Nicolas Dupont-Aignan : GDF "Le climat est très mauvais à l'Assemblée"
"Le climat est très mauvais à l'Assemblée"
Par Nicolas Dupont-Aignan
député UMP de l'Essonne,
maire d'Yerres
Quels sont vos arguments contre le projet de fusion GDF-Suez ?
- Ce projet désamorce la puissance publique dans le secteur du gaz au moment où les défis de l'énergie et du réchauffement climatique imposent une stratégie publique et des investissements de l'Etat sur le long terme. Ce n'est pas le marché boursier qui raisonne à quinze jours qui peut préparer des financements à 50 ans.
Les arguments avancés par le gouvernement en faveur de la fusion sont inexacts. Contrairement à ce qui est avancé, il sera possible de faire une offre publique d'achat (OPA) sur GDF autant que sur Suez dans le nouvel ensemble. La synergie GDF-Suez n'a rien à voir avec celle de la seule fusion valable: celle d'EDF-GDF. Le nouvel ensemble aboutit au démantèlement du service public énergétique.
Le tarif réglementé est une farce. Il s'agit de la transposition en droit interne de directives qui obligent de toute façon à libérer tous les prix d'ici cinq ans. La Commission européenne est à ce sujet très claire. Le projet actuel consiste en un lissage des prix avant alignement au niveau européen, plus élevé. Avec cette privatisation, l'Etat ne maîtrisera plus les tarifs du gaz. Les Français sont d'ores et déjà victimes du copinage du milieu des affaires. Je conteste la politique du gouvernement et de l'Europe qui va priver la France de son avantage comparatif sur les investissements, les prix du gaz.
Quelle alternative proposez-vous, notamment quant à l'ouverture au marché de l'énergie pour les entreprises publiques?
- L'électricité et gaz ne sont pas des biens comme un autre et ne peuvent être vendus comme tel. Les entreprises publiques ont le droit de le rester. Le maintien d'un tarif réglementé par l'Etat est indispensable, pour ne pas voir les actionnaires profiter de manière abusive des variations du marché. Aujourd'hui deux options se présentent: le choix entre le marché libre et le marché réglementé. Le gouvernement estime impossible de mettre aujourd'hui en place le marché libre. Mais il est simplement différé, pas remis en cause. J'affirme la nécessité et la possibilité de maintenir les tarifs réglementés.
Je propose le retrait du projet actuel, afin de pouvoir conserver la propriété publique de la France. En lieu et place, je propose la fusion entre GDF et EDF, en accord avec de nombreux députés de la majorité.
Une solution de compromis me paraît acceptable: le maintien de l'Etat à plus de 50% dans le capital de GDF. Ceci est réalisable avec la mise en place d'une participation croisée entre la filiale énergétique de Suez et GDF. Renault et Nissan l'avaient déjà fait. Suez et GDF pourraient échanger des parts dans ce cadre. Certains députés UMP, la CFTC et la CGC approuvent aussi cette idée.
Que devrait faire selon vous le gouvernement dans cette bataille parlementaire ?
- Le gouvernement sera obligé de suspendre l'examen de ce projet où de passer en force avec le 49.3. Je ne vois pas d'autre solution. Il s'est mis dans une impasse. L'opinion l'a d'ailleurs compris. Les députés notamment de l'UMP sont ulcérés de voir la promesse de Sarkozy de ne pas privatiser GDF trahie.
Je propose de bloquer le projet et repousser cette discussion après les présidentielles. Ensuite, il s'agit convaincre nos partenaires européens, les autres Etats membres, que la politique de Bruxelles n'est sur ce point pas valable. Le dogme du commerce prôné aujourd'hui par l'Union européenne a échoué aux Etats-Unis, qui en reviennent.
La gauche se ridiculise, il suffisait de continuer le débat parlementaire de manière normale. Plutôt que de transformer ce débat en cirque, comme le fait l'opposition, je suggère le refus d'appliquer la directive, la Grande-Bretagne l'a déjà fait sur d'autres sujets. Il en est de l'intérêt de la Nation.
Quant à la fourniture de documents noircis: le Parlement est bafoué, les milieux d'affaires se croient au-dessus du peuple. Le climat est très mauvais à l'Assemblée, certains ont besoin qu'on leur rappelle que le Parlement représente le peuple!
Propos recueillis par Sophie Besse
Sources : Nouvel Observateur
Posté par Adriana Evangelizt