UN MINISTRE TRES EN VERBE

Publié le par Adriana EVANGELIZT

VILLEPIN, UN MINISTRE TRES EN VERBE

 

 

A Matignon, un homme de communication a laissé sa place à un homme de lettres. Dominique de Villepin fait en effet partie de ces hommes politiques français versés dans la littérature. Une passion qui transparaît dans son style flamboyant et grandiloquent, devenu célèbre dans le monde entier depuis le discours qu’il a prononcé devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le 14 février 2003. A l’actif du nouveau Premier ministre, déjà six ouvrages. Si la plupart s’inscrit dans une démarche, voire un calcul, politique, deux livres se distinguent par la touche personnelle que leur auteur y a apporté.

"Etrange mélange"

Avec Eloge des voleurs de feu (1), Dominique de Villepin clame son amour pour la poésie. Et de quelle manière ! Dans la chronique qu’il lui a consacrée en mai 2003 dans Le Point, le journaliste François Dufay évoque un "sidérant pavé", "objet littéraire non identifié", "œuvre-vie riche en fulgurances". Dans une "prose poétique" (2), le Premier ministre "livre une théorie poétique en citant très abondamment des poètes qu’il connaît intimement, tels Saint-John Perse ou René Char", explique François Dufay à tf1.fr. "Il privilégie une vision romantique du poète comme mage ou médium, doté de pouvoirs de vision", indique le journaliste. "Pour Villepin, la poésie peut véritablement changer la vie, elle jette un pont entre des mondes différents", poursuit-il. Tout comme la politique (3)

Car, dans cet hymne aux forgeurs de vers, Dominique de Villepin brosse également son portrait. Celui d’un "homme d’action qui est également un homme du verbe et qui agit pour transformer le monde avec la parole et l’espèce de feu intérieur qu’elle manifeste", avance Dufay. "On peut trouver cela un peu mégalo, admet-il, mais il n’en reste pas moins un des très rares hommes politiques à posséder un tel bagage et à ne pas le séparer de sa vie d’homme d’Etat." "Il est un étrange mélange de lyrisme ardent et d’une langue de bois qui tourne sur elle-même", souligne tout de même le journaliste. Sa prose poétique, qui n’évite pas les "tunnels" et une certaine logorrhée à l’écrit, Villepin la maîtrise davantage à l’oral, pointe-t-il encore.

Un côté gaullien

Amoureux des lettres, Villepin est également amateur de chiffres, ceux qui ponctuent les grands moments de l’Histoire. Dans Les Cent-jours (4), publié alors qu’il était encore secrétaire général de l’Elysée, il narre la fin de l’épopée napoléonienne. "C’est un vrai livre d’Histoire rédigé avec beaucoup de style", affirme Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, qui avait décerné à l’ouvrage son prix annuel. La démarche de l’auteur est sincère, selon l’historien : "Au Quai d’Orsay, Villepin a lancé une quantité de projets historiques qui n’ont d’ailleurs pas tous abouti tellement il a placé la barre très haut. Par exemple, il a sauvé le domaine français de Sainte-Hélène, il a permis l'organisation à Paris d'un colloque international sur Napoléon et l'Europe". Pour avoir rencontré Dominique de Villepin à plusieurs reprises, Thierry Lentz estime qu’il "n’est pas un copieur d’Histoire mais quelqu’un dont la démarche est toujours sous-tendue par l’Histoire". Et d’ajouter : "Il n’est pas du tout dupe de la réalité de la position de la France dans le monde. Lorsqu’il déclare que ‘la France parle au monde’, il veut dire que la France a quelque chose à dire au monde".

François Dufay et Thierry Lentz soulignent tous deux le côté gaullien du nouveau chef de gouvernement, son optimisme, son volontarisme. "Il y a aussi un côté soleil noir dans tout cela, selon Dufay. Cela peut paraître étrange cet intérêt pour l’aventure avortée des Cent-jours et la démarche avortée de Rimbaud, qui sont deux éclatants désastres." Pour autant, le journaliste et l’historien se refusent à faire quelque parallèle que ce soit entre la fin de règne de l’Empereur et les derniers mois du présent quinquennat.

(1) Eloge des voleurs de feu, éditions Gallimard (2003).
(2) "Plus que jamais, une nouvelle incandescence est nécessaire. Et voici que dans cet élan s'impose la haute figure du poète qui, lancé à l'assaut des frontières et messager de la charité, dénoue le mystère, s'affirmant tout à la fois voleur de feu et porteur d'eau, mais d'une eau singulière, plus brûlante que le feu, riche d'une violence si noble qu'elle déborde la violence." (extrait d'Eloge des voleurs de feu cité par François Dufay).
(3) Un parallèle dressé par Dominique de Villepin dans un discours prononcé le 31 octobre 2002 à l’université Mohamed V de Rabat (Maroc) : "Au centre de la poésie et de la politique, il y a la quête, la volonté de se situer en avant. Toutes deux forcent les portes de l'avenir, creusent les gouffres, interrogent le malheur et le désarroi, pour y puiser une parole et tracer un chemin. Chacune se nourrit de l'écart, de ce lieu absent qui reste à défricher. Aucune vérité des hommes et des mondes, dans leur diversité, ne leur est étrangère."
(4) Les Cent-jours ou l’esprit de sacrifice, éditions Perrin-Tempus (2002).

Matthieu DURAND

 

Sources : http://news.tf1.fr/news/france/0,,3223169,00.html

Posté par Adriana Evangelizt

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