Des comploteurs au coeur de la République

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Si on tenait le corbeau, on tiendrait la vérité. Maintenant, il me vient une idée. Imaginons deux secondes, que quelqu'un ait fait exprès de balancer cette fausse information afin que Villepin soit au courant d'une possible magouille de Sarkozy dans le'affaire Clearstream. Ceux qui ont fait ça savaient très bien que Villepin n'en dirait rien à Sarko et qu'il essaierait de faire prouver que c'était vrai. Imaginons que les adversaires de Villepin aient anticipé sur son comportement... tout est possible, on est entouré de manipulateurs et de propagandistes. Et évidemment, DDV est tombé dans le panneau. Mais imaginons que tout cela a été monté pour le discréditer et s'en débarrasser ? Le manipulateur manipulé ? Tout est possible...

Des comploteurs au coeur de la République

par Karl LASKE et Renaud LECADRE


Les déclarations du général Rondot démontent les explications avancées par le pouvoir exécutif.

A bien y regarder, un «cabinet noir» doit ressembler à quelque chose comme çà. Un ministre et quelques proches. Le choix d'un officier des services spéciaux pioché parmi les meilleurs. Et une enquête aux allures de complot poursuivie au fil des mois au profit d'intérêts particuliers, sans jamais en référer officiellement à la justice, ni aux institutions de la République. Dominique de Villepin n'y peut mais. La description faite par le général Philippe Rondot des missions effectuées pour le compte du ministre des Affaires étrangères, début 2004, est accablante. Ses notes personnelles saisies par les juges et sa déposition du 28 mars ont été révélées dans leur intégralité hier par Le Monde. Pour ce qui concerne Rondot, l'affaire Clearstream s'est limitée à une longue mission de «vérification» de la validité des comptes bancaires attribués à des personnalités. En homme de renseignement, il avait baptisé l'opération Reflux... «parce qu'elle faisait des vagues». De fait, il a été placé au centre d'une manipulation et ses déclarations mettent en lumière les nombreux mensonges proférés jusqu'ici par Villepin. Par un communiqué, les services du Premier ministre ont néanmoins dénoncé, hier, «l'exploitation faite à nouveau par Le Monde de propos tronqués, d'amalgames et d'interprétations».

Dominique de Villepin

L'intrigant

«Prudence cadre secret». C'est l'un des commentaires de Rondot, après sa «convocation» par Villepin au Quai d'Orsay, le 9 janvier 2004. Le général Rondot a consigné sur une fiche son sentiment sur l'entretien «D. de Villepin» en présence de Jean-Louis Gergorin, vice-président d'EADS. Avec un avertissement: «Tenir compte des manipulations politiques.» Ces notes réduisent à néant ses explications au Figaro, mardi. «Jamais Dominique de Villepin ne m'a demandé de m'intéresser aux politiques» avait-il déclaré. La réunion présidée par Villepin y semble pourtant entièrement consacrée. Entre autres «connexions», le ministre évoque «des réseaux tangentiels à explorer Fabius, Pasqua, DSK, Jean-C. Marchiani (ndlr, l'ex-préfet du Var), Squarcini (ancien numéro 2 des RG)». Le ministre des Affaires étrangères donne pour recommandation de «ne rien communiquer au ministère de la Défense» parce qu'il se méfie du mari de Michèle Alliot-Marie, Patrick Ollier, qui connaît trop bien Sarkozy. Villepin a soutenu mardi que le nom de Sarkozy n'avait «à aucun moment» été évoqué lors de cette réunion. Mais la fiche du général le mentionne à quatre reprises. «L'enjeu politique Nicolas Sarkozy. Fixation Nicolas Sarkozy, référence Chirac Sarkozy» avait déjà été évoqué. Il faut ajouter: «Compte couplé N. Sarkozy, Stéphane Bocsa, à préciser.» Il s'agit des comptes bancaires attribués par les fichiers Clearstream à Sarkozy en Italie, sous les noms de Stéphane Bocsa et Paul de Nagy, référence à son patronyme complet et à ses deuxième et troisième prénoms. «Dominique de Villepin insiste sur le croisement des réseaux en dehors des clivages politiques, note aussi Rondot, (...) demande de démonter le système et d'explorer la nature des relations pour comprendre les opérations qui sont énumérées».

Dans sa déposition, le général expose aux juges ses vérifications. Il a fait «part de ses doutes à Dominique de Villepin autour d'avril 2004». Pourquoi dès lors Villepin n'en a-t-il pas référé à la justice et à Nicolas Sarkozy avant l'automne ? A-t-il essayé d'en tirer un profit politique personnel ? Villepin aurait pu être tenté d'éliminer un rival qui, en janvier 2004, se lançait à l'assaut de l'UMP abandonnée par Alain Juppé condamné à une peine d'inéligibilité dans le cadre de l'affaire des emplois fictifs du RPR.

