Conférence à Paris : Décryptage de la guerre au Liban
Décryptage de la guerre de juillet au cours d’une conférence à plusieurs voix à Paris
d’Élie MASBOUNGI
Le Collectif des citoyens libanais et amis du Liban, un groupement créé durant la guerre de juillet, a organisé avant-hier soir, au Centre des Cordeliers à Paris, une conférence-débat à plusieurs voix sur le thème suivant : « Israël, politique de la force ou force de la politique », en présence d’environ 300 personnes, dont de nombreux jeunes Français et Libanais.
Parmi les conférenciers, il y avait Michel Eddé, président de la Ligue maronite et ancien ministre ; Sylvain Cypel, journaliste au quotidien Le Monde ; Mikaïl Barah, chercheur à l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), ainsi que Hind Khoury, déléguée générale de la Palestine en France, qui remplaçait le député arabe israélien Azmi Béchara, empêché de venir en dernière minute. Le débat était animé par Dominique Vidal, historien et journaliste au Monde diplomatique.
Le premier intervenant était Mikaïl Barah, qui a commencé par se demander si la récente guerre au Liban était une tentative d’instauration d’une pax americana régionale. Pour lui, Israël, le Hezbollah, mais aussi le gouvernement libanais ont semblé être au cours des événements de l’été 2006 « en symbiose » avec des acteurs et/ou des intérêts qui dépassaient de loin un cadre exclusivement national. Il a ainsi posé trois questions : La guerre libano-israélienne était-elle une fatalité ? Est-il juste d’y déceler un bras de fer indirect entre les États-Unis et l’Iran ? Une paix israélo-arabe durable est-elle encore possible et, si oui, à quelles conditions ?
Au sujet de la première question, le conférencier a estimé que la toute récente guerre contre le Liban figurait en bonne place sur l’agenda pour diverses raisons, dont la résolution 1559, ajoutant que, « cette fois-ci », ce sont les États-Unis qui ont instrumentalisé Israël, alors que les autres guerres étaient décidées par l’État hébreu, qui demandait et obtenait le soutien de Washington. Mikaïl Barah a tenu à préciser que pour les Américains, le nouveau Moyen-Orient est ce plan qui consiste en la création d’ensembles ethno-confessionnels, et que cela a déjà commencé en Irak. « Il y a, bien au-delà de cette guerre, un bras de fer irano-américain », a estimé le conférencier, ajoutant que pour ce qui est de la paix, elle sera possible du fait qu’Arabes et Israéliens sont maintenant convaincus que la force ne mènera à rien.
De son côté, Sylvain Cypel a expliqué les raisons de l’échec d’Israël dans sa guerre contre le Liban, affirmant que ses ambitions, qui étaient de rétablir sa capacité de dissuasion, d’éradiquer le Hezbollah et de modifier la carte politique du Liban, se sont avérées en fait « irréalistes ». Cet irréalisme, a-t-il indiqué, est le fruit de l’évolution de sa pensée politique (l’idée de l’unilatéralisme) et du nouveau rapport à l’environnement. Il a ajouté qu’il y a très peu de bilans aujourd’hui en Israël du fait de l’échec de la politique de la force, et si de tels bilans existent, ils sont cantonnés dans les soubassements de la société civile, ce qui ne réduit pas d’ailleurs leur importance.
Pour Michel Eddé, « ce n’est pas Israël qui a une armée, mais c’est l’armée (israélienne) qui a Israël ». Il a fait valoir que la politique israélienne est basée depuis 1948 sur des opérations militaires basées sur des expulsions, des massacres et des agressions. Il a estimé que toutes les initiatives de paix israélo-arabes ont échoué parce qu’elles ont été rejetées par Israël « malgré l’acceptation par les Arabes, y compris la Syrie, du principe de la paix contre la terre, la résolution 242 et la reconnaissance d’Israël ». Michel Eddé a ainsi affirmé que « les raisons de cet échec sont liées à la crainte et à la peur, omniprésentes en Israël, concernant notamment l’équilibre démographique entre Juifs et Arabes, mais aussi dans la militarisation de la société israélienne (éducation, service militaire, entraînements militaires répétés et obligatoires jusqu’à l’âge de 49 ans, etc.) ». Il a par ailleurs estimé que les Juifs américains et européens ont un rôle majeur à jouer si l’on veut chercher à sortir de la logique de guerre, et qu’eux seuls pourront pousser Israël à accepter une solution juste et globale de ses différends avec ses voisins.
Enfin, Hind Khoury a établi un parallèle entre l’intervention militaire israélienne au Liban et la politique d’agression de l’armée israélienne dans les territoire occupés ; une politique basée sur « une logique martiale qui ne repose que sur sa force militaire ». Elle a insisté sur l’absurdité des agissements unilatéraux des Israéliens, dont les agressions « meurtrissent au quotidien le peuple palestinien et scandalisent la communauté internationale ». Elle a conclu en affirmant qu’après plusieurs décennies de politiques militaires aveugles, les Israéliens n’ont rien obtenu et qu’ils continuent pourtant à utiliser la force, chose que seule une intervention militaire internationale pourra arrêter. Cela permettrait, selon elle, en même temps de protéger le peuple palestinien et préserver son unité, en donnant au président Mahmoud Abbas une chance de réussir dans d’éventuels pourparlers de paix.
Sources : LORIENT LE JOUR
Posté par Adriana Evangelizt