L'attitude des français face à l'affaire Clearstream
Il faut bien dire que cette affaire commence à lasser d'autant que l'on aimerait bien savoir la vérité. Et que ça traîne.
Clearstream : les français entre désintérêt et irritation
A ce stade, et sous réserve de nouveaux développements politiques et/ou judiciaires, les responsables des instituts de sondage enregistrent le désintérêt d'une majorité de Français pour une affaire qui, comme le souligne le directeur du département politique de TNS-Sofres, Brice Teinturier, "reste extraordinairement complexe et totalement éloignée de leurs préoccupations".
Une enquête de l'IFOP réalisée les 4 et 5 mai, alors que l'affaire Clearstream faisait la "une" des médias depuis une semaine, la classait en dixième position des sujets de conversation des Français, très loin derrière "la hausse des prix du carburant et du gaz". Selon un sondage de l'institut CSA, réalisé les 9 et 10 mai, seules 17 % des personnes interrogées disaient en parler spontanément. A titre de comparaison, CSA rappelle que, lors de la crise du contrat première embauche (CPE), 67 % des Français en parlaient.
Les deux instituts ont constaté que le degré d'intérêt manifesté à cette affaire par les Français était directement lié à leur niveau d'études. "Elle remue les cadres, diplômés et plutôt parisiens. Elle n'agite pas le fond du pays", souligne Stéphane Rozès, directeur de CSA-Opinions. La complexité et la confusion du dossier ne suffisent pas à expliquer le désintérêt de l'opinion. Selon Jérôme Sainte-Marie, directeur de BVA-Opinion, "il manque plusieurs ingrédients pour que cette affaire choque l'opinion et marque un tournant".
Pas de "dimension tragique", contrairement aux affaires du Rainbow-Warrior ou du sang contaminé, nul "objet pittoresque immédiatement mémorisable", comme la fameuse paire de chaussures de Roland Dumas, aucun "indice d'enrichissement personnel d'un des protagonistes" : le sujet de l'affaire Clearstream, souligne M. Sainte-Marie, est "quelque chose de totalement abstrait".
Si ses méandres ne déclenchent pas les passions, l'affaire Clearstream n'est pas sans effet sur la perception qu'ont les Français de leurs responsables politiques. Pour M. Teinturier, cette affaire "ne peut que les irriter, voire créer du dégoût. Survenant à un an de l'élection présidentielle, elle conforte l'idée que les acteurs politiques ne sont mus que par leurs ambitions personnelles. L'idée est : "Ils s'occupent d'eux, pas de nous"".
M. Sainte-Marie rapproche l'affaire Clearstream du congrès de Rennes de 1990, lorsque les socialistes, alors au pouvoir, avaient donné "le sentiment qu'ils étaient trop occupés par leurs querelles internes pour gérer les affaires de la France".
Selon M. Rozès, les Français seraient pressés de tourner cette page, redoutant que cette affaire leur "vole" le débat présidentiel : "Ils craignent, dans un climat de crise, que leurs exigences en matière économique et sociale soient détournées." Ce n'est pas tant l'incompréhension que l'attente d'autres débats qui susciterait le désintérêt des Français.
Dans ce contexte, et toujours sous réserve des suites de l'affaire, il paraît très difficile d'en cerner l'impact sur les intentions de vote. Pour les raisons évoquées ci-dessus, les Français ne feraient guère de distinction entre les protagonistes. "Ce n'est pas l'affaire elle-même qui pose problème, mais le fait qu'elle rend la communication du gouvernement totalement inaudible", relève M. Sainte-Marie.
Le directeur de BVA, qui note "l'énergie" retrouvée par le président de l'UDF, François Bayrou, souligne que "le discrédit pourrait porter sur l'ensemble de l'UMP, Nicolas Sarkozy compris". La gauche ne semble pas pour autant en tirer bénéfice.
"Cela nourrit et conforte une grille de lecture favorable à tous ceux qui sont à la périphérie du système, souligne M. Teinturier. Qu'il s'agisse des abstentionnistes, de l'extrême droite, et en partie de l'extrême gauche, même si elle ne réagit pas de la même façon." Le responsable de la Sofres ajoute toutefois que "des affaires de ce type ne structurent pas le comportement électoral".
Alors que le souvenir du 21 avril 2002 est dans toutes les mémoires, chacun s'interroge, bien sûr, sur le bénéfice que pourrait en retirer l'extrême droite. Si l'inquiétude est grande au sein des autres formations politiques, les responsables des instituts de sondage relativisent "l'effet Clearstream".
M. Sainte-Marie invoque plus volontiers une accumulation : "Immigration, insécurité, autorité de l'Etat, moeurs politiques : les différentes crises qui ont eu lieu depuis plusieurs mois semblent sans cesse conforter l'argumentaire de l'extrême droite." "Les convaincus seront confortés. Mais on ne devrait pas assister à des basculements", ajoute M. Teinturier.
Evoquant un sondage réalisé par son institut mais non encore publié, M. Rozès fait même état d'un très léger tassement des intentions de vote en faveur du FN. Selon cette enquête, c'est la socialiste Ségolène Royal qui aurait tiré le plus de "profit" de l'affaire Clearstream... pour ne pas en avoir excessivement parlé.
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt