Copé, serviteur de son ambition

Publié le par Adriana EVANGELIZT

En tout cas, Jean-François Copé, on ne l'a pas trop entendu soutenir le Premier Ministre pendant la débacle... le seul qui tient la route, c'est vraiment Debré...

Jean-François Copé, serviteur de son ambition

par Philippe Ridet

 

Il ne doute de rien, surtout pas de lui-même. De sa courte, mais déjà riche, vie politique, il a tiré la conviction que la prudence n'était pas antinomique de l'ambition. Alors que l'affaire Clearstream ébranle toute la droite, Jean-François Copé regarde au loin. Convaincu d'"avoir pris de la valeur" en devenant ministre, ce proche de Dominique de Villepin cherche déjà de nouvelles assurances : "Mais, prévient-il, y aura un prix à payer : mes idées."

Tout cela, on ne le lira pas dans son livre Promis, j'arrête la langue de bois, dans lequel, en se proposant de décrire l'arrière-cour du pouvoir, il en profite pour dire tout le bien que lui inspirent ceux qui furent ses mentors et ses protecteurs. François Fillon, son ancien collègue du gouvernement Raffarin, n'est pas dupe : "Il aurait mieux fait d'appeler son livre "C'est la dernière fois que je mens"."

Jacques Chirac, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Thierry Breton, Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin : tous ceux dont il prit le sillage ont droit à leur message personnel. Dans son bureau de l'hôtel Cassini, à Paris, le ministre du budget et porte-parole du gouvernement s'interroge gravement : "Comment peut-on dire du mal de ses collègues le dimanche soir et les retrouver le lundi matin ?" A le lire, ce danger-là semble écarté.

Trop respectueux de ses aînés ? Ou simplement très prudent ? Même ses amis semblent parfois attendre de lui l'étincelle qui marquera les esprits, le dérapage salutaire. "C'est le spécialiste international de la langue de bois, se lamente Pierre Bédier, président du conseil général des Yvelines, et comme lui ancien "bébé Chirac" au début des années 1990. Il a été formaté pour ça. Pourtant, il ne ressemble pas à l'image qu'il donne. Il a une vraie humanité."

Nicolas Dupont-Aignan, qui fut son condisciple à l'ENA, a beau chercher "une anecdote croustillante", il ne se souvient de rien : "Il était déjà très professionnel, très méthodique et très ambitieux." En trois adjectifs, tout est dit. Ce quadra bouillant d'impatience concourt, aux côtés de ses collègues du gouvernement François Baroin et Renaud Dutreil, au titre de meilleur espoir de l'UMP, en attendant mieux.

"Mon itinéraire est plus nourri que le leur", lâche-t-il comme en passant. Sciences Po Paris, ENA, adhérent du RPR en 1989, Jean-François Copé choisit la voie escarpée et aléatoire de la politique pour accéder au coeur du pouvoir, quand ceux de sa génération optent pour la voie plus directe de la finance ou des médias. En 1993, le voilà directeur de cabinet du ministre des relations avec le Parlement, Roger Romani, puis député deux ans plus tard quand Guy Drut, dont il était le suppléant, entre au gouvernement d'Alain Juppé.

Ses échecs sont rares mais cuisants : battu en 1997, à 35 ans, il fait de sa défaite une traversée du désert. De cette expérience reste le souvenir d'un désarroi presque enfantin : "J'ai compté les jours qui me séparaient de la prochaine élection. J'ai mis le pied dans la porte pour ne pas qu'on m'oublie." Et, curieusement, il ajoute : "J'ai ramé avec les dents."

Autre revers : sa défaite aux élections régionales du printemps 2004, alors qu'il conduit la liste UMP en Ile-de-France : "J'ai été le meilleur perdant", minimise celui qui se souvient "précisément" avoir toujours voulu faire de la politique. Précisément ? "J'avais 10 ans et j'étais fasciné par la campagne de Giscard." Là où d'autres dissimulent leur ambition comme une mauvaise manière, lui l'exhibe comme un étendard. Décomplexé par l'affichage que Nicolas Sarkozy fait de la sienne, Copé s'est engouffré à sa suite dans ce créneau. Organisé et sans états d'âme, il a su saisir les bons trains pour y accrocher le lourd wagon de ses ambitions. "C'est Monsieur proche de... Son problème, c'est de plaire tous les jours à celui qui est en situation", raille un ministre qui se dit pourtant "séduit" par une forme de "candeur" et de "naïveté" chez son collègue. Aujourd'hui, l'homme fort de la droite s'appelle Nicolas Sarkozy. Affaibli par le rejet du CPE, emberlificoté dans les méandres de l'affaire Clearstream, Dominique de Villepin, qui avait les faveurs de Jean-François Copé, ne paraît plus en mesure de représenter une bonne locomotive.

Ça tombe mal, juste au moment où Copé avoue des relations un peu "up and down" avec le ministre de l'intérieur. Suspicion réciproque : il reproche au ministre de l'intérieur de ne pas l'avoir assez soutenu dans sa campagne des régionales ; Sarkozy le soupçonne d'avoir alimenté "la machine à rumeurs" au moment de sa séparation avec son épouse, Cécilia.

Prévoyant, le ministre du budget a trouvé le temps de prendre un café avec le président de l'UMP durant les vacances de Pâques à La Baule : "On a passé une soirée très agréable", dit-il. Et soldé les comptes ?

Jean-François Copé a fait et refait ses calculs : les prochaines années lui seront favorables. Si la droite l'emporte en 2007, il pense, fort de son expérience, figurer dans le casting gouvernemental. Dans le cas contraire, encore jeune, il peut se permettre d'attendre. "Je ne fais jamais de pronostics, je construis des scénarios", dit-il. Bluffant d'immodestie, il écrit, dans son livre : "J'ai la chance, à 41 ans, d'avoir déjà beaucoup vécu en politique. A l'âge où d'autres ne font que commencer à exercer des responsabilités, j'ai déjà derrière moi deux années de cabinet ministériel, dix années de mandat de maire de Meaux (...) et près de quatre ans de gouvernement."

Pour l'avenir, il ne doute de rien : "Par définition, confie-t-il, quand on fait ce métier on ne se fixe pas de bornes." Son plan est déjà arrêté : réunir des soutiens, travailler ses réseaux et monter sa "PME politique" pour se vendre au meilleur prix. Cette image d'ambitieux calculateur, Jean-François Copé a cherché à en corriger les effets les plus désastreux lors de son passage dans l'émission de Michel Drucker, Vivement dimanche, le 16 avril : "21 % de part de marché !", plastronne-t-il.

Petit-fils d'un immigré juif roumain, fils d'un chirurgien fou de théâtre, il est passionné par la musique ; ses parents l'avaient initié au "tango argentin" et au "cinéma français d'avant guerre". La meilleure part de lui-même ? "Oui, répond-il, mais cela ne fait pas très sérieux sur un CV."

Sources : LE MONDE

Posté par Adriana Evangelizt

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