Rondot avait pourtant mis en garde Villepin: «Je lui ai dit qu'il fallait être extrêmement prudent car j'avais le sentiment d'être instrumentalisé et que lui-même risquait de l'être.» Sa réponse aurait été «très nette»: «On ne sait pas si c'est bon ou pas, mais si tout ça est un montage, non seulement on arrête, mais en plus on réagit», promet-il. L'enquête va pourtant continuer alors que, dès mai 2004, l'hypothèse d'un «montage» se confirme. «J'ai alerté les autorités politiques, à savoir M. de Villepin et Mme Alliot-Marie, dit Rondot, et malgré tout, tout s'est poursuivi, c'est-à-dire que certains ont continué à y croire. Il n'y a pas eu de stop mis à cette affaire, qui a continué à se développer avec les lettres de dénonciation.» Les explications à géométrie variable de Villepin justifient chaque jour un peu plus son audition par les juges saisis des plaintes pour «dénonciation calomnieuse».

Jacques Chirac

Le silencieux

Jacques Chirac se retrouve en première ligne. Directement interpellé même puisque Rondot répète que Villepin s'est prévalu «d'instructions» du chef de l'Etat. L'Elysée a démenti, hier, toute implication. Le 28 mars, Rondot a expliqué aux juges que Chirac avait donné pour consigne à Villepin «d'agir avec précaution, discernement et discrétion car l'affaire était grave, que les causes soient fondées ou pas, et qu'elle pouvait donc avoir des conséquences politiques».

Le militaire présume que «le président de la République avait été informé de cette affaire à la fin de 2003 ou au tout début 2004 par l'intermédiaire de M. de Villepin». Si Rondot avait été choisi pour l'opération Reflux, c'est qu'il avait déjà été «missionné officiellement et directement par M. Chirac» dans une autre affaire délicate, une enquête sur les agissements de la DGSE qui aurait été missionnée par Jospin en 2002 pour chercher un éventuel compte du chef de l'Etat au Japon. Avec ses démentis lacunaires, Chirac montre qu'il est une nouvelle fois scotché à Villepin. Faute d'alternatives, le Président semble persister, pour l'heure, à vouloir le garder à Matignon. L'Elysée est d'ailleurs soupçonnée par les sarkozystes d'abriter son propre «cabinet noir». Aucun chiraquien ne se retrouve dans les listings falsifiés de Clearstream qui brassent le reste du monde politique, droite et gauche confondues.

Michèle Alliot-Marie

La grande muette

Le général Rondot certifie qu'il a «tenu au courant» le directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, «tout au long de [ses] investigations», à l'occasion de «réunions hebdomadaires en sa seule présence». Ces rapports débutent en novembre 2003. Rondot en déduit qu'il est «évident que Mme la ministre devait être informée» de ses recherches. En mai 2004, un mois avant les premières missives du corbeau, convaincu du «montage», il prévient sa ministre de tutelle. Et d'ajouter: «J'ignore si elle a pris son téléphone pour en informer alors M. Sarkozy. Si elle ne l'a pas fait, je le regrette.» Son témoignage paraît probant: les enquêteurs ont saisi une de ses notes, datée du 21 avril 2004, à l'attention de la ministre de la Défense. Elle est prudemment intitulée: «Existence d'une vaste entreprise de corruption et de déstabilisation?»

Trois jours plus tard, Philippe Rondot rencontre MAM en tête-à-tête. Les parapluies sont ouverts. Le directeur de cabinet de MAM transmet la note de Rondot accompagnée de cette précaution: «J'ai demandé au général de vous faire cette note malgré l'embarras dans lequel l'ont mis les instructions du président de la République de ne référer qu'à lui-même dans cette ténébreuse affaire.»

Nicolas Sarkozy

Le calculateur

Sarkozy a été une cible, parmi d'autres, de la manipulation. Mais les comptes qu'on lui prêtait en Italie ont intéressé l'entourage de Villepin. En janvier 2004, on souligne le conflit «Chirac-Sarkozy» sur fond de querelle pour la prise de l'UMP après la condamnation de Juppé. Pour Sarkozy, un boulevard présidentiel semble se dégager. Pas si sûr puisque son nom apparaît dans les premiers fichiers Clearstream... Lorsque Villepin en obtient communication, il ne se tourne pas vers son collègue, ministre de l'Intérieur. De son côté, très tôt mis au courant du montage qui le vise, Sarkzoy va chercher à en tirer profit en se victimisant. Une stratégie qu'il poursuit au fil de la publication des notes et propos de Rondot. Il est vrai qu'après les vérifications conclues en avril-mai 2004 par des «doutes» du général, Villepin n'a pas davantage informé Sarkozy. Il a laissé l'affaire se développer, après l'envoi des lettres anonymes. Les deux hommes ne s'expliquent qu'en octobre 2004. Leur échange ne porte que sur la non-communication par Villepin des enquêtes de la DST sur le corbeau. A ce moment-là, on ignore que Villepin était informé de la manipulation presque dès son origine.

Sources : LIBERATION

Posté par Adriana Evangelizt

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