Déboussolée, la "chiraquie" cherche une stratégie

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Déboussolée, la "chiraquie" cherche une stratégie

par Béatrice Gurrey

 

C'est dur. C'est compliqué. Mais ça tient." Mercredi 3 mai, sortant de l'Elysée, où l'équipe présidentielle évalue en permanence la situation, un ministre proche de Jacques Chirac se rassure. La publication dans Le Monde, le jour même, de nouveaux documents impliquant le premier ministre, dans lesquels le général Philippe Rondot détaille les procédures qu'il a suivies dans l'affaire Clearstream, a valu une journée particulièrement éprouvante à Dominique de Villepin. Mais certains veulent encore croire, dans le premier cercle chiraquien, chef de l'Etat en tête, que la défense adoptée est la bonne. Ce fidèle du président l'affirme : "Maintenant, c'est parole contre parole." Rondot versus Villepin.

Comment imaginer cependant, que cette ligne peut tenir ? Même les compagnons les plus loyaux du président s'interrogent. Version optimiste : "S'il n'y a pas d'autres acteurs qui entrent en jeu, si on en reste là, ça ira." C'est-à-dire si l'enquête ne vient pas confirmer ou aggraver les dires du général, qui s'est d'ores et déjà transformé en mauvais objet de la chiraquie. "Normalement, un type comme lui met ses notes en lieu sûr. C'est quand même bizarre qu'il ait laissé tout cela chez lui. Il n'y avait plus qu'à venir les cueillir", dit l'un. "Il se contredit et avoue qu'il a menti ", observe un autre. Sa déposition devant les juges, relatant la réunion du 9 janvier 2004, est carrément mise en doute : "Villepin est un type très prudent. Quand c'est sensible, il ne paraphe que dans la marge et au crayon. Et là, il réunirait des types un peu bizarres et il laisserait prendre des notes ?" Bref, le général Rondot est devenu un bouc émissaire bien commode. "Il y a des gens moins armés que lui qui n'ont jamais parlé - on en connaît au moins un", lance, la rage au coeur, un ancien conseiller du Palais.

Le nom de l'homme "moins armé", Alain Juppé, qui a annoncé son retour du Québec le 1er mai, trois jours après les révélations du Monde sur M. de Villepin, plane dans toutes les têtes à l'Elysée. L'ancien premier ministre a gardé une ligne directe avec le chef de l'Etat, surtout en période de crise. L'un de ses proches, Vincent Le Roux, chargé des relations avec les élus à l'Elysée, est même surnommé par les députés "Radio-Canada". La cartouche Villepin quasi consumée, l'Elysée attend le sauveur. C'est dire si le désarroi est grand. Il l'est d'autant plus qu'une partie des conseillers de M. Chirac soutient le premier ministre comme la corde soutient le pendu. Ou plutôt, préconise de s'en débarrasser. Essentiellement pour trois motifs : parce qu'il entraîne le président par le fond ; parce qu'il a perdu sa crédibilité de chef ; parce que l'affaire Clearstream va alimenter chaque jour la chronique. Jérôme Monod, qui dénicha jadis Alain Juppé, n'a jamais aimé M. de Villepin. Maurice Gourdault-Montagne, le diplomate, ne lui pardonne pas d'abîmer le président sur la politique intérieure. Frédéric Salat-Baroux, le secrétaire général, s'est fâché avec lui lors de la crise du CPE. Bernadette Chirac s'en est toujours méfiée. Sans parler des conseillers de l'ombre, naguère humiliés par l'ancien secrétaire général. Et Claude Chirac ne le soutient que pour servir son père. Tant qu'il montait dans les sondages, parfait. Aujourd'hui, c'est une autre histoire, même si l'Elysée continue à diffuser officiellement un message de soutien au premier ministre. Celui qu'il faut mettre à l'abri, c'est le président.

En fait, chez les plus lucides, l'inquiétude est extrêmement vive. Jacques Chirac "n'avait aucune raison de prendre cet excité", a confié M. Monod, excédé, à un membre de l'UMP. Le spécialiste des sondages, Frédéric de Saint-Sernin, observe les courbes avec angoisse. La conjonction d'une cote de popularité au plus bas pour le chef de l'Etat et le retour d'un parfum d'affaires forme à ses yeux un cocktail détonant. Les visites discrètes de députés de l'UMP, qui viennent donner leur avis à l'Elysée, ne rendent pas un son plus rassurant. "Les joueurs de casino, quand ils perdent beaucoup et plusieurs fois de suite, on leur interdit la table", a dit l'un au sujet du premier ministre. "Faux savant, mauvais politique et barbouze raté", a tranché un autre. Certains, tel Laurent Hénart (Meurthe-et-Moselle), sont venus donner des conseils plus constructifs : "L'attente de l'opinion, vis-à-vis du président, portera sur l'apaisement civique, social et même civil. Les gens savent que l'on ne peut pas tenir un an comme ça", a-t-il fait valoir.

Et le président ? Il regarde, écoute, réfléchit. Gagne du temps. Vaque à ses occupations, comme si de rien n'était. L'agenda a repris son rythme de croisière sur la politique étrangère, et ses conseillers lui préparent une série d'interventions ciblées, sur les sujets qui ont fait sa marque : le plan cancer et l'innovation industrielle la semaine dernière, l'anniversaire de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), le 3 mai, le basculement dans le tout-numérique, jeudi 4 mai, en présence de tout le gratin de l'audiovisuel. L'Elysée a pratiquement bouclé son programme jusqu'à fin juin.

Lundi 1er mai, recevant comme chaque année les représentants du marché de Rungis à l'Elysée, le chef de l'Etat papote, décontracté, devant les brins de muguet et les produits du terroir. Bernadette Chirac, elle, observe le panier de crabes présenté par les mareyeurs. Elle avise un immense homard. "Celui-là, il est très grand, je n'y touche pas. Il me fait peur", dit cette familière des phrases codées pour exprimer sa pensée. On lui fait observer que ses pinces ont été entravées. Elle n'est qu'à moitié rassurée.

Béatrice Gurrey

Sources : LE MONDE

Posté par Adriana Evangelizt

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O
voilà donc le type de réflexion auquelles on a droit quand on achète le Monde, dans un article sur l'affaire Clearstream : <br /> "[à propos de Madame Chirac] : <br /> "Elle avise un immense homard. "Celui là , il est très grand, je n'y touche pas. Il me fait peur" dit cette familière des phrases codées pour exprimer sa pensée" <br /> D'abord un immense homard, je ne vois pas bien ce que ça représente, : t'as péché quoi ? réponse: un immense homard ! C'est vraiment n'importe quoi. Quant à interpréter ce que dit Madame Chirac sur un homard , et sous entendre qu'elle fait une allusion à l'affaire Clearstream, c'est du n'importe quoi. Il faudrait être aveugle pour ne vpas voir cette manipulation. <br /> Si ça continue , bientôt , "Le Monde" , dira quelque chose comme: "Dominique de Villepin avait des chaussettes rouges aujourd'hui , était-ce un appel du pied aux socialo-communistes ? " <br /> Lisez Le Monde avec un esprit critique , ne vous laissez pas embobiner , par des manipulateurs. Ou plus simplement, ne lisez pas Le Monde...
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