HISTORIQUE DE LA LOI 1905 - 4ème partie
Quatrième et dernière partie, fort intéressante comme vous le verrez. La pseudo laïcité en France n'est presque qu'un mot...
LE CENTENAIRE DE LA LOI DE SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT - 4 ème partie
Définitions de la laïcité
par Eugène Rousse
Nous publions aujourd’hui le 4ème volet de la série d’articles d’Eugène Rousse sur la loi du 9 décembre 1905, celle de la séparation des Églises et de l’État.
COMMENçONS par définir le mot “laïcité” qui a figuré pour la première fois dans le Littré en 1872.
Pour Ferdinand Buisson - agrégé de philosophie qui a présidé la commission chargée de la préparation du projet de loi de la Séparation - "la laïcité consiste à faire tendre la laïcisation vers la réalisation des droits de l’Homme et plus spécifiquement les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité".
Pour Jean Jaurès, également agrégé de philosophie et rédacteur notamment de l’article IV de la loi de Séparation : "la société doit reposer sur l’idée naturelle de la justice ; et la laïcité n’est que l’expression de ce principe...".
Pour la Ligue française de l’Enseignement qui a revendiqué dès sa création en 1866 la laïcité de l’École publique, "le combat laïque doit être celui de l’indivisibilité des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ; indivisibilité sans laquelle la dignité humaine n’est qu’un mot creux".
Pour le dictionnaire Larousse enfin, la laïcité est un "système qui exclut les Églises de l’exercice du pouvoir politique ou administratif et en particulier de l’organisation de l’enseignement public".
C’est à la lumière des définitions ci-dessus que nous pouvons apporter une réponse à la question de savoir si face aux cultes pratiqués en France, la République s’est montrée respectueuse de la laïcité.
La création du CFCM pour enfin reconnaître l’Islam
Sans risque d’erreur, on peut affirmer que la loi du 9 décembre 1905 a donné lieu à des décrets d’application qui traitent très inégalement les cultes aussi bien “anciens” (les 4 cultes reconnus au 19ème siècle) que “nouveaux” tels l’Islam, l’Hindouisme, le Bouddhisme...
S’agissant de l’Islam, l’article 43 de la loi de 1905 mentionnait expressément que "des règlements d’administration publique déterminent les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable à l’Algérie...". L’Algérie qui était pourtant la France en 1905 !
Mais, lors de la mise en application de l’article 11 du décret de 1907, tous les observateurs ont pu noter que dans "la France d’outre-méditerranée", peuplée très majoritairement "d’indigènes" et de "non-citoyens", l’Islam - qui était déjà la seconde religion de France - a été ignoré. Les seuls cultes concernés par la nouvelle réglementation étant les cultes israélite, protestant et catholique.
Totalement ignorée dans une "région de France" qui la pratiquait sur une grande échelle, la religion musulmane a été à peine mieux traitée en France continentale jusqu’à l’accession de l’Algérie à l’indépendance en 1962.
Ce n’est qu’au cours des toutes dernières décennies que le gouvernement français a pris conscience de la nécessité de mettre fin aux tentatives de marginalisation, voire de diabolisation de l’Islam, comme cela avait été le cas au cours des siècles passés pour le protestantisme et le judaïsme.
Dans le climat d’islamophobie qui s’est créé à la fin du siècle dernier et n’a cessé depuis de s’alourdir, la mise sur pied du Conseil français du culte musulman (CFCM) est assurément une initiative louable. Ce qui l’est moins, c’est la très forte implication du ministre de l’Intérieur et des Cultes dans la création du CFCM. Ce qui est pour le moins regrettable, ce sont les consignes - qui s’apparentent à des ordres - données par Nicolas Sarkozy à ses interlocuteurs musulmans : pas d’imams étrangers en France, pas d’intégristes, un quota de femmes au CFCM...
L’inégalité de traitement des cultes par les mairies
Une autre preuve de l’inégalité de traitement des cultes par les pouvoirs publics nous est apportée par ce qui s’est passé dans le département de l’Essonne au cours de la décennie 1990.
À Evry, chef-lieu de ce département de la région parisienne, 2 édifices religieux sont sortis de terre à la fin du siècle dernier : une cathédrale ainsi qu’une mosquée et non loin de là une pagode.
Le financement de la construction de la cathédrale a été assuré partiellement par l’État (13 millions sur 86 millions de francs). Pour la construction de la mosquée, il a été fait appel à des fonds privés, auxquels s’est ajoutée une aide des rois d’Arabie et du Maroc. Quant à la pagode, elle a été payée par la communauté bouddhiste de France.
