "d’avoir fait la part trop large à l’Église et pas assez large à l’État". L’extrême gauche tient à exprimer son irréductible opposition à ce que "l’État, les départements et les communes inscrivent à leur budget la moindre dépense relative à l’exercice des cultes".
Un vote historique
Finalement, le vote du projet de loi gouvernement donne à la Chambre les résultats suivants : votants : 574
pour : 341
contre : 233 (dont la voix du député de La Réunion, François de Mahy).
Des reproches infondés
Ce vote historique est suivi à Paris d’un "grand banquet de la séparation" en l’honneur d’Aristide Briand qui défendit le projet de loi du gouvernement avec beaucoup de fermeté et de conviction.
C’est ensuite au tour du Sénat de procéder à l’examen du texte voté par la Chambre. Les discussions au Palais du Luxembourg débutent le 9 novembre et s’achèvent le 7 décembre 1905.
La séparation est approuvée le 7 décembre par 179 voix (dont celle du sénateur de La Réunion, Louis Brunet) contre 105.
Le Pape Pie X s’empresse évidemment de condamner la loi de séparation qui selon lui "spolie l’Église". Ce qui le conduit à instituer le 8 octobre 1907 le "denier du culte" destiné à "l’entretien du clergé".
Au cours des débats parlementaires, il a été beaucoup question de "spoliation de l’Eglise". Argument que reprend le Vatican pour justifier sa condamnation de la loi. Il s’agit en réalité d’un grief bien fragile lorsque l’on sait que c’est sur proposition de l’évêque Talleyrand que les biens de l’Eglise catholique ont été déclarés "propriétés de la nation" le 2 novembre 1789. De plus, le concordat de 1801 cosigné par le Vatican et le consul Bonaparte n’a pas remis en cause cette importante décision prise au lendemain de la Révolution française.
Par ailleurs, les églises et cathédrales construites postérieurement au Concordat l’ont été à l’aide des fonds publics (subvention de l’Etat et des communes). Le gouvernement est donc fondé à affirmer que l’Eglise n’est pas propriétaire de ces lieux de cultes. Nul ne peut, en conséquence, contester que l’Etat fait preuve d’une extrême bienveillance en mettant gracieusement de tels édifices à la disposition de l’Eglise et en permettant aux ministres des cultes de résider dans les presbytères.
Force est d’admettre que si la loi met un terme à l’intervention de l’Etat dans l’organisation et l’administration des églises, il prend toutes dispositions relevant de sa compétence pour que l’exercice du culte soit assuré.
Les cultes ne sont plus un service public
Autre grief majeur fait à la loi de séparation des Églises et de l’État : le budget des cultes est supprimé. Ce à quoi le gouvernement répond : à partir du moment où l’État s’abstient de toute intervention dans l’organisation des Églises, les cultes perdent leur caractère de service public.
Il en découle fort logiquement que la rémunération liée à ce service doit être supprimée. Il appartient désormais aux fidèles de pourvoir aux frais des cultes qu’ils pratiquent.
Denier du culte, quêtes, location de places... devraient permettre aux ministres des cultes de disposer de revenus suffisants. Ce, d’autant que la loi de 1905 n’abroge pas la législation appliquée depuis le Concordat en matière de pension des ministres des cultes.
L’article 11 de la loi stipule expressément que ceux d’entre eux qui ont plus de 60 ans... recevront une pension égale aux trois quarts de leur traitement. Les moins de 45 ans qui sont en fonction depuis 20 ans au moins bénéficieront d’une pension égale à la moitié de leur traitement.
L’Église catholique privilégiée
Cette loi du 9 décembre 1905 - votée par les seuls parlementaires républicains et considérée par une large majorité de catholiques comme une rupture de "la fille aînée de l’Église" avec sa “mère” - privilégie incontestablement l’Église catholique car elle maintient le repos hebdomadaire du dimanche (“jour du Seigneur”) - qui avait été supprimé en 1880 - ainsi que le caractère férié des jours de fête catholique (Ascension, Assomption, Toussaint, Noël) auxquels la République avait ajouté en 1886 les lundis de Pâques et de Pentecôte.
De plus, elle accorde une totale liberté à l’Église catholique quant au choix des membres de sa hiérarchie. Désormais, l’Église catholique ne dépend plus que du Saint-Siège.
Déchaînement de violences En dépit du caractère très libéral de la loi de 1905 - qui n’a au demeurant suscité aucune critique de la part des 3 autres cultes visés par le législateur -, le pape Pie X s’empresse de la condamner et demande aux évêques de France de s’opposer à l’organisation des associations cultuelles chargées d’administrer les biens nécessaires à l’exercice des cultes.
Le déchaînement de violences qui se produit lors des inventaires précédant la remise des édifices religieux aux associations cultuelles trouve évidemment son origine dans la position du Vatican.
Une relation sommaire des incidents qui ont marqué ces inventaires tant en France qu’à La Réunion sera faite dans la dernière partie du présent dossier.
"Le cadre juridique de la laïcité" Ce sont ces deux articles qui fixent "le cadre juridique de la laïcité" en France depuis cent ans. Laïcité dont je me propose d’examiner successivement le volet cultuel et le volet social, sans oublier la question scolaire. Car on ne rappellera jamais assez que l’École publique est le "pilier de la laïcité". (à suivre)
Revenons au texte de la loi du 9 décembre 1905, dont le député Jean Jaurès a soutenu qu’il s’agit d’une loi "juste et sage" et dont les articles essentiels sont rédigés comme suit : art. 1 : la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes...
art. 2 : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte...
Sources : TEMOIGNAGES
Posté par Adriana Evangelizt