La caravane Sarkozy débarque en Afrique
La caravane Sarkozy débarque en Afrique
par Vanessa SCHNEIDER
Critiqué en Afrique pour ses propos et sa loi sur l'immigration, le ministre de l'Intérieur se rend au Mali puis au Bénin jusqu'à demain pour vendre sa politique africaine.
Nicolas Sarkozy continue de piétiner les dernières plates- bandes de la Chiraquie. Arrivé hier soir au Mali, où il restera toute la journée avant de se rendre au Bénin, le patron de l'UMP n'entend rien de moins que présenter les grandes lignes d'une nouvelle «politique africaine de la France». S'il s'était déjà rendu au Mali en février 2003, en tant que ministre de l'Intérieur, sur le thème de l'immigration qui sera à nouveau l'objet de discussions aujourd'hui , c'est la première fois qu'il entreprend une minitournée sur ce continent avec au programme des discours sur le codéveloppement et sur la politique africaine. Un passage quasi obligé pour un futur candidat à la présidentielle. Mais aussi une visite risquée. Le calendrier du ministre de l'Intérieur est malencontreux. Il part au Mali le jour même du vote de sa loi qui durcit l'immigration, un texte très mal vu dans les pays africains. Mardi, le président du Sénégal Abdoulaye Wade a exprimé son désaccord avec la politique prônée par Sarkozy, lui reprochant de vouloir piller les élites des pays en voie de développement. «Ce n'est pas moi qui fixe la politique de l'immigration au Sénégal, ce n'est pas à lui de définir les conditions de l'immigration en France», lui a sèchement rétorqué le numéro 2 du gouvernement.
«Pure provocation». Hier, une nouvelle passe d'armes l'opposait au chanteur ivoirien Alpha Blondy pour qui l'immigration choisie «renvoie» à l'esclavagisme. Le ministre de l'Intérieur a répondu à ce «dérapage verbal» en assurant que sa réforme «permettra de faire venir dans des conditions optimales les personnalités de tout niveau, à la condition absolue que ce recours n'ait aucun impact négatif pour le développement des pays d'origine». Sarkozy entend profiter de son voyage pour dissiper ce qu'il appelle des «malentendus» et parler «sans langue de bois». La tâche ne sera pas aisée. Au Mali, 21 députés ont déjà demandé l'annulation de sa visite considérée comme «une pure provocation», et l'Association malienne des expulsés a organisé hier une marche et un sit-in contre sa venue. Lundi, il a reçu discrètement place Beauvau une dizaine d'ambassadeurs africains pour leur expliquer sa politique d'immigration et déminer la colère.
Au-delà de la dernière loi sur l'immigration, Sarkozy n'a pas la cote en Afrique, notamment depuis ses propos sur les «racailles», le «Kärcher» et plus récemment sur les étrangers qui peuvent «rentrer chez eux» s'ils ne sont pas contents. Au Mali, Nicolas Sarkozy devrait faire un premier bilan de la politique d'aide au retour qu'il avait initiée en 2002 et qui est considérée comme un échec par beaucoup.
Le président de l'UMP n'a pas choisi le Mali et le Bénin au hasard. Il entend saluer «des pays qui s'illustrent par des efforts de vie démocratique», selon son directeur de cabinet Claude Guéant. En posant notamment aux côtés de Yayi Boni, le président béninois élu il y a un mois à la surprise générale, il veut montrer que la rupture qu'il se pique d'incarner peut s'inscrire dans des relations internationales changées en tissant des liens avec une nouvelle génération de dirigeants : Boni Yayi est un jeune technocrate, encore inconnu du grand public au début de l'année. Il a aussi l'avantage de diriger l'un des rares pays d'Afrique francophone où «l'opinion n'est pas fâchée avec la France», selon un conseiller.
Gabon : fief chiraquien. Le programme initial de cette visite comprenait une escale au Liberia où il devait se montrer pendant quelques heures avec la présidente Ellen Johnson-Sirleaf, nouvelle coqueluche de l'Afrique anglophone. Mais cette destination, dont le choix visait à envoyer un message amical à Washington, a finalement été supprimée «pour des raisons techniques». En fait, «étant donné le contexte actuel et les rebondissements quotidiens dans l'affaire Clearstream, le ministre ne souhaitait pas s'absenter trop longtemps de Paris», dit un proche. Il a aussi fallu renoncer au Gabon, envisagé un temps, à cause du «veto» de Chirac, qui considère ce pays comme un «fief», selon l'entourage du chef de l'UMP. Outre la restauration de son image écornée par sa politique en matière d'immigration, le numéro 2 du gouvernement se fixe pour objectif avec ce voyage de jeter les bases d'une nouvelle politique à l'égard des pays d'Afrique. Il a ainsi l'intention de proclamer la «fin du paternalisme». «La France doit garder des relations privilégiées avec notamment l'Afrique francophone, mais elles doivent évoluer vers un véritable partenariat. On doit définitivement considérer les pays africains comme des pays majeurs», explique son directeur de cabinet. En matière d'aide au développement, Sarkozy devait se prononcer en faveur de l'augmentation des investissements productifs et va appeler à ne pas se contenter d'une augmentation en volume des aides, comme le proclame Chirac.
Sources : Libération
Posté par Adriana Evangelizt