Il faut ajouter que, même lorsqu’ils disposent de fonds susceptibles de leur permettre d’édifier leurs établissements culturels, les musulmans se heurtent trop souvent au refus de permis de construire. Ce qui s’est passé à Nice - où en 1999 le maire Jacques Peyrat s’est opposé à ce qu’une mosquée soit construite dans sa ville - est encore dans toutes les mémoires.
Six ans plus tard, le maire UMP de la grande ville de la Côte d’Azur n’a toujours pas changé d’avis : fin 2005, il vient de réaffirmer que "face à la montée de l’islam radical", il s’oppose "à toute implantation de mosquée à Nice".
La loi relative au port de signes religieux à l’école
Il convient aussi de rappeler que :
En raison du maintien du régime concordataire dans les départements d’Alsace et de Moselle, les évêques, les curés, les rabbins et les pasteurs y ont un statut de fonctionnaires de l’État. Dans ces départements qui constituent une zone de non-droit en France, seules les 4 "religions reconnues" sont enseignées dans les écoles publiques. Les "nouveaux cultes" sont écartés du bénéfice de ces avantages qui ont coûté à l’ensemble des contribuables français 35 millions 571.566 euros pour l’année 2004. Une telle situation est si choquante que l’archevêque de Strasbourg Monseigneur Doré estime devoir écrire dans “Le Monde” du 11 novembre 2003 : "ce qui nous a été accordé ne doit-il pas nous être retiré parce qu’autrement, il faudrait le donner aussi à l’islam ?". Mais on est fondé à penser que le prélat alsacien n’a pas de souci à se faire puisque la commission Stasi mise en place le 3 juillet 2003 par le président de la République n’attend pas le moindre changement dans les départements non concernés par la loi de séparation pour la simple raison que "la population de ces 3 départements est attachée au statut particulier" qui lui est accordé depuis 1919.
Du rapport de la commission Stasi qui contenait pas moins de 26 propositions, le gouvernement n’en a retenu qu’une, sous la pression semble-t-il des forces hostiles aux valeurs de la République. Une seule proposition a été considérée de nature à mettre fin aux atteintes à la laïcité. Le gouvernement s’est inspiré de cette unique proposition pour rédiger la loi du 15 mars 2004 relative au port de signes religieux à l’école. Une loi qui vise essentiellement à interdire le port du voile à l’école. Ce qui, au demeurant, est confirmé par le bilan d’une année (2004-2005) d’application de la loi.
Ce bilan est le suivant : 47 exclusions prononcées dont 44 pour port du voile. En outre, dans 96 cas, les élèves ont dû soit démissionner, soit opter pour leur inscription dans une école privée sous contrat ou au Centre national d’enseignement à distance (CNED).
La brutalité avec laquelle la loi a été appliquée se justifie d’autant moins que le Conseil d’État avait estimé le 27 novembre 1989 que "le port par les élèves d’un signe par lequel ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de la laïcité".
Ne perdons pas de vue que la convention européenne des droits de l’Homme a condamné pour sa part "toute discrimination pour... port de signes religieux (sauf en cas de trouble à l’ordre public)".
Le volet social de la laïcité
Abordons maintenant brièvement le volet social de la laïcité, car la “laïcité publique” ne peut se réduire qu’aux relations Églises-État.
Il nous faut souligner que la laïcité est inséparable de la démocratie, de la justice sociale et de la solidarité. Elle est incompatible avec toutes les formes de discrimination fondées sur le sexe, l’origine ethnique, les opinions religieuses ou politiques. Le combat laïque est donc un combat pour l’égalité des droits de tous les citoyens.
Est-il besoin de dire que ce combat exige une mobilisation permanente de tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République, en raison de l’ampleur de la tâche à accomplir tant en France métropolitaine qu’à La Réunion.
Qui peut contester que dans notre société profondément inégalitaire, les droits les plus élémentaires tels le droit au travail, le droit au logement, le droit à la santé (ou du moins à l’accès aux soins), le droit à l’éducation et à la formation professionnelle, pourtant prévus par le législateur sont loin d’être une réalité.
Qui peut également contester que l’entreprise de casse des services publics à laquelle se livre actuellement le gouvernement ne peut que creuser le fossé entre les gens aisés et les plus démunis, fragilisant ainsi la cohésion sociale, et portant atteinte à la laïcité qui est synonyme de fraternité.
Sources : TEMOIGNAGES
Posté par Adriana Evangelizt